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 Fighting Goddess

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Fëa
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Fëa


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MessageSujet: Fighting Goddess   Fighting Goddess EmptyJeu 29 Mar - 11:33

On ne rigole pas de mes titres bizarres, merci ^^ j'espère avoir la motivation de finir ce projet (pour changer).

A part ça, les commentaires sont les bienvenus ^^

Note: Pour des raisons purement psychologiques, je ne me relis jamais directement après avoir écrit. De plus, mon orthographe et ma grammaire comportant quelques lacunes, ma relecture ne saurait retirertoutes les fautes.
Les textes suivants, en début de chapitre, seront donc annotés comme tel:
-Rien: Le texte n'a été ni relu, ni corrigé. Vous êtes donc au courant qu'il comporte des fautes de frappes, des coquilles, des erreurs de conjugaison et autres horreurs grammaticales, voir des oublis de mots ou des répétitions. Dans ce cas, le texte a été posté pour que vous jugiez le fond plutôt que la forme, afin de me prévenir si j'ai écris quelque chose de complètement incohérent, que je puisse corriger avant d'avoir fini le chapitre suivant.

-Relu: Le texte a été relu, le style et la syntaxe ont donc étés revus, corrigés et améliorés. Normalement il ne manque pas de mots et les phrases sont correctes, la majorité des fautes d'accords sont corrigées. Je considère le texte comme lisible et criticable du point de vu stylistique dès qu'il comporte cette mention.

-Corrigé: Ma mère est passée par là et normalement, il n'y a plus de fautes d'orthographes. Le must de la lecture, si on passe sur mes idées tordues ^^



Dernière édition par le Sam 19 Jan - 12:54, édité 14 fois
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Fëa
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MessageSujet: Re: Fighting Goddess   Fighting Goddess EmptySam 31 Mar - 14:56

Prologue

Relu


« En l’an 2150 de l’ère chrétienne commença la troisième guerre mondiale, suite à un crash pétrolier qui enclencha la révolution énergétique. Le conflit nucléaire, dans le premier mois, tua près de deux milliard d’êtres humains ; trois dans le second mois ; sur les douze que comptaient la Terre, au cours des bombardements massifs de l’Asie de l’Est et de l’Amérique Centrale. Changez la diapositive, voulez-vous ? »

Clac. La carte du monde en 2150 fut remplacée par un désert de cendres grises et le professeur, un homme d’une soixantaine d’années au teint grisonnant mais à la voix encore puissante, reprit son discours.

« Les bombes nucléaires de cette époques, engins archaïques et destructeurs, étaient composés en majorité d’Uranium, de divers composants radioactifs et d’une nouvelle source d’énergie, le Ditrium. De nos jours, seul le Ditrium est encore utilisé pour ses vertus écologiques et les bienfaits de ses ondes sur l’esprit humain, afin que seuls ceux qui ont le cœur impur soient touchés par ses explosions. L’utilisation massive des anciens appareils à Uranium entraîna la création de ces zones dites mortes, car impropres à toutes cultures, constructions, ou colonisations. Ces territoires sont aujourd’hui encore inutilisables. Ce lieu, autrefois nommé Mexico, était peuplé par plusieurs millions d’habitants et supportait une ville nombreuse. Comme vous le voyez, tout à été intégralement rasé, bâtiments compris.
Suivante. »

Clac.

« La violence du conflit fut telle qu’en 2151, le monde sombra dans un hiver nucléaire. Miss Sharrington, veuillez porter d’avantage d’intérêt au cours, je vous prie, dois-je vous rappeler que vos passez bientôt vos partiels ? Cet hiver se traduisit par une levée des poussières des zones mortes et la création d’une couche de nuages denses qui compensa fortement l’inversion soudaine du magnétisme terrestre, entraînant soit l’irradiation des zones sous protégées par les poussières, soit la glaciation des zones sur protégées. Les zones en bleues sur cette carte sont celles qui ont été gelées –celles en rouges, les irradiées. Voyez comme il reste peu de terres vierges ? C’est là qu’on retrouve les survivants de la catastrophe. Suivante. »

Clac.

« On ne sait pas exactement combien de temps a duré cet hiver, car les survivants ont, à un moment donné, dû éteindre les appareils non nécessaires à la survie. Nos archéologues supposent que cette période fut longue de presque dix ans, nuit sans lune à laquelle survécurent environ trois millions de personnes, principalement en Amérique du Nord, Europe, Sud-Afrique, Asie du Nord-Est et du Sud-Est, Océanie du Sud. Les photos prises au début de la nouvelle ère, après le rallumage des satellites, indiquent que certaines des terres bombardées auraient été littéralement détruites, parmi lesquelles l’Amérique Centrale, le Moyen-Orient, l’Océanie du Nord, et une partie de l’Afrique Centrale. L’espace ainsi libéré fut compensé par la fonte des glaces aux pôles, et le niveau général des mers n’a ainsi pas baissé. Suivante.

Clac.

« Voici le Pôle Nord, également appelé Sion. Il abrite aujourd’hui la haute société de la Fédération Nord, son Etat Major, son gouvernement, ainsi que les principaux pôles de développements technologiques et commerciaux. Sion, notre glorieuse capitale, est le point le plus éloigné du Front, celui que l’Empire du Sud, notre ennemi, ne doit, et ne pourra jamais atteindre. De Sion dépend la survie de la Fédération, et pas là même de l’humanité. Suivante. »

Clac.

« Voici l’ancien Pôle Sud, Atlantide. »

~*~



Elysabeth Leska, née Maker, NE 178-203.
Roy Leska, NE 176-203.

C’était tout ce qu’elle avait pu trouver sur eux : une date de naissance, une date de mort, précédés d’un « NE » froid pour « Nouvelle ère ». Qu’elle cherche dans des journaux, des encyclopédies, sur le réseau du Nord-net, Aubry ne trouvait rien. Ce n’était qu’une stèle froide qui, dans un cimetière de Seattle, avait daigné lui offrir le peu qu’elle savait : que sa mère, Elysabeth, et son père, Roy, étaient morts lorsqu’elle avait deux ans.

Bien pratique, tout ça : on était sûr qu’elle ne se souviendrait de rien. Elle ne savait pas comment ils étaient morts, si elle avait été là, pourquoi, où, quand. Vide total. Aubry Leska n’existait que par elle-même, sans racines autres qu’un foyer pour les Pupilles de la Fédération, dont tout le monde savait qu’ils étaient destinés à de brillantes carrières de par leur intelligence ou, au choix, à servir de chaire à canon dans l’armée lorsqu’ils n’avaient pas des fonctions cérébrales assez vives.
Dans les deux cas, c’était ce qu’on appelait un « destin glorieux », bien qu’Aubry, plutôt à classer dans la deuxième catégorie, ne soit pas sûre que ce soit vraiment le cas.

Après tout, ce n’était pas comme si elle avait tout fait pour s’en sortir. Redoublante, elle séchait encore les cours pour faire des recherches sur ses parents, le foyer n’étant pas l’endroit le plus approprié pour partir en quête de son identité. Mais plus elle avançait, plus cette démarche fastidieuse lui paraissait d’une inutilité telle qu’elle se sentait toute prête à abandonner. Parfois, elle se disait que ce serait tellement plus simple de passer ses Partiels de majorité, de se laisser classer tranquillement dans une catégorie professionnelle, de rencontrer un fonctionnaire quelconque, de l’épouser et de lui donner des gosses, comme toutes les filles pas très douées. Après tout, ce n’était pas honteux, d’être femme au foyer, et on n’était pas forcément sûre d’être malheureuse, même dans ce monde où l’on gagnait la reconnaissance par des exploits militaires ou scientifiques.

Ce qui confortait Aubry dans cette idée de destin, c’est qu’elle n’était pas trop moche et qu’un garçon pourrait peut être vouloir d’elle un jour. Oh, elle n’avait pas très bon caractère, mais s’étaient des choses qui s’arrangeaient, alors qu’un nez de travers ou un œil en moins… bien sûr, elle avait souvent pensé que teindre en blond ou en brun ses cheveux roux pourrait aider, car tout le monde savait que les Atlantes avaient les cheveux cuivrés, aussi n’était-il pas très bien vu d’avoir les cheveux tirant sur le rouge. Elle ne pouvait rien faire pour sa taille, si ce n’est souhaiter qu’en mangeant de la soupe, elle décollerait de son petit mètre soixante cinq. Au moins, elle avait ce qu’il fallait au niveau des fesses et de la poitrine, c’était toujours ça.
Et arrêter de porter mes vieilles chaussettes, pensa soudainement Aubry en baissant les yeux vers ses pieds, fronçant les sourcils en découvrant que sa cheville gauche était de nouveau recouverte par un bel accordéon de tissu, ou elle serait bien en mal de se trouver quelqu’un.

~*~


La classe, soudainement silencieuse, fixait avec effroi la nouvelle diapositive. Ils les connaissaient tous, ces tours effilées, aux formes bizarres et impossibles, cet espèce de revêtement nacre-ou-doré des murs, les stalactites encore fixées aux balcons d’Atlantide, à l’époque où le chaos de glace n’avait pas encore fondu. On leur avait appris à la détester, à la craindre. La demeure de leurs formidables ennemis, les Atlantes venus du fond des temps pour asservir l’humanité.

Avec grandiloquence, le professeur Camber marqua une pause des plus théâtrales, balayant sa classe du regard. Tous des adolescents, de quinze à dix sept ans, près de leur majorité et donc des Partiels qui les destineraient à tel ou tel métier, à tel ou tel avenir. De leurs mentions respectives dépendait toute leur vie, et encore, il y en avait pour faire les tires aux flancs, rebus de la société qui finiraient dans les masses viles et bêtes du prolétariat de la Fédération, à fabriquer des obus.

« Atlantide, » dit-il d’une voix lente. « Atlantide, c’est ça. La citée aurait été construite sur des flotteurs ; lors de la dernière ère glacière, la neige s’y serait amassé et elle aurait coulé. Lors de l’ère sombre, ces neiges ont fondus, et la ville est remontée. Depuis, ses habitants, les Atlantes, essaient de mettre la main sur la Terre entière, oubliant que c’est à nous, humains, qu’elle appartient depuis des millénaires. »

La diapositive changea

« Les populations de l’hémisphère sud, dont on sait qu’elles ont été irradiées par l’uranium et le Soleil, et qui sont naturellement bêtes, inférieures et idiotes, viles et méchantes, se sont aussitôt trouvés des maîtres aussi mauvais qu’eux pour voler les territoires des honnêtes survivants. Assemblés sous la bannière des Atlantes, ils ont formés un gouvernement factice, autocrate, fondé sur la noblesse de sang et non le mérite comme nous le faisons : l’Empire du Sud ! Mais cet Empire, c’est l’Empire d’Atlantide, et leurs Ducs et Duchesses, et ce sont des pions. Il n’y a que les Atlantes, sachez le bien ! »

Le professeur balaya sa classe du regard, sûr de son effet. Depuis deux siècles, les Atlantes squattaient leur planète, croyant que malgré le temps, ils en étaient toujours les propriétaires… grave erreur.

« Ceux de l’hémisphère nord –nous, décidèrent alors de construire un vrai gouvernement, une démocratie forte qui saurait défendre les valeurs de l’espèce humaine contre ces fossiles d’un autre âge. Nous avons combattus vaillamment, et avec un courage exemplaire, mais les fourberies de l’ennemi étaient telles que nous perdions la guerre, bien que nous emportions dans la mort nombre de leurs soldats. »

Clac. Nouvelle diapositive : champ d’herbe verte, percé de croix blanches. Un cimetière.

« Vos ancêtres, qui se sont battus pour vous, vous ont laissé un héritage en trois partie : la Fédération, votre terre sacrée de liberté, qui sera toujours votre patrie ; la technologie du Ditrium, qui nous permet aujourd’hui d’affronter l’Empire à armes égales ; et enfin, le plus merveilleux des cadeaux : leur courage nous a révélé aux yeux des Dieux, qui se battent aujourd’hui à nos côtés pour libérer notre planète chérie du joug des Atlantes.»

Clac. Le drapeau de la Fédération apparut sur la toile blanche servant d’écran.

« Afin de protéger notre bien aimée Fédération, sachez que vous pouvez vous engager dès vos quatorze ans. L’armée offre de belles perspectives de carrières, les seules indépendantes de vos résultats de Partiels ! Engagez vous et servez votre bien aimée nation !»


~*~



Aubry avait écumé toute la bibliothèque administrative de Seattle. Le temps qu’elle ne passait pas au Lycée Fédéral, les nuits blanches gagnées en fuguant du foyer, elle les avait passées à étudier. Et pour quoi ? Elle ne trouverait rien ici. « Leska » n’était pas un nom courant dans la province américaine de la Fédération. Pourquoi se trouvait-elle ici si ses parents n’étaient pas morts ici? Ils n’étaient pas vieux, seule une mort violente avait pu les envoyer ainsi dans la tombe. Purement illogique, mais…
Seattle n’était qu’un trou paumé de toute façon. Qu’est-ce que quelques centaines de milliers d’habitants de nos jours ? Les terres habitables s’étaient largement repeuplées en deux siècles.

Non, ce n’était pas à Seattle qu’elle trouverait des réponses. Un seul endroit rassemblait tout le savoir de la Fédération : Sion. Si Aubry ne pouvait y trouver les réponses à ses questions, c’est qu’elles n’existaient nulle part. Mais Sion… on n’y allait pas comme on prenait le bus. Et même si elle y allait, elle n’aurait jamais accès à toutes les informations ; pas sans les résultats exceptionnels qui pourraient la catapulter dans la haute société.

N’importe qui d’autre aurait pu se satisfaire de son sort. Être Pupille de la Fédération était un statut que certains lui auraient envié, mais Aubry avait toujours pressentie que tant qu’elle ne trouverait pas ses racines, elle ne pourrait jamais vivre en paix, que ce soit en temps que mère de famille ou ministre, colonel ou professeur.

Elle ne pensait pas avoir déjà pris une telle décision en étant aussi peu sûre d’elle, mais elle ne pensait pas avoir encore le choix.

~*~



« Tous autant que vous êtes, votre vie sera bientôt déterminée. Si vous obtenez de bon résultats à vos Partiels, vous pourrez continuer vos études, devenir riches et respectés, atteindre les cercles de la Haute Société et peut être vivre à Sion. Les autres, c'est-à-dire la majorité de votre groupe d’indécrottables cancres, finirez dans les masses du prolétariat à travailler à la chaîne, produisant les munitions pour notre glorieuse armée. En temps que votre professeur principal, je ne peux que vous conseiller de vos engager avant vos Partiels qui… SHARRINGTON ! est Leska ? »


~*~


« Armée Fédérale, section Nord-Ouest Amérique ; secteur Sud-Ouest. Quelle est votre demande, je vous prie ? »

« Je voudrais m’engager dans l’Armée. »


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MessageSujet: Re: Fighting Goddess   Fighting Goddess EmptySam 31 Mar - 14:58

Chapitre 1 :
Les Jeunesses Fédérales

Relu


Exactement quatre jours après ce fameux coup de téléphone, Aubry recevait une demande de convocation express, de même que huit autres filles dans sa classe, qui en comptait trente sept, et au total quarante et une élèves du Lycée Féminin Oresca Fetle furent dans le même cas. Une bonne moitié d’entre elles était composée d’étudiantes qui méritaient l’appellation de « médiocres élèves», ou de « cancres », qui avaient choisi l’engagement pour échapper au travail à la chaîne, destin auquel certaines de ces presque délinquantes ne semblaient plus pouvoir échapper autrement. Les autres étaient des filles peu sûres d’elles et effrayées à l’idée de rater leurs Partiels ou, et elles étaient plus nombreuses, des ambitieuses qui, pour une raison qui échappait à Aubry, avaient soudainement décidé de faire preuve de patriotisme.
Au total, deux cent dix huit jeunes citoyennes de Seattle quitteraient la ville trois jours plus tard.

Tout aussi exactement sept jours après s’être engagée, Aubry, assise sur le banc d’un arrêt de bus, fixait l’enseigne lumineuse du sex-shop de la rue d’en face. De grosses gouttes s’écrasaient sur le toit plastifié de l’abri, sur la chaussée, sur le trottoir. Elles étaient quatre à attendre le bus 283, chacune pourvu d’un énorme sac à dos et de deux, voir trois autres sacs. Les unes avaient été surchargées par des parents inquiets, les autres –en l’occurrence Aubry- parce qu’elles ne pensaient pas retourner au foyer.

Enfin, dans un vrombissement de vieux moteur au pétrole, un Resmark 200 blanc et bleu passa le coin de la rue, et la rousse abandonna sa contemplation pour ramasser son gros sac à dos. Une femme en uniforme descendit du bus dès qu’il fut arrêté, une liste à la main, et appela chacune de ses nouvelles recrues.

Le Resmark 200 était un engin conçu pour être utilisé dans les Secteurs sud, ne serait-ce que parce que les bagages se rangeaient sur le toit. En l’occurrence, comme il pleuvait et qu’il fallait bien les entasser quelque part, Aubry eu la joie franche et sincère de devoir accomplir un véritable parcourt du combattant pour pouvoir atteindre la seule banquette encore libre, et pour cause puisqu’elle était à moitié défoncée.
L’autre petit défaut du Resmark était l’absence de chauffage, ou encore le fait qu’il ne devait contenir qu’une vingtaine de passagers, et non la trentaine de filles qui ne s’en plaignaient pas, la chaleur corporelle faisant des miracles lorsqu’un climatiseur cassé vrombissait avec enthousiasme en plein mois de Novembre sans qu’on puisse l’arrêter, ou même le régler.

Profondément enfoncée dans un sac de couchage bon marché avec Mika, sa voisine de banquette, Aubry se félicitait d’être petite : les sacs ne pouvant être placés que devant les sièges, les genoux sous le menton étaient devenus une position standard. Et Mika, encore plus petite qu’elle, avait un crâne confortable pour dormir.
Aubry espérait que son épaule l’était tout autant, la brunette la squattant allègrement depuis près d’une heure lorsqu’elle-même glissa dans un sommeil sans rêves.

Le lendemain, après une pause pipi dans une station service, l’officière Idna Rekvem (avec un nom pareil, ça sentait la Sion à plein nez) leur expliqua qu’on les emmenait dans une « colonie de vacance », quelque part en Amérique S-Nord-Centre, pour un stage de « loisirs créatifs », d’activités « ludiques et sportives » et de « remise en forme ». Autant dire tout de suite qu’elles y croyaient toutes…

Le voyage dura près de trente sept heures, au cours desquelles Aubry s’essaya aux pieds sur le siège de devant, au sac à dos transformé en lit et au Mika-oreiller-100%-plume, sans grand succès, et c’est avec des cernes impressionnantes que les trente voyageuses débarquèrent au camp des Sapins Bleus. Quant à savoir qui avait trouvé un nom aussi débile pour une réserve de futurs cadavres, Aubry ne voulait pas le savoir.

Idna, leur « team officer », les refourgua dans des dortoirs de dix, portant chacun les noms éloquents de « Alfa », « Bêta » et « Delta ». Avec « Omega », « Epsilon » et « Gamma », ils formaient une compagnie de soixante filles, les Harpies. Le camp comptait trois compagnies et, d’après ce qu’Aubry comprit des explications de leur leader, il était traditionnel que ces groupes soient en compétition pour tout et n’importe quoi. On resterait trois mois au camp des « débutantes », avant d’être expédié chez les grandes, deux kilomètres plus loin, pour commencer une vrai formation militaire.

Aubry découvrit rapidement qu’Idna n’avait pas mentit, et que le camp des Sapins Bleus était une colonie de vacance. Très sportive, certes, mais qui n’avait rien de militaire.

Le rythme s’avéra vite soutenu : footing, natation, football et autres sports étaient pratiqués près de six heures dans la journée. Le reste était partagé entre divers cours théoriques, de la couture en passant par la cuisine ou la danse de salon. Le camp tout entier se levait à cinq heure du matin, bien avant le soleil et dans la brume, sur un grand rassemblement de toutes les compagnies sur la place au drapeau. Après avoir chanté l’hymne de la Fédération et levé le fanion de leur bien aimée République, toutes les filles retournaient dans les baraquements pour quitter leurs uniformes des Jeunesses au profit de leurs tenues de sport, puis se rendre à la cafétéria de leur compagnie.

La première semaine, les recrues vivaient sous assistanats : beaucoup manquèrent les premiers levés à cinq heure et ce sont les anciennes du camp « d’au dessus » qui s’occupaient des cuisines. Puis, les filles durent instaurer un tour, car chaque baraque devait s’occuper des repas pendant une journée. Le dimanche était fourni par le groupe qui avait obtenu les moins bons résultats.

Le petit déjeuner était immédiatement suivit de la réunion du jour, qui visait à expliquer le déroulement de la journée, puis la matinée entière était dévouée au sport, qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il fasse moins dix, ce qui arriva dès la fin du premier mois. Lorsqu’il commença à neiger, on troqua les sports d’eau contre des skis de fond et des batailles de boules de neige.

Aubry souffrit beaucoup pendant les trois premières semaines. Son régime de nuits blanches à Seattle et son peu d’activités sportives passées lui pesèrent lourdement, et sans de longues douches d’eau chaude, elle était certaine que ses muscles n’auraient pas tenus le coup. Les courses la laissaient essoufflée, un poing de côté lui mordant le flanc avec une invariable rythmique, répétitive mais plus longue à venir à mesure que sa condition physique passait du « passable » à « l’acceptable ». Si elle ne prit pas de centimètres au cours de son séjour aux Sapins Bleus, son apparence changea quelque peu : son petit ventre avait fondu à la fin du premier mois, ses cuisses s’étaient largement raffermies dès le second, et elle se sentait visiblement plus souple à la fin des vacances.

L’autre changement qui s’opéra en elle venait de l’ambiance même du camp : un subtil mélange de compétition et de camaraderie, de léchage de bottes auprès des Team Officer et d’une rébellion interne et discrète, puérile, qui se manifestait en volant une livre de sucre en plus pour faire la cuisine de la compagnie, en couvrant l’absence d’une camarade qui ne s’était pas réveillée par un mensonge adroit, ou divers petits sabotages pour ne pas faire d’aviron lorsque la surface du lac se couvrait de glace.
Aubry ne s’était jamais vue comme une leader. Elle n’était de toute façon pas très sociable et avait déjà eu beaucoup à faire pour ses trouver des amies, aussi n’avait-elle jamais pensé à devenir déléguée, ou membre d’un club, ou quoi que ce soit dans ce genre. De même, elle avait toujours pensé que sa petite taille et ses cheveux roux seraient une tare dans toute tentative de leadership, et qu’elle serait finalement condamnée à faire la vaisselle pour un fonctionnaire… ce qui expliquait pourquoi, avant d’intégrer l’armée, elle avait teint ses cheveux en noir, mais elle n’avait pas eu le temps ni les moyens de se refaire une teinture, si bien qu’en quittant les Sapins Bleus, elle dû couper l’infâme rideau noirâtre pour avoir l’air présentable, et ce fut avec un pincement au cœur qu’elle vit disparaître ce qui avait été une luxuriante tignasse rougeoyante, victime de sa fierté mal placée.

Aux Sapins Bleus, Aubry s’était trouvé dans une situation très particulière, entourée de filles à la volonté fléchissante ou pleurant sur leurs familles. Elle, elle n’avait pas de famille, et le foyer ne lui manquait pas plus que ça. Elle était également extraordinairement motivée, déterminée qu’elle était pour atteindre Sion, bien que cette perspective soit devenue étrangement brumeuse dans son esprit, passant après des préoccupations plus terres à terres : ne pas se retrouver de corvée le dimanche.
Comment elle en était venue à être nommée Team Leader par Idna, elle ne le savait pas, mais c’est ainsi que cela se passa : un mois après leur entrée au camp, les filles furent constituées en équipes officielles, avec un chef et un vice chef, et pourquoi Aubry fut choisie, elle ne le comprit pas.

Trois mois après le départ de Seattle, La H-Bêta Team déménageait avec les grandes dans le camp d’en haut, celui des vrais recrues. On rajouta une bande sur leur uniforme, pour montrer qu’elles avaient déjà survécut à l’échauffement, et on lui donna un manuel de droit militaire, à étudier pendant les soirées, car elle était Chef d’Equipe et que c’était dans ses prérogatives.

Le camp d’en haut était officiellement appelé « camp des Sapins ». Tout court. Il comptait non pas deux cent filles environ, mais bien le triple, et on y resterait certainement pas trois mois : le temps règlementaire était d’un an, pour peu qu’on tienne jusque là.

~*~


« Vous avez beaucoup de chance, professeur Camber. Vous aviez la garde de… enfin, vous savez. »

Camber assena distraitement un zéro pointé sur une dissertation des plus médiocres, heureux que la communication ne soit que vocale. Au moins pouvait-il passer ses nerfs sans qu’on ne puisse voir quel agacement pouvait provoquer son interlocuteur.

« Elle porte bien son nom, Colonel Irklem. Flee… ça ne pouvait pas être un hasard, après tout. »

« Certes », concéda le Colonel d’une voix plus aimable. Au moins, l’officier n’était pas un de ces imbéciles qui pétaient plus haut que leur cul. « Mais vous auriez pu faire attention. »
Ou peut être pas.

« Je faisais de mon mieux. Mais on y est arrivé, n’est-ce pas ? Où est-elle, maintenant ? Aux Sapins Bleus ? Excellent camp. De bonnes officières sont passées par là, vous n’avez plus à vous inquiéter. D’autant qu’elle a choisit cette voie toute seule… pourrait-on trouver plus de loyauté pour sa nation ? »

« Un accident est vite arrivé. Mais ce n’est plus de votre ressort, mon cher. Nous avons déjà délégué d’autres agents pour protéger Flee. »

« Je suis bien heureux de le savoir, et je leur souhaite beaucoup de chance. Elle n’a pas un caractère facile. »

« D’après Horus, ce n’était pas non plus le cas de Flee. »

« Il doit avoir bonne mémoire pour s’en rappeler encore… »

« Ne blasphémez pas, Professeur Camber. »

« Jamais, mon Colonel. Mais avouez qu’Horus… »

« ... est tout à fait digne de confiance, et ce même s’il ne peut actuellement pas participer à la protection de la nation humaine autant qu’il le voudrait. Mais ce problème sera bientôt réglé. »

« Tant que Flee sera sauve. »

« Bien entendu. Analla a atteint 45% de compatibilité ce matin. »

« Un chiffre médiocre. »

« Mais meilleur que le précédent. »

« Ce n’était pas difficile, » remarqua Camber avec dégoût, « Karen n’a jamais dépassé les 30%. »

« Vous n’êtes plus à la section de maintenance de nos amis divins, professeurs. Ce n’est plus à vous de vous inquiéter de ça. »

Le professeur se laissa aller dans son fauteuil. Irklem avait raison : ce boulet de Leska était désormais loin de lui, hors de sa juridiction, et surtout, il n’en avait plus la responsabilité. L’Etat se débrouillerait, comme toujours. Et puis, maintenant que Flee était au bon endroit, il n’y avait vraiment plus aucune inquiétude à avoir –tant pour elle que pour Horus. Il suffirait à Analla de faire un petit effort pour ne pas tout faire exploser à la tête de leur petit Dieu chéri, et tout irait pour le mieux.

Un grésillement suivit d’un bip sonore l’informa que la communication avait été interrompue. Ce Colonel… s’ils ne s’étaient pas connus un peu mieux, Camber lui aurait reproché son impolitesse. Ce qui lui faisait penser, en parlant d’impolitesse, que de nouvelles élections se préparaient dans le Secteur, et qu’il fallait qu’il prépare son cours pour expliquer à toutes ses crétines en jupe pourquoi il fallait voter, tout en faisant face à leur ingratitude constante.

Être professeur était vraiment une retraite épuisante, pensa l’homme avec ironie.


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MessageSujet: Re: Fighting Goddess   Fighting Goddess EmptyMar 3 Avr - 5:39

Idna, définitivement jolie dans son uniforme kaki, avait depuis le premier jour éveillé d’étranges sentiments chez Aubry, mélange incisif d’envie, d’admiration et d’un désir constant de mettre une paire de claque à cette belle et grande blonde, au corps si bien découpé, à la voix si mélodieuse, alors qu’elle, infâme petite cancre, se contentait d’un ton beaucoup moins agréable, plus strident et pouvant prendre des airs vaguement hystériques. Aussi, lorsqu’Idna parlait, Aubry se contentait d’écouter.

Idna était belle et intelligente. Aubry se trouvait bête, futile et infantile. Idna était gentille et compréhensive, Aubry était caractérielle et rancunière.
Idna était blonde, au teint clair et aux yeux verts. Aubry était rousse et avec les yeux noisette, d’un brun tout simple et très commun, ridicule dans son uniforme vert qui sonnait faux.

Elle trouvait sincèrement que son costume des Jeunesses Fédérales lui faisait une belle silhouette, tout en bleu avec un col et des manchettes noires, les bottes luisantes moulant la cheville. Mais là, avec ses rangers encore trop dures et son pantalon en toile de camouflage, elle devait avoir l’air débile, parce qu’elle n’était même pas un vrai soldat.

Idna était un vrai soldat. Elle savait utiliser un pistolet, elle pouvait vous porter sur des kilomètres sans flancher. Aubry, elle, était Team Leader, mais elle n’avait jamais rien porté de plus qu’un drapeau en paradant comme un petit coq.

Aubry était jalouse d’Idna, alors qu’elle savait qu’Idna ne serait jamais jalouse d’elle. Parce qu’Idna était parfaite, alors qu’Aubry n’était qu’une petite rousse orpheline, entrée dans l’armée pour un projet idiot et sans avenir, et que maintenant qu’Idna était en train de lui tenir les mains, de les lever au niveau de son épaule, les doigts entourant la crosse de sa première arme à feu pour tirer sur une drap tendu sur une botte de paille, elle savait qu’elle avait fait la plus grosse gaffe de sa vie, qu’elle ne serait jamais mère au foyer, que d’ailleurs, elle n’aurait jamais d’enfants de toute façon, parce qu’elle se ferait sûrement tuer tout de suite dans une bataille quelconque, quelque part dans un coin où personne n’allait, sauf pour crever, et elle ne manquerait à personne.

Elle pouvait laisser tomber maintenant. Aubry avait vu plusieurs filles abandonner : trop fatiguées par les courses de quinze kilomètres et les levés à quatre heure du matin, parce qu’on était maintenant en été et qu’on devait être debout plus tôt ; épuisées par la pression des cours théoriques ; asphyxiées par l’absence totale de toute personne de sexe masculin à moins de cent kilomètres. Il fallait apprendre à être un soldat, à être prête à mourir, à tuer.
Et c’était plus difficile que de passer des putains de Partiels.

Pan.

Elle avait tiré à côté. Mais Idna lui disait que ce n’était pas grave, parce que l’essentiel, c’était de tirer les premiers coups devant elle, et pas dans son pied ou dans une de ses camarades. Elle pourrait toucher la cible dans deux ou trois coups, le temps qu’elle s’habitue au recul de l’arme, à son poids, à ce qu’elle représentait.
Son arme. Son sixième mois au camp. Sa deuxième bande sur son uniforme des Jeunesses Fédérales. Plus que six mois et elle serait dans l’armée.

Elle sentit Idna la lâcher pour s’attaquer à sa voisine, Mika. Un instant, Aubry se sentit jalouse de la petite brune, parce que Mika n’était jamais douée pour rien et qu’elle pourrait avoir la blonde plus longtemps que les autres. Mais elle reporta vite son attention sur la cible, et PAN ! qu’elle était méchante, elle, Aubry la rousse, parce que tout le monde savait que Mika n’était encore là que pour elle, qu’elle retenait ses larmes pour elle, qu’elle ne craquait pas pour elle, juste pour elle, mais elle ne le méritait pas et ça, tout le monde le savait. Si Mika ne se sentait pas capable d’entrer dans l’armée, elle n’avait qu’à repartir, elle était jolie et gentille et elle trouverait sûrement quelqu’un à épouser.
Aubry ne méritait pas qu’elle fasse tout ça juste pour qu’elle ne soit pas toute seule…

~*~


Au sixième mois de la formation au camp des Sapins, la compagnie des Harpies ne comptait plus que quarante filles sur les soixante initiales. Les autres avaient été recalées, jugées inaptes ou avaient juste abandonné.
Il était loin, le temps du camp de vacance.

Aubry, elle, continuait à s’accrocher, sans trop savoir pourquoi. Elle ne se rappelait pas avoir voulut s’engager par patriotisme, mais aujourd’hui, c’était ce qui la poussait : se répéter sans cesse qu’elle servait sa nation, qu’elle avait un avenir dans l’armée, et qu’elle y trouverait ses réponses. Sans trop y croire, d’ailleurs. Pourquoi continuer ?
Pour Mika. Pour Idna. Pour son équipe, parce qu’une Team Leader n’était pas remplacée. Comme celle de l’Omega, chez les Louves, qui avait dû laisser tomber après s’être cassé une jambe, et qui était recalée jusqu’à la promo suivante. Pauvres Omega qui avaient perdu toutes leurs compétitions ; jamais de grasse mat’ le dimanche pour elles. C’était cruel, mais Aubry aurait aimé être chez les Louves pour profiter de cette concurrence déloyale, parce qu’une équipe sans Leader n’allait pas aux réunions et était donc gravement handicapée.

C’était le coup de blues de la moitié de la promo, à ce que disaient leurs aînées. Une fois ce cap passé, c’était sensé être plus facile.
Aubry en doutait.

~*~


« Ne me dis pas que tu es jalouse, » gloussa Irklem d’une voix amusée.

« De cette gamine ? Ce serait vraiment la meilleure. Elle est rousse, je te signale. »

« Brune, » rappela le Colonel. « Brune avec des reflets auburn. »

« Mais elle est rousse. »

« On peut faire des merveilles avec un ordinateur. »

Idna Rekvem s’enfonça dans son fauteuil, les doigts serrés autours d’une canette de bière. La petite conne. Oh, fallait-il pas qu’elle en fasse des efforts pour supporter l’admiration aveugle de cette petite peste, avec sa coupe de balais brosse !

« Tu es toujours là ? »

« Bien entendu, chéri. Tu veux bien qu’on parle d’autre chose ? »

« J’utilise la ligne du travail. »

« Et je suis ta fiancée. Ça fait combien de temps qu’on ne s’est pas vu, Svayl ? Cinq ? Six mois ? »

« Je te délaisse horriblement. »

L’ironie du ton n’échappa pas à la blonde et elle s’en sentie ulcérée. Elle devrait être fière d’être la future épouse d’un homme qui, à vingt sept ans, était déjà Colonel de la Fédération, et dans un service prestigieux, qui plus est, mais elle digérait mal de s’être retrouvée dans ce coin paumé, entourée de petites connes et de conifères indifférents. Elle qui était la fille d’un Général de Sion ! Comment avaient-ils osé ?
Que Svayl cesse de lui dire que cette mission était honorifique, elle n’y croyait pas.

« Whatever, Idna, j’ai reçu des rapports très clairs –et ne venant pas de toi- qui indiquent que Flee ne se porte pas aussi bien que tu l’entends. Tu sais que je n’apprécie pas ce genre de comportements traîtres à la nation. »

Traitres à la nation ? Oh, comme il y allait ! Elle n’avait rien fait de mal !

« Et que veux-tu que j’y fasse ? Je ne suis pas psychologue. »

« Ta mission était de prendre soin de Flee. »

Elle était agent des renseignements, pas nourrice. Qu’est-ce qu’elle y pouvait si la gamine lui claquait dans les pattes malgré tous ses efforts ?



~*~


« KYAAAAAAAAAAA ! »

Cri de guerre de la Bêta-Team lorsqu’Aubry accéléra subitement, poussant la jeep pour dépasser celle du groupe Delta. Idna, sur le siège du passager, éclata de rire pendant que les six autres filles, à l’arrière de la voiture, faisaient de grands signes à leur poursuivantes, les Alpha et les Omega des Harpies se disputant la troisième place sur la piste.

En temps que Team Leader, Aubry avait eu droit à un permis de conduire gratuit et, à présent qu’elle était au camp depuis huit mois, elle ne regrettait plus d’être resté… parce qu’un groupe avec une voiture pouvait sortir en ville, et qu’être dans les Jeunesses Fédérales signifiait qu’on avait des réductions dans tous les cinémas du pays.

La bourgade la plus proche étant située à cent soixante kilomètres du camp, le voyage offrait de belles perspectives de course sur les pistes forestières avant de rejoindre l’autoroute. Et comme les premières arrivées avaient une barbe à papa gratuite, et qu’Aubry adorait les barbes à papa, elle avait bien l’intention de gagner, même si elle conduisait comme une barbare.

Derrière elle, Mika agrippa son siège pour lui glisser que les Delta revenaient à la charge, et Aubry, avec un « yaaaa ! » sonore de Walkyrie allant au combat, écrasa son accélérateur, ses compagnes répondant à son cri de guerre par des rires enthousiastes. La radio de leur jeep vagissait une chanson d’un quelconque rocker local, et les huit occupantes serrées dans et sur la voiture en couvraient presque le son avec leurs exclamations ravies : Aubry et Idna à l’avant, Mika, Clara, Louise, Joy et Christel assises à l’arrière dans le coffre à ciel ouvert du véhicule.

Les quatre groupes dont les Team Leader avaient eu un permis de conduire slalomaient joyeusement entre les arbres, se livrant à de furieuses courses chaque week end depuis maintenant un mois. Si les Bêta regrettaient parfois que la conduite d’Aubry ne soit pas un peu moins sportive, elles pouvaient au moins se vanter de gagner au moins une fois sur deux… et d’avoir leur barbe à papa.

Une heure plus tard, les quatre jeep étaient alignée devant leur cinéma habituel, les trente filles que comptaient les quatre groupes sautillant à l’entrée pour recevoir leurs billets, se disputant au préalable pour choisir leur film et comptant leur monnaie. De l’autre côté de la place, Aubry et Idna, assises sur un banc, dégustaient leur barbe à papa.

« Ah, j’ai les doigts tout collants maintenant… »

Idna éclata de rire. « C’est tout le charme de la barbe à papa. Attends, je vais arranger ça, » dit-elle en récupérant la main fautive pour lécher consciencieusement les doigts, provoquant une belle rougeur sur les joues de l’adolescente, qui goba de l’air pendant quelques secondes avant de se rappeler qu’elle aurait l’air moins bête bouche fermée.

« Et voilà, » dit Idna en souriant, « maintenant tu pourras prendre ton ticket de cinéma sans avoir à t’essuyer les mains sur ton uniforme.
Aubry rougit d’autant plus, ayant toujours pensé que l’officière ne s’en était jamais aperçue. Brusquement, un bip sonore suivit d’une mélodie numérique se fit entendre et Idna abandonna là la jeune rouquine pour aller répondre au téléphone.

~*~


« Pour la comédie sentimentale, levez la main ! Ok, douze pour la comédie. Pour le film d’amour ? Quinze. Qui veut voir le péplum ? »

« Ça parle de quoi ? »

Liberty, la leader de la Team Omega, baissa les yeux sur son programme, puis repris la parole. « Un truc sur Hitler. »

« C’est qui ? »

« Un type du Moyen-âge. »

« Faut vraiment être inculte… »

« Je fais pas dans l’archéologie ! On peut pas aller voir un film d’horreur, plutôt ? »

« On a dit qu’on votait ! »

« Bon, QUI veut voir ce truc ? Trois ? Bon, et pour le film d’horreur ? Sept ? Va pour le film d’amour. »

Celles qui n’avaient pas voté pour la romance s’empressèrent de contester, demandant qu’on revote pour autre chose, jusqu’à ce qu’on décide finalement de faire un groupe pour le film d’amour, et un autre pour la comédie. Puis, on se disputa encore pour acheter le pop corn, et Aubry, bien que toujours troublée par le comportement d’Idna, riait de bon cœur avec les autres et finit presque par oublier ce qui c’était passé.

~*~


« Qu’est-ce que tu fais à Snowhills, Svayl ? »

« Mon travail, bien évidemment. Le Chef m’envoie voir si notre petite Flee se porte bien. »

« Je fais des rapports. »

« … qui ne sont plus aussi précis qu’ils le devraient, Idna. Tu ne devrais pas te relâcher ou te laisser influencer par tes sentiments. »

« Mes sentiments ? Je te dis qu’elle ne vaut pas toute l’agitation qu’elle provoque. Elle n’est pas plus douée que les autres, pas plus intelligente, RIEN, alors pourquoi faut-il que je reste dans cette cambrousse paumé ? Je veux revoir le monde civilisé, Svayl. Tu pourrais au moins arranger ça, non ? »

« N’exagère pas, tu n’est qu’à deux mille kilomètres de Zeon, pas dans l’ex-Mexique. Et rappelles toi aussi que cette Aubry, aussi insignifiante soit elle, est notre clef pour gagner la guerre –et nous débarrasser une fois pour toute de nos chers amis Atlantes. »
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MessageSujet: Re: Fighting Goddess   Fighting Goddess EmptyJeu 5 Avr - 12:30

Chapitre 2 :
Svayl


A la mi-octobre, c'est-à-dire au cours du huitième mois d’Aubry au camp « d’en haut », on fêta son dix-septième anniversaire. Comme elle avait désormais l’âge légal pour boire de l’alcool, on organisa une surprise party dans le mess des officiers, et toutes les filles plus âgées qu’elle dans sa compagnie purent forcer sur le cidre et la bière autant qu’elles le voulaient. Idna avait fait décorer la salle, désormais recouverte de guirlandes en papier de toutes couleurs et d’antiques boules à facettes auxquelles il manquait des miroirs, découvertes quelque jours plus tôt lors d’une opération d’archéologie dans l’une des remises les plus en bazar de tout le camp.

La farce avait été particulièrement bien préparée et c’est en sortant de la salle de bain en pyjama qu’Aubry fut assaillie par ses traîtresses de camarades de chambre, qui lui bandèrent les yeux et évitèrent prestement ses coups aveugles pour l’enfermer dans un sac et la charger sur ce qui ressemblait à une brouette. C’est dans cet accoutrement peu enviable qu’on lui traverser la moitié de la base pour se rendre au mess, où on daigna la libérer pour lui coller aussitôt un chapeau à paillettes sur la tête et lui mettre entre les mains une bombe de mousse à raser, qu’elle s’empressa d’utiliser sur les suicidaires qui avaient participé à son enlèvement.

Peu de monde dormi cette nuit là : On passa disque sur disque, de la musique de Seattle et de tout le Secteur Américain, et même de Sion. Danser en chemise de nuit n’était pas très classe, mais Aubry n’y prêta aucune attention après quelques verres de cidre d’Amérique S-Centre Sud. La jeune fille fut à moitié ivre en peu de temps et, sa morosité et son caractère emporté mis de côté, elle accepta de bon cœur la proposition d’Idna pour l’accompagner lorsqu’on entama le concours de danse, qui se limitait à imiter des pas de rock’n’roll en essayant de ne pas se casser la figure.

Idna se révéla une formidable danseuse et elles remportèrent la coupe. Aubry, toujours aussi pessimiste, déclara que les autres avaient fait exprès de perdre avant de réclamer à grands cris une nouvelle lampée d’alcool, que la blonde officière lui refusa pour la ramener manu militari sur la piste de danse.

~*~


Aubry riait, riait et était certaine qu’elle n’avait jamais été aussi heureuse que depuis qu’elle était dans l’armée. Elle se sentait aimée, fatiguée en permanence par ses exercices, et trop prise par ses devoirs de Team Leader pour se perdre dans ses angoisses comme elle l’avait fait par le passé. Elle se souvenait avoir été une fille très commune, pas assez belle pour attirer le regard de garçons d’autres lycées, puisque le sien n’était pas mixte. Elle reconnaissait toutefois qu’elle avait toujours été déterminée et terre à terre, mais que son pragmatisme virait bien souvent au pessimisme.

A présent, elle avait des amies, elle était respectée et avait des responsabilités, parlait à tout le monde, sûre et plus que certaine que ce n’était pas l’alcool qui la faisait moins introvertie qu’elle ne l’avait été.

La fête battait son plein et, vu le volume sonore que crachait la chaîne hifi du mess, tout le camp devait entendre leur orgie de mousse à raser et cotillons qui volaient de nouveau partout, une énième bataille de tout-et-n’importe quoi ayant éclaté dans un coin de la salle. Cette fois, Aubry s’était soigneusement planquée derrière un canapé pour finir son verre, qui provenait de la dernière précieuse bouteille de cidre. Faudrait pas gâcher le dernier de la soirée, pensa-t-elle en essayant de porter la flute à ses lèvres sans en mettre de partout, sans grand succès jusqu’à ce qu’une main salvatrice vienne affermir la sienne.

« T’es vraiment grave, » souffla Mika, l’air un peu inquiète. Elle, elle n’avait rien but, parce qu’elle faisait partie des filles qui n’avaient pas l’âge et qui s’étaient glissées dans la salle pendant qu’Idna faisait semblant de ne pas regarder. « T’aurais pas dû boire autant. »

« J’suis majeure, ça s’fête, nan ? Et sans Pratiels… »

« Partiels. »

« Ouais, Pratiels ! C’pas super ? J’ai vu dans l’code militaire que j’peux conduire un char d’assaut maint’nant ! »

« J’espère pour toi que c’est pas pour ça qu’ils vont t’en donner un tout de suite, les chars vont vite au Front. »

« Ooooooh… »

« Ne me dis pas que tu vas vomir. »

« Nan », coupa aussitôt Aubry d’une voix pâteuse. Elle n’avait pas encore assez but pour ça. « J’disais Ooooooooh parce que t’as dis un truc pas très patriote. T’as l’droit, hein. »

« Ouais. On est en Démocratie. »

« Ouais, voilà. Mais la Fédération, ben c’est un démocratie qu’elle est bizarre par rapport aux démocraties d’avant, t’sais ? C’parce-que on est en guerre, alors tout l’peuple y s’met pour faire une dictature sur l’peuple, tu m’suis ? »

« Ouais. »

« Ouais. C’pour ça, quand on t’dit qu’t’es nul aux Partiels, ben tes parents, ils vont pas protester, parc’qu’on est en guerre, et qu’pendant la guerre, les nazes doivent pas ralentir l’pays. Et quand on leur dit qu’y b’soin de quelqu’un au front, ben y s’envoient leurs enfants, parc’que c’est pour l’pays. »

« Je vois. C’est le communisme sans état communiste. »

« Ouais, p’tête. J’sais pas c’que c’est l’communisme. »

« Parce que tu séchais les cours d’histoire ancienne. »

Aubry haussa les épaules. Bah. Savoir qu’un certain Hitler avait vécut au Moyen-Âge, qu’est-ce que ça aurait changé ? Tout ce qui datait d’avant la Nouvelle Ere n’était pas franchement utile pour vivre dan ce monde. Ce n’était plus la même géographie, plus les mêmes idéologies, plus le même climat… Qui voyait encore de la neige à New York ? Qui s’intéressait encore à Pearl Harbour, alors qu’il n’y avait plus aucune terre dans cette portion du monde depuis deux siècles ?

Aubry s’intéressait à son monde, aux gens vivants qui l’entouraient, qui respiraient, comme Mika ou Idna, ou les autres filles du camp. Que les morts restent dans leurs tombes et y dorment en paix.


~*~


Le lendemain, Aubry fut malade. La première gueule de bois de sa vie la laissa fiévreuse et nauséeuse et, incapable d’aller au lever de drapeau, elle passa toute la matinée à l’infirmerie, seule avec Idna.
La Zion ne semblait pas avoir participé à la beuverie de la veille : aucunes cernes, impeccablement coiffée et habillée, elle allait et venait tranquillement, s’installant parfois sur un des lits pour se plonger dans un roman d’amour de Fredela Tirtsem.

« Ça parle de quoi ? » demanda finalement Aubry lorsque le silence devint trop pesant, même pour sa migraine.

« D’une femme qui doit épouser un homme, mais qui tombe amoureuse d’un autre homme avant le mariage. »

« C’est original comme sujet. »

« L’adultère n’est pas considérée comme une tare dans la haute société de Zion. »

« … ah. »

« Tant qu’on a des enfants, cela s’entend. Il ne faudrait pas que la natalité chute, ce serait mauvais pour la démographie de la Fédération. »

« Bien entendu. »

Le silence revint, ce dont Aubry fut très heureuse puisque cette courte conversation avait réveillé son mal de crâne. Peut être que Mika avait raison et qu’elle avait vraiment trop but ? Elle ne s’était jamais crut fêtarde…

« Pourquoi on a la migraine après avoir bu ? »

« Parce que les Dieux ne voulaient pas que les hommes passent leur temps à picoler. »

« … ah. »

« Tu te sens mal ? »

« Pas plus que tout à l’heure. »

Idna referma son livre, l’air sincèrement inquiète.

« Je vais te chercher une gélule d’aspirine. »

Aubry grommela qu’elle n’aimait pas les gélules, mais la belle blonde était déjà partie vers le bureau de l’infirmière.
Idna était vraiment une femme parfaite. D’après ce qu’Aubry avait entendu dire, elle était la fille d’un grand officier de Sion. Cela signifiait-il qu’elle aurait un mariage arrangé, comme la plupart des filles de la haute société ? Peut être même était elle déjà mariée avec un de ces hommes, gracieux et nobles, au teint, aux cheveux et aux yeux décolorés, dont on louait la beauté dans toute la Fédération ?

Lorsque la Team Officer revint, un verre d’eau à la main et une boîte de diplodium, un générique de la légendaire et salvatrice aspirine des temps anciens, plus produite depuis l’Ere Sombre, mais dont le nom était toujours utilisé, Aubry ne put s’empêcher de fixer ses mains en quête d’une alliance ou d’une bague. Rien. Il y avait bien un anneau, mais pas sur le bon doigt : elle le portait sur le majeur et non l’annulaire.
Pas mariée, donc. Et pas fiancée non plus.

« Idna ? Est-ce que c’est vrai que les Sions sont tous beaux ? »

La jeune femme manqua éclater de rire et tendit le médicament à Aubry, et le message était clair : tu prends ta gélule ou je ne réponds pas. Subitement boudeuse, sa cadette fit une moue résignée et goba sa pilule avant de manquer s’étrangler avec son verre d’eau.

« Les Sions ne sont pas ce qu’on dit qu’ils sont. Ils ne sont pas tous blonds, certainement pas aussi décolorés qu’à la télévision, et leur silhouette n’a rien de particulier par rapport à celle des autres Fédérés. »

Aubry devait admettre qu’elle était rien moins que surprise : elle devait sans doute être trop naïve, mais elle avait toujours crut que ces acteurs et mannequins de la « boîte noire » étaient représentatifs de l’élite de Sion. Ainsi, ils seraient plus du genre d’Idna ? Mais Idna était belle, alors si tous les Sions étaient comme elle, Aubry aurait l’air très laide si elle allait à la capitale.
Et elle ne pourrait plus trouver de fonctionnaire à épouser.

« Ne crois pas que les Sions soient parfaits, Aubry. Ce serait une grave erreur. Quand aux hommes… ils sont pires que tous les autres, crois moi. »

… pires que les autres ?
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MessageSujet: Re: Fighting Goddess   Fighting Goddess EmptyJeu 5 Avr - 12:31

Le soir même, toutes les compagnies furent appelées sur place du drapeau. Toutes les filles, exactement cent trente et une âmes, se tenaient droites et frémissantes dans l’air du soir, froid et humide. Aucune ne savait pourquoi on les avait appelées, ni pourquoi Idna Rekvem, une liste à la main et la mine grave, portait un écusson du service des renseignements et non des Jeunesses Fédérales.

« Jeunes Citoyennes de notre bien aimée nation, futures soldates. La Fédération vit aujourd’hui une grande tragédie. Recueillez-vous, mes amies, pour le Lieutenant-Colonel Analla Walder, tombée au champ d’honneur sur le Front d’ Afrique. »

L’étonnement général fut étouffé par un respect surprise, car aucune des cadettes de l’armée ne savait qui était cette Analla. Et pourtant, Idna semblait soudain si sévère, le regard prompte à foudroyer celles qui osaient tressaillir… ce devait être une perte, certes, mais quelle perte ? Comment savoir s’il fallait pleurer ou non pour une inconnue ?

« Analla Walder, il y a quatre ans de cela, avait été choisie pour s’apparier au Dieu Horus, et ses résultats prometteurs laissaient sous entendre un retour du Prometeia au sein de nos compagnies. »

Idna retint et ricanement et se fit violence pour que son visage reste neutre. Cette Analla n’avait pas été beaucoup plus douée que la précédente et, plus que personne, la blonde savait qu’elle n’aurait jamais atteint les 80% requis pour le Prometeia. La mort de cette inutile de service, qui n’aurait jamais eu mieux qu’un Interceptor de base, n’était vraiment pas dramatique, surtout pour elle… qui était, elle le savait, seconde sur la liste des candidates pour Horus.
Seconde, après cette peste d’Aubry.

« Analla Walder est tombée, mais Horus reste. »

Idna avait été jugée trop jeune lorsque Karen, la précédente élue d’Horus, avait été gracieusement remerciée pour ses résultats médiocres. Vexée qu’on lui ai préféré Analla, elle avait ravalé sa fierté, sûre d’être choisie ensuite pour tenter sa chance ; les pilotes restaient souvent peu de temps auprès d’Horus, qui été lui-même plus que pressé de se débarrasser d’elles. Dans la section Deus, une rumeur disait qu’il n’avait jamais accepté personne depuis la mort d’Apsalus Kanaba, la fille de Freedom Kanaba.
Freedom Kanaba… Flee. La première Clef d’Horus, et celle qu’il préférait toujours à toute autre.

Voilà pourquoi Idna, dès le premier jour, avait haït Aubry plus qu’il n’était possible de l’imaginer. Son informateur à la Section le lui avait dit : dès qu’elle s’était engagée, Leska lui était aussitôt passée devant sur la liste des Candidates. Sans même avoir fini sa période d’essai dans les Jeunesses Fédérales ! Sans avoir la moindre famille, le moindre talent ! Et pourquoi ?

« Pour utiliser ses pouvoirs, un Dieu a besoin d’un humain. Il existe de nombreux nom, et chaque Dieu nomme son compagnon différemment : Clef, Elu, Main, Lame ou Aimé, Voix ou Pouvoir… un Dieu ne peut fonctionner seul. Analla est morte, mais Horus a besoin d’une Clef. »

… parce qu’Aubry ressemblait à Flee. Voilà pourquoi. Elle avait, semble-t-il, un visage qui rappelait celui de la légendaire pilote qui, à bord du Prometeia, aurait sauvé la Fédération en abattant la Reine des Atlantes.

C’était stupide. Aubry n’était pas le moins du monde douée, et même si Freedom n’avait pas été une femme connue pour sa beauté fatale, elle était tout de même plus sensuelle que cette gamine attardée.

« Certaines d’entre vous ont été sélectionnées comme Candidates. Horus a été gravement blessé et devra bientôt se mettre en stase afin de régénérer son corps ; nous devrons être à Sion dans deux jours. Celles dont je vais appeler le nom prendront leurs affaires et partiront immédiatement avec moi pour Snowhills, puis nous joindrons Montréal afin d’utiliser l’Inter Continental à Grande Vitesse. Nous serons à Sion dans deux jours. »

Mais Idna n’était pas stupide. Si Svayl l’avait trahie en laissant Aubry en travers de sa route, il n’avait pas pensé à tout… il ne savait pas qu’il n’était pas le seul à avoir des informateurs. Il ne savait pas non plus qu’un des amants d’Idna avait truqué la liste pour remplacer Aubry par Mika.
Mais bien entendu, Mika n’intéresserait pas Horus, et c’est alors Idna qui gagnerait. Quant à Aubry… elle ne saurait jamais quel destin aurait pu être le sien.

Idna appela deux filles, leur laissa dix minutes pour faire leurs adieux et alla chercher ses propres affaires, soigneusement empaquetées depuis la veille. Après tout, c’était un ami à elle qui avait saboté l’appareil d’Analla, alors autant en profiter pour ne pas froisser ses chemises.
Désolée, Svayl, pensa-t-elle avec un petit sourire en jetant à la poubelle un portrait de son fiancé, mais si tu m’avais été fidèle, nous n’aurions pas eu à en arriver là.


~*~


Aubry essayait de dormir, mais sans succès. Depuis trois heures qu’elle était couchée, elle n’avait fait que tourner, s’emmêler dans ses draps et suer dans ses couvertures sans parvenir à trouver le sommeil.

Idna était partie. Elle lui manquerait, mais Aubry se sentait immensément fière et heureuse pour la belle blonde ; elle ne doutait pas qu’elle réussit à devenir la Clef d’Horus, et si elle échouait, Mika aurait aussi sa chance. Pourquoi jouer les égoïstes en ne pensant qu’à elle ? Ses deux meilleures amies pouvaient devenir de grandes héroïnes ! C’était fantastique !
Mais elle aurait préféré être à leur place, elle le savait. Cette liste aurait été son billet pour Sion –et ses parents.

C’est ce qu’elle pensait lorsque la lumière du dortoir s’alluma, à une heure des plus indues et en violation totale du couvre feu. Aubry tenta de couvrir ses yeux en protestant contre l’imbécile qui n’avait rien de mieux à faire que de réveiller tout le monde, mais quelque chose –quelqu’un, en l’occurrence- l’attrapa rudement par le bras et la tira avec une telle force qu’elle se retrouva à moitié debout, le regard vague, avant de pouvoir distinguer ce qui semblait être un homme, furieux d’après son expression, et qu’elle n’avait certainement jamais vu de sa vie.

« Debout ! Debout, tu entends ? »

Et déjà il la traîna vers la porte, et Aubry nota qu’il portait un uniforme de l’armée, avant que la fraîcheur nocturne ne s’abatte sur son corps en sueur. Qu’est-ce qu’y se passait, ici ? Pourquoi l’emmenait-on en chemise de nuit vers on ne sait où ? « Je n’ai rien fait de mal ! » cria-t-elle en se débattant, mais il était plus fort qu’elle et elle ne pu même pas le ralentir.

« L’idiote ! » disait-il avec colère. « L’idiote ! Comment a-t-elle pu ? Tu étais sur la liste ! »

La liste ? Elle n’eu pas le temps de demander qu’il la jetait sur le siège passager d’une voiture au Ditrium. C’est alors qu’elle se rendit compte qu’il pleuvait et qu’elle était trempée –trempée et en pyjama, et donc gelée. L’homme démarra avant même d’avoir fermé sa portière, et le véhicule vrombit avant de s’élancer sur la piste, plus vite qu’aucune des jeeps du camp.

Si Aubry avait fait fi de toutes limitations de vitesse sur ces routes inutilisées, sa conduite n’était rien face à celle de l’officier : même si autoroute, elle n’aurait jamais osé rouler ainsi ! Les phares de la Speeder ne suffisaient pas à percer les ténèbres de la forêt alentour, mais le conducteur ne s’en souciait pas et allait vite, si vite ! Ne risquaient-ils pas de sortir de la chaussée, avec toute cette pluie ?

La jeune fille n’osait pas demander. Il avait l’air tellement en colère… comment aurait-elle pu lui adresser la parole ? Elle pensa alors à attacher sa ceinture et se recroquevilla sur son siège, les genoux contre le menton pour avoir un peu plus chaud, tirant sur sa chemise trempée. Elle allait sans doute attraper un rhume, et pour rien, parce que l’ICGV serait parti depuis longtemps lorsqu’ils arriveraient à Montréal. De toute façon, c’était forcément une erreur : Idna était son amie, si elle avait dit qu’elle n’avait pas été choisie, c’est que c’était le cas.

L’homme ne sembla pas remarquer son inconfort, pas plus qu’il ne s’arrêta à Snowhills. Il continua à rouler comme un fou jusqu’à ce qui ressemblait à un terrain militaire, où il s’arrêta enfin après avoir écrasé la moitié des platebandes de l’entrée, squattant presque la piste d’atterrissage. Il se précipita vers ce qui devait être les appartements des officiers, et Aubry l’entendit hurler depuis la voiture, jusqu’à ce qu’il vienne lui crier de « bouger son putain de cul de cette putain de caisse ou elle voulait qu’il vienne la chercher ? » et que, ahurie par tant de grossièretés dans la même phrase, elle fasse comme il l’avait ordonné, pieds nus sur le bitume de la piste. Après avoir encore hurlé, il vint la prendre de nouveau par le bras jusqu’à un vestiaire, lui jeta à la tête une combinaison de vol et la somma de l’enfiler alors qu’il allait se servir, déboutonnant son uniforme si vite qu’il arracha des boutons.

Aubry bataillait encore avec sa fermeture éclair lorsqu’il lui mit un casque entre les mains, quittant en trombe le bâtiment, ne lui laissant d’autre choix que de le suivre. Alors c’est ainsi qu’il voulait aller à Sion ? Par avion ?
Par avion de chasse, remarqua-t-elle, car c’était bien dans un avion de chasse qu’il montait, lui indiquant la place de co-pilote.

Et merde, pensa aussitôt Aubry. Dans quoi s’était-elle encore fourrée ?

~*~


Idna se réveilla en sursaut lorsque son portable vibra et elle se hâta de gagner les toilettes pour répondre en paix : seuls ses informateurs utilisaient cet appareil, et elle ne voulait pas qu’on l’entende comploter pour sa gloire et son ambition.

Le loquet tiré, elle appuya sur une touche et, après un bip sonore, une voix d’homme entre deux âges résonna, étouffées car le petit appareil était réglé pour être presque silencieux.

« Le Colonel Irklem a récupéré la fille. Vous aviez raison : il s’est rendu à la base de Gray Mountain, où il a réquisitionné un avion. »

« Quel modèle ? »

« TF-A400. »

« Comme prévu. »

Pauvre, pauvre Svayl, si prévisible. Pensait-il pouvoir la doubler ?

« Nos amis sont en chemin ? »

« Bien entendu. Les Atlantes ne voudraient pas que Flee soit de retour. »

Idna lâcha un petit ricanement, sûre et certaine que les atlantes se faisaient rouler, puisqu’Aubry n’aurait été qu’un boulet pour la Fédération.

« Dites leur bien qu’Irklem est incapable de piloter correctement ; le pauvre, comme si on pouvait encore voler en étant à moitié aveugle… leurs intercepteurs longue distance feront des merveilles. Dites leur aussi que je les récompenserai copieusement pour avoir descendu ces deux incapables. »

« Bien. »

Idna raccrocha après l’avoir assuré qu’il serait lui aussi grassement payé pour se service rendu, bien qu’elle pensât plutôt à le faire éliminer maintenant qu’il ne lui serait plus utile. Satisfaite, elle regagna son siège dans le train souterrain. Elle avait fait une pierre deux coups, pensa-t-elle, essayant de se persuader qu’elle avait fait le bon choix. Si Svayl l’avait aimé, il l’aurait aidé à se débarrasser d’Aubry au lieu de se mettre au travers de sa route.

~*~


L’avion décolla rudement, de l’avis d’Aubry. Le pilote ne sembla pas s’en formaliser, mais elle eu l’impression qu’il pestait contre quelque chose. Contre quoi ? Impossible de le savoir, les moteurs couvraient les bruits et il n’utilisait pas le transmetteur de son casque. Il ne lui parla pas dans la demi-heure qui suivit, et le vol de nuit étant particulièrement ennuyeux, Aubry s’assoupie rapidement.

Elle fut réveillée par des turbulences qui secouèrent l’appareil, si bien que son casque, en tapant sur son siège, résonna d’un joli « bong ». Un peu étourdie, elle fixa le noir de la nuit pendant quelques longues minutes. Elle ne comprenait toujours pas pourquoi cet homme était venu l’enlever au beau milieu de la nuit et elle ne se remettait toujours pas de son voyage en voiture.

« Tu es réveillée ? »

Aubry papillonna des yeux, car elle s’apprêtait à se rendormir, et répondit par l’affirmative d’une voix des plus pâteuses.

« Bien. Arme ta commande de tir, on a de la visite. »
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MessageSujet: Re: Fighting Goddess   Fighting Goddess EmptyDim 15 Avr - 12:25

Chapitre 3 :
Charity


Aubry cligna des yeux et prit quelques longues secondes pour assimiler l’information : de la visite ? Elle jeta un œil au radar et aperçut trois triangles verts, chacun soigneusement étiqueté avec un petit cadre fluo et des chiffres que la jeune fille ne comprit pas. Mais elle voyait le trio se rapprocher du point qui portait l’immatriculation de leur avion.

« Ils sont avec nous ? »

Le pilote répondit avec un « hun hun » distrait, avant de lui demander sèchement d’enclencher le signal de détresse, avec le balayage le plus large possible. Aubry sentit le chasseur changer de direction, mais ne put en demander la raison car, soudainement, elle fut projetée contre la paroi du cockpit.

Le TF-A400 se cabra et, quelques dixièmes de secondes plus tard, un trait lumineux frôla son aile droite, laissant une trace noire et grésillante sur la carlingue. Horrifiée, Aubry se détourna aussitôt, ramenée dans son siège par le harnais de sécurité. Son dos heurta le revêtement de cuir et elle resta le souffle coupé, les larmes aux lieux, soudainement consciente qu’on avait essayé de les tuer.

Avec un étonnement plus que certain, l’américaine remarqua alors que, loin de fuir leurs attaquants, le pilote avait viré dans leur direction. Qu’il fut un virtuose du ciel ou non, elle n’en savait rien, bien incapable d’en juger, mais les projectiles ennemis étaient soigneusement esquivés par divers écartades plus ou moins savantes, bien que brusques et peu soigneuses pour ce qui était du confort des passagers ou du style. Sans doute surpris par la manœuvre audacieuse, les trois appareils ennemis rompirent leur formation au moment ou le petit TF passait entre eux, lâchant deux de ses missiles anti-aérien au passage. Aucun n’atteignit sa cible et un juron éclata dans le casque d’Aubry. Elle eu le temps de noter que la voix, masculine, ne semblait pas paniquée outre mesure, mais ce fut tout car déjà, on lui demandait de viser le chasseur le plus proche.

La rousse eu le temps de lâcher un début de protestation, vite étouffé par les ordres sévères du pilote, qui la somma de locker ses cibles correctement, car leur avion était conçut pour la patrouille et n’avait donc pas assez de missiles pour qu’on puisse en perdre.

Les mains moites et tremblantes, Aubry retira le cran de sécurité de la console de tir alors qu’ils esquivaient une nouvelle salve ennemie. Enfin, l’écran s’alluma et une version digitalisée de la ligne de mire du TF-A400 apparut, parée d’étranges couleurs qui n’avaient rien à voir avec la réalité, et où toutes les formes étaient doubles, surlignées d’un côté de vert, et de l’autre de rouge.

« Abaisses la visière 3D de ton casque, ou tu ne risques pas de viser correctement ! »

Déglutissant, Aubry s’exécuta et chercha de la main ce que pouvait être cette seconde visière, qui s’avéra n’être qu’un fin film de plastique rigide qui, une fois en place, épousait plus ou moins la forme de la première visière.
Pas très gracieux, mais efficace : à présent, le chasseur ennemi avait l’air… vrai. C’était un avion, comme le leur, mais plus grand. Il devait être d’une quinzaine de mètres environs, peut être plus, long et gracieux. Son blindage luisait comme un miroir, rendant sa forme triangulaire visible seulement du dessus, bien que la console, avec ses violets psychédéliques, ne lui permette pas de disparaître dans l’ombre d’un nuage, quelque que soit l’angle avec lequel on observait l’engin.

A travers le double plastique son casque et le cockpit, Aubry vit un autre chasseur passer tout près d’eux, et fut surprise de voir sa carlingue argentée se dorer, briller et scintiller, comme pour accueillir le soleil, dont les rayons commençaient à percer à l’horizon. C’était un magnifique appareil, pensa-t-elle aussitôt, une véritable œuvre d’art, avec ce triangle presque parfait formé par les ailes, le sommet étiré en un nez élégant, le vitre de l’habitacle si parfaitement scellée au fuselage qu’elle semblait avoir été faite par la même main, en même temps, et qu’au final, tout le chasseur ne soit fait que d’une seule pièce. La splendeur de l’avion était quelque peu gâchée par les batteries de tire, deux cylindres arrondis qui déformaient curieusement les ailes.

Une série de bip l’informa qu’une cible était présente sur son écran et la jeune fille se concentra de nouveau sur son viseur. Elle s’aperçut vite que verrouiller un adversaire n’était pas aussi facile qu’elle l’aurait crut, et il lui sembla qu’il lui fallut des heures pour qu’enfin, la console indique qu’elle avait réussit. Aubry pressa la gâchette dans la seconde, par réflexe plus que par un quelconque mécanisme conscient, et cet acte la laissa sous le choc. Etait-il possible qu’elle soit capable de provoquer la mort de quelqu’un pour s’en sortir ?
La réponse lui vint avec un naturel qui la glaça : évidemment.

L’avion atlante –car tel était à présent son indicatif d’après la console- détruisit le missile d’une giclée laser et Aubry jura. On tenta de les prendre à revers, mais le TF vira soudainement, fit une embardée dangereuse et se retrouva nez à nez avec le chasseur. Un tatata puissant assourdit l’adolescente et, se recroquevillant dans son siège en fermant les yeux, elle se demanda si elle était morte. Un grincement sinistre la força à ouvrir de nouveau les yeux, et elle vit que l’aile gauche de leur patrouilleur fumait, percée d’un trou gros comme une boule de bowling. Elle releva alors les yeux et vit, du côté droit, le chasseur atlante qui passait, la vitre du cockpit couverte d’étranges fleures roses, et elle comprit alors que c’était du sang, et que tout n’avait duré que quelques dixièmes de secondes.
Une explosion de lumière l’obligea à fermer de nouveau les yeux.

Encore deux. Deux et ils avaient déjà une aile en moins. Le TF-A400, à moitié amputé, virait chaotiquement, et Aubry admira son pilote pour réussir à garder le contrôle, tant les manettes tremblaient sous ses mains alors qu’elle tentait de verrouiller un de leurs ennemis. Elle tira une seconde fois, mais trop vite et rata lamentablement. Une boule dans la gorge et un féroce envie de vomir lui secoua l’estomac lorsqu’elle s’aperçut que c’était leur dernier missile.
Le pilote, sans un commentaire, lui délégua aussitôt la mitrailleuse. Mais à moins qu’un autre chasseur n’ai l’idée de passer juste devant eux, elle n’était pas prête de toucher quelqu’un avec ça !

Les deux chasseurs Atlantes s’éloignèrent quelques instants, nonchalants, sûrs de rattraper leur proie. Ils étaient plus rapides, plus puissants, certes moins agiles, mais assez bien armés pour les descendre dix fois. Tranquillement, pour peu que quoi que ce soit puisse être tranquille à plus de cinq cent kilomètres à l’heure, le vent sifflant contre les carlingues des engins, les deux appareils opéraient un arc de cercle d’une précision chirurgicale, l’un prenant l’avion fédéral par derrière et l’autre par un côté pour l’achever. Leurs tires recommencèrent aussitôt à filer autours d’eux, et Aubry, en sentant un goût métallique et répugnant sur sa langue, remarqua alors qu’elle avait mordu ses lèvres jusqu’au sang.

Le Chasseur le plus proche revenait à la charge, tout prêt à en finir. Aussi doué que soit leur pilote, Aubry n’osait espérer que leur TF, déjà endommagé, soit capable d’esquiver encore longtemps. Sur sa console, de plus en plus de voyants viraient au rouge, et la jeune fille ne pouvait rien faire pour arranger les choses. Son impuissante la terrorisait et la révoltait, mais qu’y pouvait-elle ? Le Chasseur se rapprochait, de plus en plus, ses batteries crachant un déluge de lumière dorée, sorte de lasers crépitant…

… et il y eu soudainement une grande lumière bleue, un raie qui ressemblait à s’y méprendre à ces rayons qu’elle avait vu dans des films. Un véritable déluge d’énergie, à la fois semblable à la foudre dorée du chasseur atlante et différente de par sa couleur. Le chasseur esquiva juste à temps pour ne pas être complètement carbonisée, mais Aubry ouvrit de grands yeux en voyant que ce seul tire avait déjà fait des dégâts considérables dans l’aile touchée.

Le TF prit aussitôt la clef des champs et fonça droit devant lui, les moteurs poussés au maximum. Aubry se dévissa le cou pour tenter de voir derrière elle, mais, qui que fut leur sauveur, elle ne pouvait rien en voir pour le moment.
Pour le moment seulement, car le second chasseur arriva déjà par leur droite, mitraillant à son tour. La rousse vit le traits d’énergie venir droit dans leur direction et crut encore une fois qu’elle allait mourir –mais quelque chose lui bloqua complètement la vue, quelque chose de complètement indescriptible qui venait de s’interposer entre eux et les projectiles atlantes.

Le quelque chose s’éloigna en direction du premier chasseur qui, bien que blessé, revint à la charge avec un semblant d’équilibre. Aubry put alors voir ce qu’était l’engin : une sorte d’humanoïde de fer, blindé de partout, aux jambes épaisses et aux bras courtauds. Il n’y avait pas de tête, mais cet étrange corps décapité ne semblait pas en avoir besoin, car il saisit son arme –un espèce d’énorme fusil- et tira une nouvelle salve bleutée. L’un de ses bras était muni d’une excroissance disgracieuse, noircie, dont Aubry devina qu’elle devait être utilisée comme bouclier.

Ebahie, Aubry sut alors que pour la première fois de sa vie, elle voyait un des Interceptors de la Fédération. Un appareil de base pour celui-ci, déclassé depuis un certain temps, mais ces appareils, des mechas, restaient les engins star de l’armée, ceux que tout adolescent rêvait de pouvoir piloter à un moment de sa vie. Oh, les classes Titan étaient bien les plus puissants, mais voir un mecha, c’était déjà bien, même si ce n’était qu’un Interceptor tout pourri.


L’interceptor en question, bien que pataud en apparence, se mouvait avec une vivacité surprenante, soudainement entouré d’une aura bleue qui disparaissait pour revenir de plus belle dès qu’un des chasseurs tentait de tirer sur le mecha. Son second tire fit mouche et l’avion atlante explosa dans une gerbe de lumière, non sans avoir heurté violemment le robot dans une dernière attaque suicide. Noirci, fumant, l’interceptor tourna sur lui-même pour opposer son bouclier aux tires du dernier adversaire, qui glissèrent sur l’aura nouvellement levée.

La suite fut un époustouflant échange de tirs entre le chasseur et l’interceptor, les deux appareils s’esquivant pour essayer de se faire la peau sans être touchés. L’atlante, sans doute plus expérimenté, se débrouilla mieux que son opposant et parvint à l’endommager sévèrement, l’amputant d’une jambe et détruisant complètement son bouclier. Mais l’interceptor, aussi illogique soit cette résistance, ne sembla pas vouloir abandonner et, tirant son sabre laser, parvint à prendre par surprise le chasseur, qui s’apprêtait à donner le coup de grâce. L’explosion à bout portant de l’avion n’arrangea pas l’état de l’appareil, qui en sortit à l’état de poubelle volante.
Mais bien entendu, Aubry ne voyait que l’acte hautement héroïque du pilote qui, bien que toujours vivant, avait risqué sa vie jusqu’au bout pour les sauver.

L’adolescente retira le film 3D et résista difficilement à l’envie d’enlever son casque. Après l’attaque venait le soulagement, et elle avait tant envie de respirer un bout coup… elle détestait les avions. Sa radio crépita alors, et elle vit l’interceptor, toujours entouré de ses étincelles bleues, se porter à la hauteur du patrouilleur, et c’est une voix féminine qui résonna dans ses écouteurs.

« Je suis le Cadet Charity Milory, Lame du Classe C Léta. Enoncez votre identification et la raison de votre présence dans cette zone, je vous prie. »

~*~

Idna, nerveuse, se tordait les doigts, prise d’une angoisse indescriptible. Elle qui ne s’était plus rongé les ongles depuis des années ! Mais elle n’y pouvait rien : encore et encore, elle se demandait si elle avait pris la bonne décision.
Elle n’avait pas peur qu’on découvre ce qu’elle avait fait : elle avait agit de telle façon que d’autres coupables soient visibles et qu’elle-même soit parfaitement en sécurité. Ce dont elle doutait, c’était de tout le reste : avait-elle bien fait ? avait-elle eu raison de douter de Svayl, de croire qu’il l’aurait abandonné pour cette gamine rousse ? et Aubry, méritait-elle de mourir au nom de son amour trop exclusif pour le Colonel ?
Très certainement. Idna ne partagerait jamais son cher Svayl, et mieux valait le voir mort qu’avec Aubry. Le seul point gênant, c’est qu’elle devrait se trouver un autre cavalier pour le Bal des Candidates, et que pour ce qui était du physique, Irklem avait toujours été plutôt plaisant à voir.

Qu’importe, pensa-t-elle en se passant un peu de rouge à lèvre. Les pilotes ne se mariaient pas et n’avaient pas d’enfants, à moins de se faire arracher une jambe ou un bras et d’être renvoyés du front. Et comme elle était maintenant Première Candidate, il était certain qu’elle deviendrait la Clef d’Horus. Le reste n’avait plus d’importance… n’est-ce pas ?
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MessageSujet: Re: Fighting Goddess   Fighting Goddess EmptyDim 15 Avr - 12:27

« Ici le Colonel Irklem, section Deus de Sion. Suite à un… incident technique, la Première Candidate d’Horus a été retardé et nous avons dû faire avec les moyens du bord. Votre base peut-elle nous fournir une escorte ? »

Aubry ne mesurait plus sa surprise. La section Deus était l’un des corps les plus prestigieux de l’armée, et le fait que son kidnapper ne soit rien de moins qu’un Colonel ajoutait à l’énormité de la chose. Une honte indescriptible lui rougie le visage et elle ne put que se sentir coupable de toute l’agitation qu’elle provoquait –fallait-il vraiment que le gratin de la Fédération se mette dans des états pareils pour lui venir en aide ? alors qu’elle était sûre et certaine qu’elle n’était pas la bonne personne ?

« Cet appareil est conçu uniquement pour l’entraînement et n’est donc pas équipé d’un émetteur longue portée. Je crains que la base ne soit plus dans notre champ d’émission radio. »

Un étonnement tout différent l’empêcha d’interrompre le Colonel pour lui dire qu’il faisait erreur. Car la voix qui venait de répondre à l’homme était non seulement féminine mais, Aubry s’en rendit compte, exceptionnellement juvénile. Si le terme « cadet » pouvait mettre la puce à l’oreille, à présent c’était certain : leur sauveur était une sauveuse, et, presque sans aucun doute, une sauveuse qui ne pouvait être beaucoup plus âgée qu’Aubry. Et bien que celle-ci ne sache pas ce qu’était un Classe C, elle n’était pas assez inculte pour ignorer que les mechas n’étaient pilotés que par un duo : un humain et un dieu.

« Pouvez vous nous escorter jusqu’à la base de Groenland-South, Cadet Milory ? »

Ce qui signifiait que cette Charity, qui qu’elle soit, était déjà liée à un Dieu. Alors… est-ce qu’Aubry pouvait également être assez âgée pour Horus ?
Qu’elle était bête. La jeune Milory semblait non seulement très douée, mais aussi très courageuse…

« Affirmatif. »

… et très professionnelle. Tout ce qu’Aubry ne serait jamais ! Même avec Horus, elle était sûre qu’elle n’aurait jamais put tenir tête à ces deux chasseurs atlantes.

Plus aucune parole ne fut échangée et Aubry finit vite par s’ennuyer. L’Interceptor était un engin fascinant, surtout lorsqu’il utilisait son étrange aura bleue, mais au bout de quelques longues minutes, elle commença par s’en lasser et s’endormi.

Il lui sembla qu’elle se réveilla quelques secondes à peine après s’être assoupie, secouée par l’atterrissage maladroit du TF-A400. Le temps qu’elle émerge des brumes du sommeil et l’avion s’était immobilisé sur la piste, et des hommes en combinaisons kaki installaient une passerelle mobile contre la carlingue. Plusieurs dizaines de mètres plus loin, une autre équipe couvrait l’Interceptor d’une épaisse couche de mousse anti-incendie. Aubry remarqua que deux silhouettes plus frêles que les autres et vêtues de bleu se tenaient non loin du groupe, puis abandonnèrent le mecha pour se diriger vers eux.

« Tu comptes rester ici toute la nuit ? »

Papillonnant des yeux pour la énième fois de la nuit –ou de la journée, mais qu’importe, Aubry dû retirer son casque pour repérer le personnage Ô combien sympathique qui n’avait rien d’autre à faire que de l’embêter. Avec les dernières heures qu’elle avait passées, l’américaine pensait avoir mérité le droit d’engueuler copieusement le malotru, mais lorsqu’elle fut débarrassée de son encombrant couvre-chef, elle se retrouva nez à nez avec un homme, proche de la trentaine, aux cernes impressionnantes et à la mine si lasse qu’elle ravala ses remarques.

« Non, » dit-elle simplement, se sentant soudainement très bête. « Je… je vous suis, allez-y d’abord. »

Irklem ne prêta pas attention à ses dernières paroles, lui ayant déjà tourné le dos pour gagner la terre ferme. S’extirpant de son siège pour le suivre, Aubry remarqua aussitôt qu’il s’appuyait lourdement sur sa jambe gauche, si bien qu’il boitait d’une manière des plus visibles. Elle le suivit d’un pas qui se voulait vif pour qu’il n’ai pas de nouvelles raisons de la gronder.
Elle serait déjà assez gênée quand elle devrait lui dire qu’il faisait erreur sur la personne et qu’il avait fait tout ça pour rien.

Bien que le Colonel ai une démarche disgracieuse, il allait à grands pas et Aubry, qui faisait bien vingt cinq centimètres de moins que lui, devait presque trottiner à côté de lui pour ne pas se laisser distancer. A mi chemin du bâtiment le plus proche, ils furent rejoints par les deux « silhouettes » en bleu, eux aussi légèrement essoufflés, car ils avaient courus pour rejoindre les deux rescapés.

Charity était une jeune femme assez plaisante à voir, sans être exceptionnelle. Elle était plus grande qu’Aubry, et n’avait pas le petit côté « boulotte » de cette dernière : plus fine, elle manquait un peu de poitrine, mais Aubry jugea que, sous son épaisse combinaison de pilote, elle devait avoir de très belles jambes. Le reste était plutôt commun : un teint bronzé-mais-pas-trop, des yeux gris-bleus assez foncés qui se mariaient bien avec un visage assez bien fait, mais qui n’aurait pas fait d’elle une Miss Fédération. Enfin, elle avait une coupe militaire, les cheveux châtains presque aussi courts que ceux d’Aubry et noués en une petite queue de cheval. Elle souriait et se tenait bien droite, pleine de confiance en elle.

Aubry déduisit que le garçon qui l’accompagnait devait être Léta, le « Classe C » dont avait parlé Charity. La normalité du dieu la choqua, au point qu’elle le dévisagea pendant près de quatre virgule quatre vingt dix sept secondes avant de rougir de son impolitesse. C’était un garçon, tout simplement, mince et d’apparence timide, plus enclin à se cacher derrière sa pilote qu’à parader comme un être divin et omnipotent. Il était tout ce qu’il y avait de plus humain, avec des yeux bleus et seuls ses cheveux, qui tiraient sur le blanc pur, le distinguait des hommes « normaux ».
En tout cas, Aubry dû admettre que Léta était… canon. Séduisant. Très beau. Enfin, il n’avait peut être pas une tête d’animal, six bras ou des ailes dans le dos, mais il y avait un petit quelque chose d’inhabituel chez lui. Les cheveux blancs, sans doute.

Irklem échangea quelques mots avec Charity, et Aubry regretta presque de s’être laissée entraîner dans sa contemplation de Léta, car non seulement elle n’avait pas écouté, mais pour couronner le tout, le dieu eu un petit mouvement de recul avant de rougir. Un dieu gêné ! Etait-ce seulement possible ?

« Laisses, » dit gentiment Charity en voyant son trouble puis, avec un clin d’œil, elle ajouta qu’il le faisait sûrement exprès pour séduire toutes les filles qui passaient, et Léta rougit d’autant plus en grommelant que ce n’était pas vrai… mais pas assez fort pour qu’Aubry puisse comprendre plus d’un tiers des mots prononcés.

Aubry aurait voulut passer des jours et des jours à questionner Charity, sur les dieux, sur les mechas, et même sur elle ; la jeune pilote avait l’air si aimable et engageante qu’on ne pouvait s’empêcher d’espérer être son ami. Ou tout du moins était-ce l’impression qu’elle faisait à Aubry. Mais le Colonel, impatient, lui ordonna de nouveau de le suivre et repartit comme s’ils n’avaient rencontrés personne. Un tel dédain irrita profondément la rouquine, mais lorsqu’elle jeta un coup d’œil derrière son épaule, Léta lui fit un charmant et très timide petit sourire avant de suivre sa Lame, qui partait déjà à la rencontre d’un officier.
Si Léta ne lui en voulait pas, c’est qu’elle n’avait rien fait de mal, jugea Aubry, tout en pensant que ce dieu était horriblement mignon à dévorer son élue des yeux comme il le faisait, mais qu’il ne s’en rendait sans doute même pas compte.

Quant à Irklem, s’il demeurait très impressionnant de par ses prouesses aériennes, Aubry lui trouvait un caractère de plus en plus exécrable et décida arbitrairement qu’il devait être célibataire, encore puceau, qu’il fumait comme un pompier et vivait chez sa mère… avant de se rappeler que, si cet homme avait fait tout le chemin depuis Snowhills ou la base la plus proche pour venir la chercher, il ne devait pas avoir dormit depuis un bon bout de temps, et que son comportement tenait peut être plus à la fatigue qu’à un mauvais caractère.

L’officier la mena dans un bâtiment qui se révéla être une infirmerie : trois ou quatre lits, des murs blancs et aseptisés, il ne manquait que l’infirmière en mini-jupe et ample décolleté pour que tous les clichés du genre soient réunis.

« Tu peux prendre une douche, si tu veux, » dit-il après avoir ouvert une porte au hasard, qui donnait apparemment sur une salle de bain.
Aubry ne se le fit pas dire deux fois.

~*~

Si Sion n’avait pas été au Pôle, le Soleil se serait levé pour m’accueillir, pensa Idna. Après des mois passés loin de chez elle, c’est avec un bonheur indescriptible qu’elle descendit sur le quai de la Gare Centrale. Elle se voyait déjà rentrant à la maison, triomphante, ses deux petits frères en bas âges accourant à grands cris pour sauter dans ses bras, sa mère en robe de satin et enceinte pour la quatrième fois, et son père en uniforme, libre pour une heure ou deux pour voir sa fille tant adorée.

Enfin, elle revoyait les grandes coupoles translucides de la ville, celles qui couvraient des jardins tropicaux et dans lesquelles il faisait toujours chaud et humides, les plus fraîches où les plus riches se faisaient construire des villas de marbre blanc… il lui suffisait à présent de lever les yeux pour que les pics colorés des gratte-ciel effilés ne soient plus le fruit de son imagination.

Elle était chez elle, enfin. Dans quelques heures à peine, elle serait présentée à Horus, première formalité avant de devenir une future héroïne de la Fédération. Le reste –le bal, les soit disant cours théorique pour gérer une relation avec un dieu-, le reste était purement secondaire.
Tout se déciderait lors de cette unique rencontre, et personne ne serait là pour se mettre entre elle et la victoire.


Dernière édition par le Ven 20 Avr - 15:13, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Fighting Goddess   Fighting Goddess EmptyDim 15 Avr - 12:28

Propre, fleurant bon le savon et surtout mouillée, Aubry avait réussit à mettre la main sur un pyjama trop grand et c’est avec un plaisir certain qu’elle laissa traîner sa combinaison sur le sol de la salle de bain. Elle s’occuperait plus tard de la récupérer, ou quelqu’un le ferait à sa place… elle était trop fatiguée pour s’en soucier ou s’inquiéter de ce qu’on penserait d’elle.

Elle retrouva le Colonel assis sur l’un des lits, une poche de glace sur son genou gauche. L’air à moitié endormis, il semblait prêt à s’écrouler sur place, et l’aurait sans doute fait s’il n’avait pas eu un téléphone vissé contre l’oreille. Une voix féminine fort stridente s’en échappait, mais Aubry était trop loin pour savoir de quoi elle parlait. Enfin, lorsqu’il s’aperçut que la jeune fille était de retour, il salua gracieusement son interlocutrice avant de raccrocher. Eut-elle était à sa place, la rouquine n’en aurait pas fait autant vu le ton employé à l’autre bout du fil.

Un silence gênant s’ensuivit, puis Irklem l’invita d’un geste de la main à s’installer sur le lit d’en face. « C’état ma mère, » précisa-t-il avant qu’Aubry ai pu engager la conversation, « elle voulait savoir pourquoi je n’étais pas venu la voir en arrivant. »

« Je n’allais pas demander. »

« Uniquement parce que tu n’aurais pas osé. »

Vrai, mais Aubry ne l’aurait certainement pas admis devant lui.

« On va te fournir une tenue plus adaptée pour Sion, » continua-t-il sans lui avoir laissé le temps de répondre. « Tu repars directement pour la capitale dans une heure à peu près, le temps qu’on prépare ton prochain taxi. Charity sera le pilote. Une fois là bas, tu… » Aubry l’interrompit, soudainement étrangement paniquée à l’idée de continuer sans lui. « Vous ne m’accompagnez pas ? »

Irklem sembla surpris qu’elle lui pose la question. Alors qu’il haussait un sourcil vaguement étonné, Aubry remarqua alors que son œil droit était gris, et non bleu comme l’œil gauche. Pourtant, il lui semblait bien qu’ils n’étaient pas vairons… bon sang, elle l’avait vu de près, pourtant, alors comment avait-elle pu manquer ça ?

« Non. J’ai largement dépassé le nombre d’heures autorisées en vol. »

Gêné, il détourna les yeux –vairons, elle ne s’en remettait pas- avant de reprendre son petit discours, comme s’il n’avait jamais été interrompu.

« Tu rejoindras les autres Candidates, qui auront déjà reçu le premier cours théorique. Il se limite plus ou moins à savoir qui est Horus et ce qu’il a fait ces dernières années. Charity pourra t’expliquer tout ça elle-même. Ensuite, vous irez voir Horus. Si tu manques cette étape, tu seras disqualifiée immédiatement, mais sache qu’il ne s’y passe pas grand-chose d’intéressant, car il sera sans doute trop faible pour vous parler, mais une espèce de légende militaire veut qu’il choisisse sa Clef lors de cette première rencontre –bien entendu, ce n’est pas scientifiquement prouvé. Des questions ? »

« Est-ce qu’il a une tête de moineau ? »

Le Colonel cligna des yeux, avant de soupirer et de lever les yeux au ciel. Aubry comprit aussitôt qu’elle aurait mieux fait de se taire ou de poser une question moins stupide.

« Non. Et Horus était sensé avoir une tête de faucon. »

« Ah. »

« Après avoir rencontré Horus, vous passerez des tests pour définir si vous êtes oui ou non compatibles avec lui. Environ un demi des filles sont éliminées à ce stade. Saches qu’Horus est un des dieux les plus puissants que nous ayons, et le choix de sa Clef est donc une excuse des plus valables pour tout un tas de cérémoniaux. Si tu es choisie, tu seras très vite propulsée au rang de personnalité connue dans la Fédération tout entière. »

Ah. Pourtant, personne au camp n’avait jamais entendu parler d’Analla Walder…

« Les Candidates restantes seront logées à l’Académie des Officiers. Une semaine après le début des sélections, un bal est organisé pour vous présenter aux hauts gradés. Normalement, les aspirants officiers de l’académie feront des pieds et des mains pour vous accompagner. Quelques jours plus tard, selon l’état d’Horus, la Clef sera choisie. »

« Est-ce que les dieux choisissent toujours des femmes ? »

« Pas que je sache. Les dieux préfèrent les filles, et les déesses les garçons. »

« Si vous avez fait erreur sur la personne et que je ne suis pas la première candidate, qu’est-ce qui se passera ? »

« Rien, » répondit le Colonel en consultant sa montre. « C’est bientôt l’heure, » remarqua-t-il alors qu’un jeune homme en uniforme bleu entrait, un paquet sous le bras.

« L’uniforme que vous avez fait demander, mon Colonel. »


~*~

Karen Valmont, ancienne Clef d’Horus, souhaitait bien du plaisir à cette bande de gamines, ces soi-disant candidates qui déchanteraient vite. Parce qu’elle connaissait le dieu, certaines de ses petites habitudes, et savait qu’il avait non seulement très mauvais caractère, mais, qu’en prime, il allait sans doute toutes les détester dès le premier regard.

Femme d’une trentaine d’années, encore fraîche mais pas réellement belle –elle n’avait de toute façon jamais été jolie-, Karen comptait bien éclairer quelque peu les lanternes de ces jeunes filles. En temps qu’ex-Elue, il était de son devoir de briefer ses suivantes du mieux qu’elle le pouvait.
Analla aurait dû le faire, mais elle n’était plus en état de parler.

Toute cette agitation la rendait nerveuse. Ce n’était sans doute pas bon pour sa tension –elle adorait être enceinte et portait son deuxième enfant, mais il fallait admettre qu’elle n’avait jamais la grossesse facile. Elle avait un peu honte de ne pas pouvoir se présenter en uniforme, mais il était hors de question qu’on lui en taille un nouveau juste parce qu’elle avait un ventre énorme, et surtout pas avant d’avoir refait un petit régime.

« Capitaine Valmont ? Les Candidates sont installées, vous pouvez entrer. »

La trentenaire vérifia sa coiffure du plat de la main, puis passa la porte du fond de classe. En théorie, le cours devait durer cinq heures, avec seulement une pause, mais puisque sa vessie ne supporterait jamais une telle attente, il faudrait bien interrompre la conférence un peu plus souvent. Karen monta tranquillement sur l’estrade, où l’on avait pour l’occasion installé un fauteuil –pas une infâme chaise. Elle s’y assit avec plaisir, prenant son temps, puis s’intéressa un peu plus attentivement à sa classe.
Et bien, que le show commence !


~*~

Le Colonel fit l’effort d’accompagner Aubry jusque sur la piste d’atterrissage, où chasseur et débris d’interceptor avaient étés remplacés par un autre mecha, beaucoup plus gros, et si impressionnant que l’adolescente en oublia de suivre Irklem pour rester bouche-bée devant la bête.

L’appareil ne pouvait apparemment pas tenir debout, ou en tout cas, pas sans être activé. Il avait les jambes beaucoup plus longues que celles d’un interceptor, et sa silhouette semblait plus élégante. Couché sur la remorque d’un énorme camion, son corps était celui d’un humain, mais entièrement fait de métal. A vrai dire, il était difficile de le décrire alors qu’elle n’en voyait qu’une partie, le buste étant dissimulé par les équipements qui l’entouraient.

L’apparition du Colonel dans son champ de vision la ramena sur terre et, Aubry, ayant repéré Charity, partit dans sa direction avant que son garde du corps improvisé n’ai pu lui refaire un commentaire déplaisant…
… et nota au passage que son œil droit était bleu.
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MessageSujet: Re: Fighting Goddess   Fighting Goddess EmptyMar 1 Mai - 7:48

Chapitre 4 :
Horus


L’intérieur du mecha était moins reluisant que l’extérieur : on avait retiré le pack d’éjection du siège du pilote pour qu’Aubry puisse s’installer, mais le voyage ne serait sans doute pas très confortable. A sa grande surprise, Léta avait son propre cockpit ; son impression dû la trahir car Charity lui expliqua que l’utilisation de ses pouvoirs faisait réagir le Ditrium de l’appareil, et que ce genre de radiations, malgré ce qu’en disait la propagande, n’était pas très saine pour l’être humain.

Ce premier décollage devait rester, pour Aubry, un des souvenirs les plus excitants et les plus déplaisants de la journée : Charity lui expliqua que, à cause du camion, on ne pouvait pas allumer les réacteurs tout de suite, comme elle l’aurait fait habituellement, et que cela rendrait la manœuvre plus rude qu’à l’accoutumée.

Et en effet, elle fut rude : la jeune fille sentir le mecha être porté à la verticale, et celui-ci s’élança aussitôt sur la piste pour ne pas perdre son équilibre. Chaque pas secouait l’appareil et faisait vibrer tout l’habitacle, rendant toute conversation impossible tant le bruit était assourdissant. Enfin, elle sentit l’appareil être propulsé vers le haut, et le bruit cessa, remplacé par un bourdonnement et le lourd ronron du moteur.

« C’est toujours comme ça ? »

« Non, » répondit Charity dans le micro de son casque, « mais je n’avais jamais piloté ce genre d’appareils hors simulateurs. »

Oh.

« Tu t’entraînes depuis longtemps ? »

« Quatre ans. J’étais très grande quand j’étais plus jeune, alors j’ai mentis sur mon âge pour entrer plus tôt. Ils s’en sont aperçut un peu après la sélection, alors je m’entraîne jusqu’à ce que j’ai l’âge légal. »

« Tu avais quel âge ? »

«Treize ans. »

Woa.

« On doit avoir le même âge alors. »

« Sans doute. Le Colonel Irklem a dit que tu étais la première Candidate d’Horus. Tu vas avoir bien du plaisir avec lui. »

« Il est moche ? »

« Non », répliqua Charity en riant, « au contraire. Tous les Dieux sont beaux. »

« Alors quel est le problème ? »


~*~


Karen resta silencieuses quelques instant, balayant sa classe du regard. Elle y lisait l’envie, parfois l’ambition, souvent de la détermination. De la peur, aussi… ou plutôt de l’appréhension.
Bonnes petites. Si elles savaient !

« Bonjour à toutes » fut son entrée en matière. S’il fallait passer la moitié de la journée avec elles, autant le faire avec une bonne ambiance. « Je suis le Capitaine Karen Valmont, ancienne Elue d’Horus. »

Quelques murmures dans la salle, puis de nouveau le silence. Karen ne chercha pas à savoir si les regards des candidates étaient admiratifs ou juste envieux.

« Celles d’entre vous qui s’intéressent à la mythologie savent qu’Horus fut un Dieu de l’ancienne Egypte, lors de l’antiquité. Il serait né d’un père récemment décédé et aurait une tête de faucon. Je ne détaillerai pas plus : si vous souhaitez vous renseigner là-dessus, la bibliothèque de Sion est assez riche. De plus, Horus déteste qu’on fasse référence à cette période, ces informations sont donc totalement inutiles en ce qui vous concerne. »

Ce n’était décidément pas très difficile : il suffisait de disserter sur ses notes. Mais ne parlait-elle pas un peu trop vite ? Karen reprit la parole, un peu plus lentement.

« Un Dieu est immortel. Cependant, il peut être plus ou moins tué : il suffit pour cela d’abîmer suffisamment son enveloppe corporelle, voir de la détruire complètement. La période durant laquelle un dieu reconstruit son enveloppe est appelée Stase –et elle a pour effet de détruire une partie de la mémoire du sujet. Voilà pourquoi vous ne devrez pas questionner Horus sur son passé. On estime qu’après les sept stases successives subies par Horus, sa mémoire remonte environ aux années NE 20, tout en sachant que cette période reste floue et disparaîtra sans doute suite à sa stase à venir. Ses souvenirs ne sont considérés comme fiables qu’à partir du début du premier siècle après l’Ere Sombre. »

Dommage. Horus était déjà orgueilleux avec une mémoire incomplète, alors quel caractère il aurait eu sans ce petit problème ! Il aurait été totalement imbuvable, mais au moins, il ne se serait pas amusé à passer sa frustration sur ses Elues.


~*~


« J’ai entendu des rumeurs comme quoi il avait un caractère difficile. Habituellement, les Dieux ne changent d’élus qu’après la mort de leur compagnon précédent, et le plus souvent ils se mettent en Stase d’eux même avant de choisir quelqu’un d’autre, mais pour Horus, les Candidates défilent au nombre d’une par décennie et n’obtiennent jamais de bons résultats… »

« C’est quoi, la ‘stase’ ? »

« On ne sait pas exactement. Léta ne s’est jamais mis en stase et je n’ai jamais assisté à ça. Ce doit être très impressionnant puisque c’est interdit au public. Même les Elus ne sont pas présents. »

~*~


« Horus est un Dieu de Classe A. Ses pouvoirs sont majoritairement d’ordre télépathiques et ditriumiques, ce qui signifie qu’il peut –théoriquement- lire les pensées et utiliser les propriétés du Ditrium. Tous les dieux en sont capables, mais Horus est le plus puissant, et surtout le seul qui puisse utiliser l’énergie du Prometeia. »

~*~


« Pourquoi continuer avec Horus s’il obtient de si mauvais résultats et n’est compatible avec personne ? »

« Horus est le plus puissant. Bien que d’autres Classes A comme Shiva, Athéna ou Tiangong puissent le concurrencer, c’est le seul qui dispose des pouvoirs nécessaires pour activer le Prometeia. »

« C’est quoi ces histoires de Classes ? »

«Les Classes A sont les dieux majeurs, les Classes B les dieux mineurs, et les Classes C sont ceux qui ne se sont révélés que maintenant, et qui n’étaient jamais apparus aux hommes. »

« Comme Léta ? »

« Oui. »

« Et le Prometeia ? »

~*~


« Le Prometeia, » dit Karen alors que son assistant, un jeune Lieutenant à lunettes du nom de Runeyl Tem, allumait un rétroprojecteur et affichait la première diapositive : un couple souriant avec, à l’arrière plan, ce qui semblait être le pied d’un gigantesque mecha, « fut mis en service quatre ans après l’apparition d’Horus et est resté notre arme la plus puissante grâce à des mises à jour constantes. »

Idna serra les dents. Parce que c’était une photo officielle, bien connue sur Sion : Freedom Kanaba, rousse, petite et un peu boulotte, mais dont la combinaison moulait des cuisses athlétiques et des bras musclés, et Horus, beaucoup plus grand, séduisant, un bras passé autour des épaules de sa Clef.
Freedom… qui aurait très bien put être Aubry. Le poing d’Idna était si crispé que ses ongles s’enfonçaient dans la peau. La ressemblance était frappante –trop frappante. Kanaba était certes trentenaire sur cette photo, mais on ne pouvait s’y tromper.

« Cette femme est le Général Freedom Kanaba, héroïne de la Fédération. A l’époque où cette photo a été prise, elle était encore Colonel à la section Deus, avant de recevoir le commandement de la 8ème Armée. On la surnommait « Flee », d’après l’appellation qu’Horus lui-même lui donnait. On ignore la raison de ce choix, mais même à ce jour, on n’a jamais cessé de la nommer ainsi. »

Flee…

Idna se détendit : il n’y avait plus personne pour porter ce nom, à présent, plus personne pour lui voler Horus.

~*~


« Le Prometeia est le meilleur appareil de la Fédération. Il a été construit il y a plus d’un siècle, mais il a toujours été entretenu et amélioré. Comme je te l’ai dis, Horus est le seul qui puisse activer le réacteur à Ditrium, mais on ne l’a plus vu sur le champ de bataille depuis des lustres, » acheva Charity, une pointe de regret parfaitement audible malgré les grésillements de la radio.

« Donc si je suis bien l’Elue d’Horus, je vais me retrouver à piloter ce… Prometeia ? »

« Evidemment. C’est pour ça que tu t’es engagée, non ? »

Aubry l’assura qu’en effet, elle voulait servir la Fédération du mieux possible… mais ce qu’elle pensa tout bas, c’est : pas vraiment.

~*~


« Il faudra qu’on te décore pour ta conduite héroïque, Irklem. Ou qu’on te passe en court martial, au choix. »

« J’assumerai la responsabilité de mes actes, Général Prestem. »

« Comme toujours. Mais j’avoue que tu m’impressionnes : je n’aurai jamais cru que tu serais encore assez fou pour piloter. Comment va ton genou ? »

« Comme d’habitude. »

« C'est-à-dire mal. »

« Non ! » répondit le Colonel rapidement… trop rapidement. Ce petit ne serait-il donc jamais capable d’assumer ses blessures ? « Juste un peu… raide. » admit-il lentement.
Bien sûr. Le Général soupira, prenant bien soin de rester loin de l’émetteur. Il avait beau connaître Svayl personnellement, ce n’était pas pour ça qu’il avait le droit de le materner.

« Comment as-tu trouvé Aubry ? »

« Trop commune. Mais la ressemblance est frappante, en effet. Vous croyez que ça suffira pour attirer l’attention d’Horus ? »

« J’espère pour elle que ce ne sera pas le cas. Il a un caractère abominable, mais pour l’avenir de la Fédération, il faudra qu’elle le supporte. Arriveras-t-elle à temps ? »

« Le Cadet Milory pense pouvoir atteindre Mach 1 en poussant Léta au maximum de ses capacité. S’il arrive à tenir ce rythme, ils arriveront à Sion d’ici deux heures. »

« Il vaudrait mieux qu’il ne ralentisse pas. J’ai fais passer des ordres au Capitaine Valmont pour qu’elle dépasse les horaires normaux, mais nous ne devrions pouvoir économiser qu’une heure environ avec ce procédé. Si Léta lâche, ils n’arriveront pas à temps. »

« S’ils ne réussissent pas, Idna deviendra la Clef d’Horus. »

« Tu penses qu’elle est responsable de ce qui est arrivé ? »

« Pas vous ? »

« Tu n’es pas le seul que cette histoire empêche de dormir, Svayl. J’ai fais mon enquête, le coupable a déjà été appréhendé. Il s’est suicidé avant qu’on puisse l’arrêter. »

~*~


Idna commençait à être plus qu’agacée. C’était la cinquième –non sixième ?- fois que leur chère et bien aimée conférencière s’absentait… en trois heures ! Les prenait-on pour des idiotes ? On pouvait être enceinte sans passer son temps aux toilettes.
Oh, toutes ses excuses : c’est vrai que cette fois, Valmont avait seulement la nausée.

La grande blonde n’était pas stupide. On pouvait être belle et élégante tout en ayant un cerveau, et en l’occurrence, elle commençait à penser qu’il se passait quelque chose de bizarre. Horus était sensé être entre la vie et la mort, et pourtant, l’Etat Major acceptait qu’on retarde encore et encore l’échéance. Et si quelqu’un s’était aperçut qu’Aubry n’était pas là et tentait de gagner du temps pour son arrivée ?
Impossible. Aubry était déjà morte de toute façon.

Un long frisson parcourut Idna de la tête aux pieds, mais avant qu’elle puisse se persuader du bien fondé de ses actes, le Capitaine Valmont revenait, bien tranquille, et prenait tout son temps pour s’asseoir. Au passage, elle accrocha le regard de la blonde, puis se détourna avec un petit sourire appuyé…
… et Idna n’eu plus aucun doute : si les Atlantes avaient échoués, Valmont ferait capoter le reste du plan. Et le Capitaine le savait.
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MessageSujet: Re: Fighting Goddess   Fighting Goddess EmptyMar 1 Mai - 7:49

~*~


« On est en retard. Léta a gardé le même rythme, mais nous avons traversé une zone de perturbations qui nous a ralentis. »

« Alors c’est fichu ? »

« Pas encore. Ça veut juste dire qu’on n’aura pas le temps de se poser à la base prévue… on va atterrir directement sur le parking du complex des essais. »

« On peut faire ça ? »

« Théoriquement non, mais en arrêtant un des ventilateurs géants, on devrait pouvoir passer par les conduites d’aération des niveaux supérieurs. On risque de les élargir un peu au passage, mais on n’a pas d’autre choix. »

Superbe. Après la conduite d’Irklem, le combat aérien et la réquisition sauvage de mecha en partance pour le front, Aubry serait –en plus !- responsable de la destruction du système d’aération de Sion ! Est-ce qu’au moins les bulles thermo contrôlées pouvaient rester viable si les ventilateurs ne fonctionnaient plus ?

Aubry tenta de se détendre, mais resserra toutes les lanières de son harnais, finalement heureuse que le siège de Charity l’empêche de voir les écrans de contrôle. Ses doigts étaient si crispées sur les bretelles de sécurité qu’il lui semblait que le sang n’en atteignaient plus le bout. Elle ferma les yeux et murmura une prière à tous les dieux de la Fédération pour que son pilote ne se prenne pas un mur, et ne détruise pas au passage le toit de la bulle. Elle n’était jamais allée sur Sion, mais savait, d’après des photos et des lectures, que la ville s’abritait sous d’énormes sphères translucides pour protéger les habitants des radiations solaires et surtout du froid, et donc que des dégâts trop importants auraient des conséquences énormes sur la métropole.
Avait-elle donc tant de valeur pour que l’armée prenne de tels risques ?

« On y va. Ça va secouer. »

~*~


Plus que dix minutes, pensa Idna en fixant sa montre. Son contact lui avait donné l’heure précise à laquelle le cours devrait s’arrêter, la limite que Valmont ne pourrait franchir. Plus que dix minutes et cette infâme Capitaine aurait perdu. L’aplomb de celle-ci était admirable pour quelqu’un dont la lutte était désespérée et surtout vaine, mais inutile.

La trotteuses filait, marquait des secondes qui s’égrenaient trop lentement. Neuf minutes. Valmont dissertait à présent sur des sujets tout à fait inutiles pour allonger la séance : en quoi les habitudes alimentaires d’Horus pouvaient-elles être déterminantes ? C’était fichu de toute façon : Aubry ne parviendrait jamais à arriver dans les huit minutes restantes. On enregistrerait alors les candidates présentes pour aller voir Horus, et si la rousse n’avait ne serait-ce que cinq minutes de retard… fichu pour elle ! Et Idna gagnerait !

Un sourire radieux souleva la commissure de ses lèvres. Plus rien ne pouvait se mettre entre Idna et Horus. Ni Valmont, ni Svayl, ni Aubry.

Soudain, un « bam » sonore et un bruit de béton brisé résonna, faisant trembler les murs et les bureaux. Quelques chuchotis inquiets parvinrent aux oreilles d’Idna, qui revint une nouvelle fois à sa montre. Trois minutes. Son cœur battait à la chamade : deux minutes trente, plutôt que trois minutes. Même si quelqu’un avait réussit à amener Aubry jusqu’ici (et c’était impossible, une conduite de gaz avait dû exploser, ou un camion se prendre un mur, impossible que ce soit quelque chose d’autre !), il faudrait encore passer par les escaliers, traverser tout le bâtiment…
Idna respira profondément. Il ne fallait pas paniquer, ça ne voulait rien dire… les candidates s’étaient massées près des fenêtres, curieuses, excitées et effrayées. Une minute…

« Lieutenant Tem, » fit la voix du Capitaine Valmont avec le plus grand calme, « auriez vous l’amabilité d’ouvrir la fenêtre, je vous prie ? Cette jeune fille ne va sûrement pas passer au travers. »

Non. Impossible. Idna se leva d’une traite, renversant sa chaise. Les autres filles s’étaient écartées, aussi voyait-elle désormais la haute silhouette du mecha, cockpit ouverte, main tendue vers la fenêtre, et Aubry qui descendait –en uniforme !- en s’agrippant maladroitement aux doigts d’acier. « Et bien, aidez là donc, idiot ! Oh, poussez-vous donc, je vais le faire ! » disait Valmont en écartant le Lieutenant qui, d’après sa tête, n’avait jamais dû toucher une fille dans sa vie.

Furieuse Idna rejoignit aussitôt le groupe, marchant à grand pas pour distancer le Capitaine –et tendre elle-même la main à son ancienne pupille. Il fallait donner le change : la compétition n’était pas terminée, elle aurait d’autres occasions. La grande blonde fit apparaître un radieux sourire sur ses lèvres pâles et serra brièvement Aubry dans ses bras, en un geste d’amitié et d’affection, alors qu’elle l’aurait volontiers jetée par la fenêtre.
La rousse se dégagea puis, le teint verdâtre : « je crois que je vais vomir. »

~*~


L’atterrissage de Charity avait été tout simplement catastrophique : apparemment, le mecha avait arraché une pale au passage et défoncé complètement la cour du complex administratif de la Section Deus. Le seul choc de l’arrivé avait à se point retourné l’estomac d’Aubry qu’elle se rendit immédiatement aux toilettes pour rendre tripes et boyaux, tentant tant bien que mal de ne pas trop salir son uniforme. Idna, derrière elle, lui offrait un soutien tout relatif sous la forme de petites tapes dans le dos, peu efficaces, mais toujours plus touchante que le comportement froid de Mika, qui avait fait semblant de ne pas la reconnaître. Plus que les dégâts apportés à Sion, c’était le mépris de la petite brune qui perturbait profondément Aubry, et la peinait plus qu’elle ne l’aurait crut.

« Est-ce que ça va mieux ? » lui demanda Idna d’une voix douce. Non, rien n’allait mieux. Aubry voulait pleurer, crier, rire en même temps, mais elle ne savait pas pourquoi, car rien n’était drôle. Elle se laissa aller contre son aînée, dont les bras se refermèrent sur elle, étreinte protectrice et chaude. « Ça ira. Plus rien ne pourra t’arriver maintenant. Je suis là, avec toi. Tout ira bien. »

La gorge nouée, Aubry hoqueta sans pouvoir répondre puis, subitement, la boule qui encombrait sa poitrine sembla se rompre, et elle éclata en sanglots, les nerfs à vif et les épaules secouées, incapable de reprendre son souffle. Idna la serra un peu plus fort, lui chuchota des paroles rassurantes, la berça doucement. Si seulement Aubry avait pu rester dans ses bras…

~*~


Le général Prestem était un homme d’une cinquantaine d’années, d’une taille assez modeste mais aux yeux rieurs et intelligents, aux épaules larges et musclées. Depuis dix ans qu’il dirigeait la section Deus, il avait apprit que la force était souvent inutile –souvent. Car n’était-ce pas cela, de la force pure, qui permettait à Horus de respirer encore, d’attendre jusqu’au bout de sa vie qu’on veuille bien lui amener sa future Elue ?

« Je suis désolé de t’infliger tout cela, » soupira Prestem avec lassitude, assis près d’un lit d’hôpital.

L’homme qui l’occupait, d’apparence assez jeune, était en partie recouvert par un épais drap, et seule sa main droite reposait sur la toile. Le visage avait été nettoyé, mais les blessures, de longues et larges plaques où la chair était à vif, étaient laides à voir, encore bleuies par l’hémoglobine azurée du dieu. Le Général savait que le pire était caché : jambes pulvérisées, bras gauche en bouillie. Même s’ils avaient pu sauver ce qui restait du dieu, ils ne l’auraient pas fait. Il fallait qu’il revienne sous une nouvelle forme, entière, qui puisse porter l’espoir de la Fédération.

Horus remua les lèvres, doucement, sans pouvoir faire plus. Prestem ne lui en voulait pas : ses derniers mots avaient été « quatre heures », le temps qu’il pensait pouvoir leur accorder avant de ne plus pouvoir repousser l’échéance, et « Flee ». Il faudrait lire ses courtes phrases, puisque sa voix ne pouvait plus les porter. « Ce n’est pas de ta faute », disait-il, puis « Flee ? », murmuré dans un gémissement rauque qui lui arracha une grimace.

Prestem Cloyd serra doucement la main de son ami mourant, qui lui répondit d’une très légère pression. « Elle est ici. Tu veux la voir ? ». Horus acquiesça de la tête, puis : «Qui, maintenant ? ». Il fallut quelques instants pour que le Général comprenne la question. « Aubry, » répondit-il gentiment. « Aubry Leska, » et sa gorge se serra. Un léger, très léger sourire apparut sur le visage d’Horus, « c’est toi qui a choisit ? ». Pestrem acquiesça en silence, bien qu’il sut qu’Horus ne pouvait le voir au travers de ses paupières fermées. « Je vais la chercher. »
Le dieu soupira un « merci », puis ne bougea plus.

~*~


Assise entre Idna et une fille qu’elle ne connaissait pas, Aubry triturait ses mains, pas moins nerveuse qu’elle l’était quelques minutes auparavant. Elle ne savait toujours pas ce qu’elle faisait là, et elle avait toujours envie de vomir. Enfin, la porte de la chambre s’ouvrit –une porte d’hôpital, en plastique blanc avec une vitre- et toutes les filles qui sursautèrent, qui se tendirent, ou passèrent des mains nerveuses sur leurs cheveux pour vérifier leur coiffure.

Un homme en uniforme, les épaulettes chargées d’étoiles et le buste décoré de barrettes luisantes, se plaça dans l’encadrement et déclara d’une voix forte et claire : « Cadet Leska, Aubry. Veuillez me suivre. »

Quelques murmures jaloux et des regards agressifs et noirs suivirent la jeune fille jusqu’à ce que la porte se referme derrière elle, mais Aubry n’eut pas l’envie de souffler, et ne ressentit aucun soulagement. Elle sentait la rancœur des autres Candidates dans son dos, et elle n’osait avancer. L’homme la poussa doucement dans le dos et l’invita à s’asseoir près du lit. Elle déglutit difficilement, et essaya de détourner son regard des marques sanglantes, répugnantes car suintantes de bleu pâle.

Horus ouvrit doucement les yeux, à peine, juste assez pour faire apparaître ses pupilles mordorées. Un petit sourire doux étira ses lèvres… pouvait-il réellement être aussi mesquin que le disait Charity, avec une telle douceur sur la face malgré la souffrance ?

« Aubry… » chuchota-t-il avant de refermer les yeux et d’inspirer profondément. « Je vais te dire… surtout n’oublie pas… »

Lui dire quoi ? Le Général avait quitté la pièce. Ils étaient seuls, tous les deux, et il semblait souffrir à tel point que… elle tendit l’oreille, parce que c’était tout ce qu’elle pouvait faire pour lui.

« Dix-neuf… rue Petrograd… Moscou… »

« Qu’est-ce que… »

« Retiens…. Promets que tu… n’oubliera pas… »

Il ouvrit de nouveau les yeux, en grand, et la fixa d’une telle façon qu’elle sut qu’il allait mourir. « Je promets, » dit-elle d’une voix blanche, il sourit, et ses paupières retombèrent.
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MessageSujet: Re: Fighting Goddess   Fighting Goddess EmptySam 19 Mai - 15:27

Chapitre 5 :
Compte à rebours


Les Candidates n’étaient pas des êtres humains. C’est ce qu’Aubry avait appris au cours des deux jours qui avaient suivis sa courte –mais néanmoins… édifiante ?- rencontre avec Horus.

Certaines en voulaient à l’américaine parce qu’elle était la seule à avoir pu voir le Dieu. Compréhensible. D’autres, parce qu’elle était passé la première alors qu’elle n’était qu’au milieu de l’alphabet. Compréhensible. Ensuite, il y avait celles qui ne pouvaient pas supporter son absence au premier cours. Vaguement puéril. Celles qui étaient jalouses parce qu’elle était arrivé en fanfare. Stupide. Les plus idiotes pensaient même qu’elle avait assassiné Horus pour que ses camarades aient des chances moindres.
Délire total. S’il fallait qu’on la haïsse, Aubry préférait que ce soit pour de bonnes raisons.

Dans un cas en particulier, il n’y avait pas de raison du tout : Mika. Aucun mot, aucune parole, aucun regard. A croire qu’Aubry, sa meilleure amie depuis plus d’un an, d’existait plus, ou était devenue complètement invisible et inaudible. Celle-ci ne se l’expliquait pas : qu’avait-elle fait de mal ? Que lui reprochait-on ? Mika la connaissait, elle aurait dû savoir qu’Aubry n’aurait jamais cherché à se jeter sur Horus ! Avait-elle peur qu’elle lui vole la place ?

Seule Idna n’était pas froide à son égard, mais c’était une triste consolation : fille de Sion, elle ne logeait pas à l’Académie des Officiers, mais chez ses parents, loin d’Aubry qui, canard boiteux de la bande, était la seule à ne pas partager sa chambre, toutes ses camarades s’étant arrangées pour la mettre à l’écart.

Aubry poireautait donc, toute seule, dans sa minable chambre double. La soirée précédente, sa première à l’Académie, avait été des plus ennuyeuses, entièrement passée à… ne rien faire ! couchée sur le ventre, à soupirer dans son oreiller et, comme toute adolescente qui se respecte, elle avait décidé de faire l’inventaire des mâles rencontrés ces derniers jours.

Mâle number one : le Colonel Irklem. Grand, blond, beau, qui sait piloter, qui conduit comme un malade et, enfin, qui boitte et a un œil qui change de couleur à volonté.
Mâle number two : Léta, dieu de Classe C. Très mignon, avec des cheveux un peu bizarre. Déjà plus ou moins casé. Timide maladif.
Mâle number three : Le lieutenant (ou sous lieutenant ?) Tem. Gars à lunette. Encore plus timide que Léta si c’est possible. Pas moche mais devrait changer de coiffure et arrêter de bégayer.
Mâle number four : Horus, mourant et racontant des choses bizarres. Connu pour avoir un caractère de merde et faire tourner ses Candidates en bourrique.
Conclusion : soit elle se débrouillait pour faire culpabiliser Irklem de l’avoir enlevée pour rien, et donc pour l’épouser, soit elle se suicidait, parce que c’était le seul potable de la bande.

Aubry s’ennuyait comme un rat mort. Littéralement, il lui semblait qu’être un cadavre ne devait pas être très loin de son état d’apathie aveugle et débilitante. Puisqu’elle n’avait pas d’amies et que les autres ne l’aimaient pas, elle restait enfermée dans sa chambre dès qu’elle n’était pas en cours, ce qui faisait beaucoup d’heures passées à râler dans son oreiller.

Cette inactivité constante déprimait Aubry au plus haut point. Il lui arrivait, toutes les demi-heures environ, d’avoir envie de se lever pour faire quelque chose ; elle se rappelait alors que, sitôt sortie de sa chambre, il y aurait forcément quelqu’un pour la brimer. Que le Bal des Candidates approche à grands pas l’angoissait plus encore que son état de larve : car qui ne sort pas n’a pas de cavalier, et en temps que première candidate, elle devait être en tête de file.
Ce qui signifiait qu’elle aurait la honte de sa vie, à moins de se trouver un cavalier.

Or, Horus étant légèrement décédé –enfin, en Stase, mais c’était pareil-, Léta occupé, Tem empoté, restait Irklem pour l’accompagner au Bal, puisqu’elle ne connaissait personne d’autre. Un étudiant guindé, la veille, lui avait annoncé que le Colonel serait de retour à Sion dès le lendemain. Aubry n’aurait donc plus qu’à lui sauter dessus et le supplier à genou de bien vouloir l’accompagner, ou de lui donner une corde pour se pendre.

~*~


Idna n’avait aucun problème. De retour à Sion, elle glissait avec plaisir sa bague de fiançailles sur ses doigts fins dès qu’elle quittait l’Académie et ses petites sottes roucoulantes, troquait les chaussures trop sobres de l’armée contre des talons aiguille. Une robe en soie sur le corps, elle s’envolait alors pour les divers pubs de sa connaissance, retrouvant ses amis du soir et enchaînant à un rythme fou parties de poker, billard et autres joyeusetés, ivre de rattraper ces longs mois dans un coin perdu.

Bien entendu, elle savait qu’Aubry était complètement laissée à l’abandon, mais elle s’en fichait. Mieux : elle en était responsable. N’était-ce pas elle qui avait tranquillement briefé Mika à ce propos ? Il fallait qu’Aubry renonce, et la démoraliser était un excellent moyen.

Ce soir, alors que la rouquine était sans doute en train de se faire une crise de maniaco-dépressive, Idna avait particulièrement soigné son apparence, et ce pour une raison bien particulière : Svayl rentrait à la maison !

Et quelle maison ! pensa avec fierté la jeune blonde, les talons de ses escarpins tintant contre le marbre des escaliers, il n’y avait que Sion pour en avoir d’aussi belles ! Une villa merveilleuse, pleine de souvenirs… on sonnait à la porte. Evidemment, qu’il allait sonner ! Même en sachant qu’elle l’avait vu venir depuis la fenêtre de sa chambre, il ne pouvait s’empêcher de s’annoncer, comme s’il n’était pas ici chez lui.
Ce qui était un peu vrai : la villa appartenait aux parents d’Idna, mais bon sang, ils étaient fiancés ! Alors il pouvait bien entrer tout seul quand la porte était ouverte, non ?

La poignée s’abaissait, le battant s’ouvrait vivement et Idna, le rire aux lèvres, se jeta au cou de son cher, très cher fiancé. Avant qu’il n’ai put dire un mot, elle plaqua sa bouche contre la sienne, les bras autours de ses épaules, et elle sentit ses mains contre sa taille –vives, plus instinctives qu’autre chose. C’était toujours ainsi, avec Svayl, et il avait vraiment tout d’un rustre pour ce qui était de montrer plus d’un gramme d’affection !
Elle s’abandonna dans ses bras, heureuse de l’avoir de nouveau tout à elle –et de n’avoir pas réussit à le tuer.

~*~


Le lendemain matin, grisaille et déprime, Aubry ne se sentait guère mieux que la veille : passer la soirée dans sa chambre signifiait qu’elle ne voyait personne, et donc qu’elle n’avait pas à supporter les regards assassins de ses camarades. Mais quand le matin venait… il devenait impossible de faire « comme si ». Comme si quoi ? Comme si elle se plaisait à l’Académie ? Elle y était depuis deux jours, et déjà elle n’en supportait plus ni les murs, ni la moquette.

Ce matin là, donc, Aubry mangeait toute seule à la cafétéria, encore en pyjama (elle ne s’était pas réveillée à temps pour se changer, si bien qu’elle avait l’air bien bête), le nez dans son bol de céréales de resto rapide –répugnant. Totalement désintéressée par son petit déjeuné, elle en était à s’acharner sur un flocon d’avoine du bout de la cuillère, l’écrabouillant et le disséquant sans merci, lorsqu’un bruit de plateau qu’on pose et de chaise qu’on tire la força à lever les yeux.
Super. Encore une des Candidates qui devait avoir envie de lui donner de faux espoirs… et bien non. Aubry fut surprise de voir ce qui semblait être un jeune étudiant, vêtu de frais et à l’uniforme parfaitement taillé, repassé, sans un pli, la coiffure impeccable. Ah, zut. Et elle n’était même pas présentable ! Elle se redressa aussitôt et lissa précipitamment son pyjama froissé, les joues rougissantes, mais il ne lui jeta pas un regard et entama son propre repas.

Au cours des minutes qui suivirent, il ne s’intéressa pas plus à elle, ne lui adressant jamais la parole, ce qui acheva d’agacer Aubry. Celle-ci, finalement ulcérée de ce silence buté, se leva de table et regagna sa chambre à pas furieux. C’était déjà assez énervant d’arriver presque à la fermeture de la cafétéria habillée n’importe comment, mais s’il fallait en plus supporter les indigènes de cette fichue école !

Enfin lavée, habillée et surtout en retard pour ses cours du matin, Aubry n’en finissait pourtant pas de se sentir troublée par cette rencontre : en général, on ne s’asseyait pas en face de quelqu’un pour l’ignorer ensuite, n’est-ce ? Ce garçon était vraiment un goujat ! et elle migra de sa chambre à la salle de classe, d’un pas furieux, les talons claquant sur le carrelage des couloirs et une forte envie de fondre en larmes.

La matinée fut un enfer, pire encore que la veille. Plusieurs Candidates exhibaient, avec une fierté frôlant la prétention, l’épingle en fer blanc qui les dénonçait comme « casées ». Toutes, avec une seule et unique exception, avaient le regard sombre dès qu’Aubry entrait dans leur champ de vision.

L’Académie avait au moins un point positif : Karen Valmont, leur professeur principale, ancienne Clef d’Horus, et un certain Commandant Ruelem, dont la compagne, une certaine Freyja, ne portait aucune indication de grade, si ce n’est une unique fleure de lisse cousue sur la poitrine, à la place de laquelle Ruelem affichait un quantité impressionnante de décorations, symbolisées par des barrettes de couleur –comme sur les uniformes des anciens américains, si Aubry se souvenait correctement de ses cours d’histoire ancienne…

La rouquine avait entendu dire, au détour d’un couloir, que Valmont était laide. Elle n’en pensait rien : Karen n’était pas aussi jolie qu’Idna, pas aussi gracieuse que Freyja, mais elle avait un sourire doux et un peu moqueur à la fois, et un regard intelligent. A bien y réfléchir, il devait être plus plaisant de passer sa vie avec une femme comme Karen, calme et sûre d’elle, qu’avec une belle pinup écervelée.
Ruelem Sveyn, au contraire, était un pur Sion, ou du moins était-ce ce que déclarait son nom. Il était grand, la carrure puissante et imposante, tout de muscles et de force, à en donner des frissons. Il ne devait avoir qu’un peu plus de quarante ans, mais ses cheveux étaient déjà gris ; ses yeux n’avaient rien perdu de leur coupant, ou le front les avait peut être rendus plus durs qu’il ne l’avaient étés ; toujours est-il que c’est un sentiment d’intransigeance, d’expérience et d’autorité qui se dégageait de cet homme aux prunelles grises, tout en contraste avec Freyja, sa compagne –qui se décrivait comme sa Lame. Grande, musclées mais élancée, celle-ci avait un visage des plus plaisant, encadré de jolies boucles blondes, et d’étranges yeux très, très verts, à peu près aussi anormaux par leur intensité que l’étaient les cheveux de Léta.

Ce trio formait un groupe de professeurs assez atypique. Le Commandant Ruelem, tout d’abord, ne parlait que sèchement en les fusillant du regard ; Freyja les fixait avec gentillesse mais n’ouvrait jamais la bouche, sinon pour chuchoter quelques mots à son Elu. Karen, elle, levait les yeux au ciel dès que son supérieur commençait à partir sur la relation fusionnelle –plusieurs Candidates piquèrent un fard- qui liait un Elu et son Dieu, et pouvait vous donner tous les détails possibles et imaginables sur Horus sans rien vous apprendre sur lui.
Ainsi, après trois heures de cours passionnants et très bons pour les nerfs, ni Aubry ni les autres n’étaient plus avancées qu’au départ, si ce n’est qu’elles savaient qu’Horus n’aimait pas la confiture, le rose et les musiques folkloriques africaines…
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MessageSujet: Re: Fighting Goddess   Fighting Goddess EmptySam 19 Mai - 15:28

~*~


Midi, même jour. Spaghetti à la bolognaise comme plat principal, saucisson –gras et trop épicé- en entrée, yaourt au dessert. La base même du repas universitaire, dont la vue était aussi plaisante que l’odeur, et ne parlons pas du goût.

Ce n’était pourtant pas le pire. Aubry se serait très volontiers contenté d’une nourriture aussi disgracieuse, qui ne dépareillait guère celle du foyer, si seulement elle n’avait pas eu à manger seule ses pâtes trop cuites. Idna rentrait chez elle garder ses petits frères, Mika faisait la tête, et Je-mange-en-silence, le garçon à l’uniforme parfait, était à peu près aussi loquace qu’un mur en béton armé.

Ce qu’il pouvait faire là, ce petit brun à l’air hautain, Aubry l’ignorait : il ne décrochait pas un mot, pas un regard, ne faisait pas un geste envers elle. Ce comportement était pour le moins inexplicable et demeurait tout à fait inexpliqué, d’ailleurs, puisque ni la rousse, ni l’inconnu ne faisaient le moindre effort apparent pour éclaircir ce nouveau grand mystère de la vie. L’une était trop déprimée pour cela, l’autre trop indifférent.

La cloche annonça la fin de la pause déjeuner sans qu’un seul son autre que celui d’une laborieuse mastication n’ai été échangé.

~*~


« Un Dieu est un être profondément sensible et exclusif ! » éructa un Ruelem profondément agacé par une énième question sur le thème des petits amis. « On ne sort pas avec des garçons, on ne se marie pas, on évite de tomber enceinte ! Rentrez ça dans votre petite cervelle, mesdemoiselles ! »

Furibond, l’officier arpentait la pièce du corps comme du regard. Ses talons claquaient sur le carrelage, tac, tac, tac, puis un petit silence lorsqu’il pivotait pour repartir dans l’autre sens. « Un Dieu ou une Déesse n’est pas un chaton ou un chiot, c’est un être plus qu’humain qui exige attention et affection, en plus d’une totale dévotion ! Si vous n’êtes pas capables de le comprendre, prenez la porte et ne revenez pas ! » acheva l’homme, rouge de colère, le bras soudain levé en direction de la sortie en un geste plein d’emphase. Natasha, la jeune Candidate sur qui il pestait depuis plusieurs minutes, s’était recroquevillée sur sa chaise, blanche comme une morte, et ramassa finalement ses affaires, se leva et quitta la salle précipitamment, les épaules secouées de sanglots.

Idna en riait tout bas. Elle avait un peu parlé avec la russe, qui occupait jusqu’alors le rang de quatrième Candidate, et avait appris qu’elle était très attachée à son petit ami, resté dans sa contrée natale… et qu’elle en était sans doute enceinte. Par quelques phrases subtiles, elle avait insinué le doute dans l’esprit de Natasha. Le stratagème avait porté ses fruits : elle avait posé la question fatidique et, angoissée, avait insisté, pour finalement craquer devant un Ruelem si prévisible que s’en était hilarant. Une de moins, et good bye Natasha !

« Lieutenant Tem, veuillez rayer la Quatrième Candidate de la liste, je vous prie. Restent seize Candidates. »

La belle blonde eu un petit sourire satisfait.


~*~


« Ne passe pas par là », fit une voix inconnue alors qu’Aubry s’apprêtait à entrer dans les toilettes de filles. Elle se retourna aussitôt, ou plutôt sursauta tout en pivotant de cent quatre vingt degrés, ce qui équivaut à un mouvement d’une élégance tout à fait ridicule, ironiquement parlant, bien entendu. « Il y a un seau remplis d’encre verte au dessus de cette porte, » expliqua Je-mange-en-silence d’un voix guindée en haussant un sourcil moqueur.

Devait-elle le remercier ? oui lui demander comment il le savait ? Il avait l’air si pédant que l’Américaine avait surtout envie de le gifler, ne serait-ce que pour effacer ce rictus arrogant. Bien sûr, c’était tellement drôle, cette histoire !

« Pourquoi est-ce que tu ne préviens pas le proviseur, alors ? » demanda-t-elle aigrement, les mains sur les hanches et l’œil furibond. Si ce n’était pas elle, se serait une autre, et en quoi serait-ce mieux ?

Je-mange-en-silence lâcha un petit rire amusé, tout en débarrassant sa manche d’une poussière imaginaire. « Tu es vraiment sotte, n’est-ce pas ? Tu n’as jamais entendu parler de sélection naturelle ? » Aubry fit non de la tête. « Les Candidates les plus fortes éliminent les plus faibles. Intelligence, ruse, force de caractère, détermination… celles qui sont prêtes à endurer l’humiliation, la solitude, la pression, ou juste à faire des pieds et des mains pour écraser les autres sans se faire prendre, celles-ci, et bien, ce sont les seules qui peuvent réussir. »

Elle ne pouvait le croire. Elle avait vu ses filles et malgré la haine universelle qu’elles lui portaient, elles n’étaient pas mauvaises, juste… jalouses, ou leurrées. Mais n’était-ce pas normale qu’elles veuillent avoir Horus ?

« Tu pourrais me remercier, au moins ! » siffla-t-il, comme s’il n’avait attendu que ça. Aubry lui accorda un signe de la main en levant les yeux au ciel (bienfait ! ça lui apprendra à l’ignorer). Si elle devait aller jusqu’aux toilettes suivants puis arriver à temps pour rentrer en classe à la fin de la pause, elle avait intérêt à y aller au pas de course… il la rattrapa et, avant qu’elle ne s’en aille, lui glissa : « Ne t’assois pas à ta place habituelle. »

~*~


« La Huitième Candidate, Sovia Elem, ne s’étant pas présenté à l’heure et n’ayant présenté aucun justificatif, se voit éliminée. Restent quinze Candidates. »

Oh. Erika était déçue, sur ce coup. En temps que Cinquième Candidate, elle aurait espéré mieux… la première ou la seconde, ou encore la troisième. Mais la huitième ? s’était toujours une de moins pour la poignarder dans le dos, mais cette Sovia n’avait pas été une concurrente sérieuse. S’il suffisait d’un peu de peinture pour la faire disparaître ! la pauvre petite n’avait même pas osé justifier son absence dans cet état… ts…

Restaient à éliminer Nadja, Idna et Aubry, et Erika serait en tête. Elle n’avait pas l’intention d’abandonner Horus à une espèce d’africaine mal dégrossie, une grande perche avec une cuillère en argent dans la bouche et une petite teigne rousse !

« Veuillez vous asseoir, s’il vous plait. Nous allons commencer le cours. »

Un raclement de chaise se fit entendre, puis un « clang » sonore, suivit d’un cri strident. Erika se retourna en dissimulant un éclat de rire derrière une petite toux. On verrait bien si Aubry resterait en tête après ça… elle s’étrangla dans son rire-toux, car la bien connue chevelure rousse était debout, la surprise peinte sur son visage. Mais si elle était là… alors qui avait eu la chaise cassée ? La lourde silhouette de Ruelem l’empêchait de voir…

« Lieutenant Tem, appelez une ambulance, je vous prie. Capitaine Valmont, vous pouvez retirer la Onzième Candidate de la liste. »

Restaient quatorze Candidates.


~*~


Dîner. Steak haché et coquillettes. Je-mange-en-silence, toujours en face d’elle, ne fit aucun commentaire sur les évènements de l’après-midi. Comment avait-il sut que sa chaise avait été sabotée ? Et pourquoi n’avait-il rien fait ? S’il avait agit, pour le seau et pour le pied cassé, les deux autres seraient toujours là, et personne n’aurait fini à l’hôpital après s’être à moitié brisé le crâne sur un table voisine !

« Je vais chercher du sel. »

Pas de réponse. Est-ce qu’il ne parlait vraiment que quand ça l’arrangeait ? La traversée de la cafétéria se déroula selon le scénario habituel : regards noirs pour les uns, rien du tout pour les autres, à croire que, pour mépriser quelqu’un, on ne pouvait faire que dans les extrêmes. Aubry récupéra la dernière salière et retourna à sa table. A peine assise, Silence-man lui prit le sel des mains et entreprit d’en verser un peu sur sa serviette –aussitôt, le capuchon céda et une jolie petite colline blanche apparut.

« Tu te ferais vraiment toujours avoir… » soupira-t-il en lui tendant la serviette. « C’est pourtant un truc courant. Oh, on dirait que c’est pas du sel, d’ailleurs, » dit-il alors que, ayant versé une goutte d’eau dessus, le produit virait au bleu pâle. « Du sulfate de cuivre anhydre, on dirait. Qu’un a dû en mélanger avec le sel. Ce n’est pas forcément toxique, mais avec une dose importante… »

Aubry se sentit pâlir. Qui serait prêt à aller aussi loin ?


~*~


Petit déjeuné du troisième jour. Mika s’enfila deux tasses de café, le meilleur de la journée : c’était toujours ainsi, d’après Idna, il fallait arriver dès le début du service du matin pour ne pas se retrouver avec du jus de chaussette, et les Dieux seuls savaient comme elle en avait besoin après la nuit qu’elle avait passé, occupée qu’elle était à saboter la serrure de la chambre où logeaient la Neuvième et la Treizième. Ces deux là resteraient coincées, n’iraient pas déjeuner, et encore moins en cours, et seraient disqualifiées d’office. Et deux de moins… Idna serait contente.

Elle ne mangerait pas ce matin là. Mika avait l’intention d’être très jolie le soir du bal, et il parait que ça arrangeait le teint… enfin… il faudrait qu’elle demande à Idna… ce serait idiot de faire une syncope et d’être éliminé pour ça. Un croissant, juste un… Mika quitta la cafétéria en grignotant et fit un petit détour pour passer devant une certaine porte, derrière laquelle une furie tambourinait. Pff. Comme si Neuf pouvait casser une porte avec ses petits poings touts frêles ! Et Treize ne devait même pas encore être levée, cette feignasse. Aucune des deux ne méritait de rester, de toute façon. Juste pour rigoler, Mika tapa un bon coup contre le battant. « Vos gueules, là dedans ! Y’en a qui veulent sûrement dormir ! »

~*~


Petit déjeuné de ce même jour. Erika s’était gavée de barres vitaminées, avait pris un jus de fruit diététique et lissé ses cheveux, comme tous les matins, avant de s’étaler un peu d’anticerne sous les yeux. Pff… il lui avait fallut trois bonnes heures pour réussir à faire avaler ce somnifère à sa camarade de chambre. Mais quelle idée de vouloir se prendre un coca à deux heures du matin ! Au moins, elle était débarrassée de Numéro Six, maintenant. Pauvre petite idiote, croyait-elle vraiment qu’elle pouvait se fier à Erika juste parce qu’elles étaient dans la même chambre ?

~*~


« Capitaine Valmont, veuillez rayer de la liste les Sixième, Neuvième et Treizième Candidates, je vous prie. Restent onze Candidates. »

~*~


Troisième jour, pause de l’après midi. Nadja, troisième Candidate, vérifia portes et serrures avant d’entrer dans les toilettes –les plus éloignés de la salle de classe, sait-on jamais.

La grande noire ne comprendrait jamais la mesquinerie de ses camarades. Peut être était-ce parce qu’elle était bien classée, ou juste parce qu’en Nord-Africa, on n’avait pas pour tradition de magouiller. Trois en une journée… c’était trop. S’il ne s’agissait que de pousser les autres à bout, passait encore, mais ce petit jeu devenait franchement dangereux.

Nadja vérifia la porte de la cabine. La serrure avait l’air normale… la jeune fille souffla. Peut être que tout irait bien finalement, que personne n’allait essayer d’en profiter…
… la lumière s’éteignit et le cœur de Nadja manqua un battement. Non. S’était pas vrai… elle trouva la porte dans le noir, toucha le loquet : bloqué. Elle frappa la porte du plus fort qu’elle pouvait. Saleté ! Elle avait toujours été costaud, autant que les garçons, au point qu’on s’était toujours moqué d’elle enfant, alors pourquoi fallait-il que maintenant, elle ne puisse plus… ?

Nadja hurla, frappa la porte des bras, prête à tout pour ne pas rester coincée ici. Pas moyen… pourquoi fallait-il que les toilettes soient toujours construits en carton, sauf là où on avait vraiment besoin de quelque chose de fragile ? Le souffle court, elle abandonna les coups et se laissa glisser contre la cloison pour se laisser aller à ses pleurs.

~*~


« Cinquante dollars-sion, c’est bien ça ? »

« Cent. Cette fille aurait put me casser le crâne ! »

« Et alors ? Tu étais prévenu, que je sache. »

« Fais attention à ce que je ne décide pas d’enfermer ta Candidate dans un placard quelconque, Sabrovsky... »

« Je te déconseille d’essayer, » coupa ledit Sabrovsky d’une voix sèche, mais son camarade, un grand costaud de première année, ne releva pas. Avec son petit mètre soixante sept, Sabry ne faisait pas peur à beaucoup de monde, mais il était brillant. Pas surdoué, pas vraiment, juste très… et bien… c’était indescriptible. Peut être avait-il ce qu’on appelait de la mesquinerie, ou de la malice, ou les deux. Toujours est-il qu’il pouvait être très retors quand l’envie l’en prenait. « Tu as une petite amie, n’est-ce pas ? »

William Sherem se sentit rougir et détourna la tête précipitamment. « Ouais. Bon, passes tes cinquante bales et casses toi. »

Sabrovksy recompta ses billets et les lui tendit tranquillement. « Tu ne touches pas à Leska, ok ? Et rappelles toi : personne ne doit l’inviter pour le Bal. »

Will prit son argent et tourna les talons sans demander son reste, mais lança néanmoins : « si tu étais le seul qui payait pour ça ! »
En partant, il eut la très nette impression que le petit brun avait froncé les sourcils.

~*~


« La troisième Candidate ne se s’est pas présentée suite à la pause, ni dans les dix minutes de retard autorisé. Veuillez rayer Nadja Aziri de la liste, je vous prie. Restent dix Candidates. »

~*~


Petit déjeuné du quatrième jour.

Mange-en-silence, toujours aussi loquace, ne fit aucun commentaire quant à la tentative d’empoisonnement de l’avant-veille. Aubry avait tourné et retourné le problème dans sa tête, et elle se disait à présent que celui ou celle qui avait fait ça avait dû la voir arriver avant de poser la salière truquée. Si le coupable n’avait pas agi de la sorte, comment aurait-il sut qu’elle allait le prendre ?

Il y avait donc quelqu’un qui lui en voulait. C’était évident : elle était la Première Candidate, ce qui signifiait que toutes les autres filles de sa promo étaient à classer dans cette catégorie, ainsi que leurs familles, leurs amis proches, et sans doute touts ceux qu’elles pourraient se payer. Et Aubry, qu’avait-elle ? Un espèce d’asocial qui ne disait jamais deux phrases d’affilé sinon pour se moquer d’elle ? Une autre Candidate qui aurait tout intérêt à l’éliminer, et qui de toute façon ne logeait même pas à l’Académie ? ou encore, puisqu’on y était, un Colonel bizarre et à moitié cinglé qui n’avait même pas daigné lui rendre visite, alors même qu’elle l’avait vu passer devant l’école le matin même ? Beau résultat ! Et elle était toujours seule pour aller au Bal. Plus que deux jours pour se trouver quelqu’un !

« Manges. »

Aubry releva les yeux vers le garçon, qui la fixait d’un air sombre. Quoi ? Quoi, mange ? « Je n’ai pas faim, » répondit-elle d’un ton péremptoire avec une mauvaise humeur évidente.

« Il faut que tu manges, » dit Silence-man en lui tendant un bol de céréales, qu’elle refusa, un croissant, offre qu’elle déclina en détournant les yeux pour ne pas céder à sa gourmandise, puis il fit apparaître un pain au chocolat de derrière une serviette (mais comment faisait-il ça ? Avec une balle passe encore, mais un pain au chocolat ?), et Aubry ne put s’empêcher d’éclater de rire. Il lui sembla même qu’elle gloussait, et c’est une rouquine empourprée qui accepta finalement de s’abandonner à la tentation. Ce n’était qu’un pain de cafet’, un peu trop sec, mais le chocolat qu’il contenait était encore un peu fondant.
Je-mange-en-silence lui décocha un petit sourire satisfait ; Aubry le lui rendit avec joie.
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MessageSujet: Re: Fighting Goddess   Fighting Goddess EmptyMar 5 Juin - 15:59

Chapitre 6 :
Ligne droite

Cinquième jour.

Une seule Candidate avait été éliminée la veille, et ce n’était pas Aubry.

Depuis que Je-mange-en-silence lui avait révélé le but réel de la présence des Candidates à l’Académie, la petite rousse était devenue paranoïaque. Elle passait son temps à se demander qui complotait dans son dos, qui avait déjà éliminé d’autres filles, et qui resterait jusqu’au Bal. Les épingles blanches avaient fleuri sur presque toutes les poitrines… toutes, à vrai dire, sauf la sienne. Aubry était incapable d’en comprendre la raison : en temps que première candidate, ne devait-on pas rechercher sa présence ?
Apparemment non.

Toute cette histoire tapait sur les nerfs de la jeune fille. Elle ne savait plus vraiment où elle en était, et était à peine moins paumée qu’à son arrivé. Le petit déjeuné fut morose : Silence-man n’était pas bavard, et Aubry ne savait quoi lui dire. Aucun mot ne fut échangé et elle put le détailler en toute tranquillité, car il ne la regardait pas, et elle pouvait le fixer sans qu’il ne le remarque.

Je-mange-en-silence n’était pas beau. Pas laid, mais pas beau : il avait un nez un peu fort, le visage assez long et des paupières tombantes sur les bords. Ses cheveux étaient bruns, si bien que par la vue seule, on pouvait d’office le considérer comme un extra-Sion. Oh, il y avait des exception : Erika était très brune, mais elle avait un nom de sion (mais d’après Idna, sa mère venait de l’ancienne Italie et elle n’était donc qu’une demi-sang). En somme, ce garçon était vaguement moche, un provincial, et en première année qui plus est, ce qui avait le don d’exaspérer Aubry, puisque seuls les troisièmes et quatrièmes années pouvaient inviter les Candidates au Bal.
Autrement dit, Silence-man ne lui était d’aucun secours, si ce n’était pour tester ses salières.

Mais si son… hum… son… son nouvel « ami » lui avait permis d’esquiver l’élimination encore deux fois la veille, Aubry était de moins en moins confiante en ses chances de réussir : elle n’avait toujours pas de cavalier, était la seule dans ce cas, et sans personne pour l’accompagner au Bal, elle serait disqualifiée. Une bien humiliante manière de terminer la compétition…

La déprime des premiers jours commençait à la reprendre. Aubry était sincèrement déçue que le Colonel Irklem, qu’elle avait aperçut plusieurs fois par la fenêtre de la salle de classe, n’ai pas daigné lui rendre visite. C’était incompréhensible ! ce type avait risqué sa vie pour elle, et maintenant, il allait la laisser perdre aussi bêtement ? Elle ne pouvait pas le croire !

Il ne lui restait plus qu’à aller en cours, le cœur lourd et les nerfs à vifs, talons claquants sur le carrelage au rythme de ses pas. Débarrassée de tout esprit combatif, Aubry ne se donnait même plus la peine de garder les épaules hautes. Qu’importe si on la voyait avachie, elle allait perdre de toute façon : le Bal était le lendemain soir, et elle était mal coiffée, sans robe de soirée, et sans cavalier de toute façon. Je-mange-en-silence avait beau lui répéter qu’elle devait rester élégante et gracieuse, ce n’est que quand il lui pinçait les côtes qu’elle daignait se redresser un peu.
Et zut. En plus elle s’était trompée de couloir… elle avait dû prendre l’allée avec les salles de math, alors qu’il fallait longer les labos. Il devait bien y avoir un plan dans le coin, se dit Aubry en soupirant, même si à la limite, être rayée de la liste pour retard en cours ne serait pas si terrible.

Deux croisements plus loin, la candidate trouvait enfin une carte de l’établissement, et elle détesta plus que jamais l’école pour exiger des bâtiments aussi étendus. Elle était partie du mauvais côté, et devrait refaire toute la route en sens inverse, ou passer par un autre chemin qui la mènerait devant la salle des professeurs et le district de l’administration.
Exactement l’endroit où elle n’allait que pour être collée…

Aubry n’avait plus trop le choix : le secrétariat ou la route normale au pas de course ; et elle ne se sentait pas la motivation de courir. La perspective de visiter les quartiers des comptables aux mains crochues (Aubry avait toujours eu peur des comptables. Comment pouvait-on passer sa journée à regarder un billet dans le vert des yeux ?) n’était guère encourageante et la rouquine se tassa encore un peu plus. Quelle tête elle devait avoir !
Nouveau tournant, et une petite planchette « bureau du directeur » apparut. Aubry accéléra pour passer au plus vite l’Antre de la Bête, comme si la seule porte vitrée pouvait le refiler la Peste et la couvrir de boutons. Vingt mètres plus loin, elle pouffa en reconnaissant la puérilité de son comportement, puis éclata carrément d’un grand rire nerveux qui la laissa hoquetant et les yeux larmoyants mais plus détendue. Voilà qu’elle virait folle… mais au moins, c’était bon, elle avait passé le pire du Couloir de la Mort. Elle pouffait toujours en arrivant dans le secteur des arts militaires, une espèce de grand boulevard intérieur bardé d’un long tapis rouge sur lequel se découpait nettement une silhouette en bleu roi, les épaulettes d’argent étincelantes faisant comme deux étoiles sur les épaules, et les barrettes du grade une étrange fleur, comme un unique pixel perdu sur une affiche informatisée.

Il fallut parcourir encore une vingtaine de mètres pour que la tête blonde sur l’uniforme se précise, que le souffle reste bloqué dans la poitrine d’Aubry et que ses joues s’empourpres. Svayl. Bien guindé dans un uniforme impeccable, bottes cirées et cheveux gominés parfaitement tirés, il était l’archétype même de l’officier fédéral jeune, beau, gradé et tête d’affiche.
A ceci près qu’il boitait toujours, quoique beaucoup moins que la dernière fois qu’Aubry l’avait vu. Mais ce n’était pas une excuse, pensa la jeune fille en se renfrognant. Boiterie ou pas boiterie, il aurait dû aller la voir !

Aubry se renfrogna et décida de passer sans le voir. Enfin, soit disant, elle ne pouvait pas ne pas le voir maintenant qu’elle l’avait vu –et zut, elle s’emmêlait dans ses pensées, en plus ! – mais elle pouvait faire semblant. Voilà, elle le snoberait, le menton haut et la mine réjouit.
Sauf qu’elle n’avait pas l’air heureuse, juste là, maintenant, et qu’il remarquerait forcément le changement d’humeur… triple zut, zut et re-zut ! c’était trop compliqué ! Et toute sa détermination fondait comme neige au soleil. Se sentant très bête, Aubry ralentit, boudeuse, et ses yeux s’embuèrent. Saleté de situation de merde.

La gorge nouée, un instant prête à le dépasser en courant pour être enfin débarrassée de la vision d’horreur, Aubry se retrouva sans savoir comment à sangloter dans ses bras, accrochée au bel uniforme plus si bien repassé que ça. Gauche et maladroit, le Colonel eu besoin de plusieurs secondes de temps de réaction avant de refermer –doucement – les bras sur elle. Et encore, quelle belle étreinte, à croire qu’il n’osait la toucher… Aubry voulait lui crier d’y aller, de ne pas avoir peur, elle était tellement moche qu’il ne pouvait rien abîmer, mais aucun mot ne sortit et elle se contenta de s’accrocher à lui en sanglotant.

« Tu… tu devrais aller en classe… » lui dit-il sans assurance, comme gêné de son comportement. Et bien quoi ? ses amies l’abandonnaient, les autres la détestaient, on voulait se débarrasser d’elle par tous les moyens possibles et imaginables, et elle devait se réjouir, être guillerette et heureuse ? Basta ! elle en avait marre ! « Accompagnez moi au Bal, » répondit Aubry en retirant son nez de la veste bleue, dardant son regard brun sur celui, bleu, du Colonel. « Je sais que ça ne se fait pas qu’une candidate demande, mais accompagnez moi ou je serai éliminée ! »

Irklem resta abasourdis, et Aubry se dit que décidément, il était tout sauf réactif, ce type. Enfin, il rougit, détourna les yeux et toussota. « Je ne peux pas. Je suis désolé. »

« Pardon ? » répondit Aubry d’une voix blanche. « Comment ça vous ne pouvez pas ? » demanda-t-elle, la voix commençant à partir dans les aigu. Irklem la lâcha complètement et recula même d’un pas. « Vous m’enlevez, » dit Aubry en levant un doigt, « puis vous me forcez à supporter votre conduite, » elle leva un second doigt et s’approcha d’un air aussi menaçant que possible, qui le fit en reculer, « je me fais presque tuer par des Atlantes, » troisième doigt, « puis je fais le voyage le plus désagréable de ma vie dans un mecha customisé à l’arrache, » quatrième doigt, « ensuite je dois supporter toutes les magouilles des candidates, et enfin ! » cinquième doigt, « et enfin vous me dites que vous ne POUVEZ PAS m’accompagner à un PUTAIN DE BAL ? » acheva-t-elle, le regard furibond et les poings serrés. Le colonel dégluti, inspira, puis : « J’y vais déjà avec ma fiancée. Je suis désolé. »

Fiancée.

Fiancée. Le mot résonna dans la tête d’Aubry comme un marteau sur une enclume. Fiancé. Il était fiancé. Et elle qui croyait, juste parce que c’était (soit disant) sa mère qui lui avait téléphoné, que peut être… quelle idiote ! et quelle idiote de s’attacher à un homme qu’elle ne connaissait même pas, qui était bizarre et tordu et… idiote, idiote, idiote ! « Votre fiancée ? » répéta Aubry d’une voix blanche en se retenant de pleurer. Non. Si même Irklem la laissait tomber, alors elle pouvait déjà faire ses valises ! « Qui ? » Il regarda ailleurs avant de lui répondre. « Idna, la seconde candidate. »

Le cœur d’Aubry descendit instantanément sous la barre des 0 degrés…Fahrenheit. C’était trop dans la même minute. Svayl fiancé. Svayl fiancé à Idna.
Idna qui ne portait pas d’alliance.
Idna qui ne lui en avait même pas parlé.
Ça tombait sous le sens : Idna ne lui faisait pas confiance, Idna lui avait mentie.

Glacée, la rouquine tourna les talons sans rien dire et s’apprêta à repartir d’où elle était venue. Pourquoi retourner en cours ? Elle n’y verrait que la tête de pouffiasse d’une Idna victorieuse. Aubry avait déjà perdu de toute façon… Svayl –non, le Colonel Irklem- l’attrapa par le bras, mais elle esquiva son regard. « Tu dois retourner en cours. Tu ne peux pas échouer maintenant ! » D’un geste brusque, elle se dégagea et reprit sa route d’un air absent. J’ai échoué quand je suis tombée amoureuse de vous, mon Colonel , pensa-t-elle avant de s’enfuir, les larmes aux yeux, de vous et d’Idna.

~*~


« Vous pouvez être content, Mon Colonel. Sans Leska, votre favorite reste première en course, je présume, » coupa Sabrovsky alors qu’Aubry disparaissait. A l’angle d’un embranchement, une dizaine de mètres à l’opposé de la direction prise par la jeune fille, le jeune homme avait dû entendre toute la scène sans daigner se montrer.
Et il s’en amusait : son plan marchait comme sur des roulettes. « Je ne vois pas ce que vous voulez dire, » répondit Irklem tout aussi sèchement. Ah, tiens ! il était beaucoup moins effarouché, d’un coup, et retrouvait un peu de sa répartie.

« Mais c’est évident, » dit Nikita d’une voix doucereuse. « Vous êtes fiancé à Idna Rekvem, et bien que vous n’ignoriez pas que la voir remporter la compétition ruinerait votre mariage, vous espérez qu’elle pourra vous arranger une promotion. »

Le teint du blond vira au rougeâtre et une expression très déplaisante tordit ses traits, comme s’il s’étouffait d’indignation. « Je ne vous permets pas ! Comment osez vous insinuer que… »

« Je n’insinue pas, » l’interrompit Sabrovsky avec une nonchalance qu’il savait agaçante. « J’affirme. Vous avez, tous les deux, prit beaucoup de soin pour séduire une enfant innocente, sachant pertinemment qu’à son âge, la plus petite babiole amoureuse suffirait à la démolir. Ceci étant fait, il ne reste qu’Idna, et donc v… » les mots lui restèrent dans la gorge lorsque son dos heurta durement le mur derrière lui. Tss. Alors Irklem s’énervait assez pour oser le plaquer contre la magnifique tapisserie du couloir ? Quelle politesse exemplaire, pensa moqueusement Nikita. « C’est faux. C’est faux, vous entendez ? Ni Idna ni moi n’aurions organisé une telle chose ! Notre mission est de soutenir Aubry, pas de l’enfoncer, ce qui est arrivé était une… »

« Une erreur ? » siffla Sabrovsky entre ses dents sans se soucier des poings du colonel sur le col de son habit, « c’est facile à dire pour vous. Si vous êtes sincère, réparez ce que vous avez fait ou vivez dans la honte ! »

Un tel défi à l’honneur de l’officier ne pouvait s’évaporer comme des paroles dans le vent. Irklem lâcha le brun, mais son regard était dur et sa mâchoire contractée. Enfin, il céda le premier et détourna les yeux, laissant Nikita très satisfait de lui-même. Petit Sion imbécile ! Ils se croyaient si supérieurs, mais ni leur intelligence, ni leur volonté n’était aussi glorieuse qu’ils l’affirmaient. « Et qu’est-ce que vous voulez que j’y fasse, maintenant ? »
Gagné. Se débarrasser d’Idna l’Intouchable serait beaucoup plus simple que prévu, et avec l’aide d’Irklem, Aubry distancerait sans mal ses adversaires.

« C’est simple. Vous êtes Colonel et vous accompagnez la Seconde Candidate. Il serait humiliant pour la Première Candidate d’avoir un cavalier moins gradé que vous. »

Il comprenait, Nikita le voyait à son regard : laisser Idna ou… « Faites marcher vos relations. Un Général, ce serait excellent. Cela ne devrait pas être trop difficile pour vous. »

Irklem acquiesça. Sabrovsky avait gagné : Aubry serait la Candidate la plus gradée par le titre comme par le rang de son cavalier, ce qui constituerait la plus évidente preuve de sa supériorité, et un Général pourrait sans peine passer par-dessus son absence en cours, qui la mettait à l’abri d’Erika pour le reste de la journée. Quoi que fassent les autres, la compétition était terminée, et Nikita ne pouvait que féliciter Idna pour avoir laissé traîner ainsi sa pièce la plus précieuse…
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MessageSujet: Re: Fighting Goddess   Fighting Goddess EmptyVen 15 Juin - 10:01

Chapitre 7 :
Jour de jugement



Tatatata, svrooooooooooooooooom, tatata et pshhhhhhhhh. Un gros « boum » et le Random14 ennemi explosa dans une germe d’étincelles pixélisées, la barre de vie réduite au zéro butoir. Un énorme « Level Completed, Bravo ! » d’un rouge sanglant s’étala sur l’écran, puis le décors clignota, s’assombrit et disparut, remplacé par un page pleine de chiffres et de lignes colorées. XP pilote, XP commandement, PV mecha… autant d’appellations en lettres blanches et lumineuses qui blessait les yeux fatigués d’Aubry, sans qu’elle songe à les fermer.

C’est ce qu’elle avait fait toute la journée, de toute façon. Appuyer sur les boutons de la console, se scier les mains sur le joystick trop dur de la salle de jeu. Elle avait perdu, s’y était fait, et avait fugué le matin même de ce sixième jour pour aller se promener.

Les façades blanches jetaient leur richesse à ses yeux, comme une insulte à le fierté qu’elle avait encore. Toits magnifiquement ouvragés d’ardoise fine pour l’un, de tuiles rouges pour l’autre, portes recouvertes d’un perron à colonnades ou fontaine au bout de l’allée de gravier, tout lui criait : étrangère ! S’en était trop, les roses rouges soigneusement alignées étaient à elles seules un poignard qui ne pouvait que se retourner dans la plaie. C’était là tout ce qu’elle n’aurait jamais, le luxe, l’argent, la reconnaissance…

Au bout de la longue avenue de l’Université, Aubry trouva une station de métro, passa en fraude sous la barrière à composter quand le gardien ne regardait pas, monta dans la première rame. Et floush, floush, le bruit du long tube qui flottait au dessus de la voie, porté par un puissant champ magnétique. Floush floush, le métro qui s’en allait loin de l’Académie, dans le noir de la terre, et toujours floush floush quand il sortit des ténèbres pour longer le Parc Lesandre le Grand. Enfin, l’arrêt suprême, la sortie des derniers passagers et la voix aseptisée au micro : « Terminus, London Bell Street. »
Changement de voie. Un vrou, vrou, cette fois : rame sur roues et rails, wagon gris cendre aux fauteuils miteux. Pas besoin de carte, il ne pouvait aller que dans le quartier pauvre, celui où logeaient les dactylos du bas de la hiérarchie, les hommes et femmes à tout faire, tous ceux qui étaient nécessaires au fonctionnement de cette capitale luxueuse, et donc le haut du panier ne voulait rien savoir.

Terminus, district de Ne’ town, disait un écriteaux où il manquait un « w ».

New Town était une ville sous la ville. Le quartier entier siégeait sous terre, quelque part sous un quelconque complexe gigantissime, à en juger par le bourdonnement constant, léger mais obsédant, qui s’échappait du « ciel ». Univers nocturne par excellence, les rues étaient éclairées en permanence par des lampadaires jaunâtres, les néons de vitrines et un espèce de plafonnier blafard qui s’efforçait de cracher une maigre lumière. Il n’y avait pour ainsi dire pas de ciel : les immeubles les plus hauts étaient soudés au plafond, les plus bas étaient couverts d’antennes et de paraboles, dont l’utilité était quelque peu obscure pour Aubry. Il n’y avait pas de place pour des voitures, ce qui était prohibé dans cet univers clos, mais on entendait pétarader quelques motocyclettes clandestines. Il régnait une senteur étrange, mélange de pot d’échappement, de ferraille et de parfait « forêt de pin » artificiel.

Celui qui avait voulut faire de New Town une ville s’était trompé. L’endroit ressemblait à un espèce de ghetto à la Chicago de l’ère chrétienne, mais plongé dans la nuit en permanence –une nuit où les boutiques étaient toujours ouvertes, où on trouvait des enfants dans la rue vingt quatre heures sur vingt quatre, et où la vie n’attendait jamais un jour qui ne viendrait pas. Les pubs miteux à l’ambiance fumeuse côtoyaient le lavatorium, le sexe shop, une boutique de vêtements utilitaires ou une librairie d’occasion. A un coin de rue, un garçon en jean troué vendait de la came en fumant une clope à l’étrange odeur.
Pas une ville, non, mais Aubry se sentait étrangement chez elle dans ce dortoir-quartier à l’allure anachronique.

Elle devait avoir l’air piteuse et triste, car le garçon à la came l’invita à « en boire une » au « café d’en face ». Elle n’avait rien d’autre à faire et le suivit ; il avait les cheveux blonds et courts, le visage blafard à la lumière de l’éclairage public, mais la voix remarquablement nuancée, comme pleine d’intelligence.

Le café d’en face était trois rues plus loin, avec juste une porte vitrée qui avait l’air de sortir d’une décharge et d’avoir été repeinte ensuite. Orange vif, elle jurait avec une façade qui avait dû être verte. L’intérieur mêlait des murs couverts de fausse fourrure de panthère rose et des fauteuils défoncés aux longs poils jaunes. Une couche fumeuse séparait l’éclairage aux néons bleus d’une salle petite qui ne ressemblait à rien de ce qu’Aubry avait put voir par le passé. Le blond l’installa dans un coin et disparut. A l’autre bout de la pièce, trois jeunes végétaient, entourés d’un épais brouillard bleuâtre à l’éclairage. Le garçon revint avec des verres à peu près propres, une espèce de bière dans chaque.

Plus tard, ils atterrirent dans la rue sans trop savoir comment. Ils avaient dû fumer quelque chose, ou alors c’était l’alcool, parce qu’Aubry n’avait plus les idées très claires et qu’il lui semblait même qu’elle ne marchait pas très droit. Il l’assurait qu’il y avait de quoi s’amuser trois rues plus loin, et l’emmena dans une salle de jeu « dont il connaissait le patron » et qui les laissa jouer toute l’après midi sur sa meilleure machine, un Titan Simulator 43 qui devait à peine avoir vingt ans. Quand enfin vint « le soir », c'est-à-dire quand débarquaient tous les travailleurs de la « journée d’en haut », le gérant les chassa et, les yeux rougis d’avoir trop regardé l’écran, ils s’écroulèrent sur la pavé du trottoir en riant et en commentant leurs exploits numériques. Puis, vaseux, ils étaient allés s’incruster dans un cinéma douteux, mais personne ne demanda à Aubry ce qu’elle faisait dans une salle qui n’était évidemment pas de son âge.
Tout le monde s’en fichait, et entre ceux qui se tripotaient et ceux qui étaient complètement sidérés par l’écran pourtant pas fameux, il ne restait plus grand monde pour s’apercevoir qu’ils étaient là.

Ah, journée de liberté, étrange et indéfinissable… rien de tout cela ne semblait réel. Ni les lampadaires à la place du soleil, ni le bars avec des murs en fourrure, ou encore ce cinéma sans sièges où ont se posait sur les poufs en essayant de voir plus qu’un morceau de fesse entre les têtes des autres.
La journée s’acheva sans douceur quand une poigne féroce et solide vint agripper le bras d’Aubry, la tirant de son rêve évaporé et éveillé jusqu’à ce que, débout sur ses pieds, elle se rende compte qu’on la tirait sans ménagement vers la sortie. Incapable de voir qui était son agresseur, elle ne fut pas surprise de voir que personne ne s’était interposé.

La lumière crue de l’entrée du cinéma la fit papillonner des yeux alors que les mains, imparables et bien trop vives pour elle vu son état comateux, rectifiaient sa tenue sans se soucier de son confort. Toujours clignant des paupières, Aubry se rappela qu’elle portait encore l’uniforme des candidates, et se dit que quelqu’un pouvait s’en être aperçut… on avait dû appeler l’armée pour prévenir qu’elle se baladait là…

Aubry fixa son regard un peu flou sur le (la ?) propriétaire de la main, mais, éblouie, elle ne distingua pas grand-chose de plus précis qu’une tache jaune sur une tache blanche. Bon. Un vêtement bleu, marqué d’argent sur les bords –enfin, le haut, ou les bords du haut…
Uniforme ?
Bon, elle pouvait retourner pioncer, alors. On ne pourrait rien lui faire de pire que de la renvoyer dans son foyer pour orphelins, de toute façon.

~*~


La suite : des brumes, un semblant de sommeil, ou peut être un simple assoupissement. Des heures ou des secondes plus tard, Aubry retrouva plus ou moins l’usage de ses sens : d’abord, le moteur d’une berline de Sion, comme on en entendait que dans les films. Profond, riche, symbole à lui seul de toute l’aristocratie de la Fédération.
Il lui sembla qu’elle rêvait.

Après ses oreilles, son nez s’éveilla. Une odeur d’homme, de vêtement propre, et un peu de cuir, mais aussi de fumée, d’alcool, sueur et poussière. Son odeur à elle, celle de sa journée passée : le bar, la came avec le garçon, la console de jeu et le cinéma pour adultes… soupir, qui sonna étrangement à ses oreilles. Avait-elle la voix éraillée ?

Aubry bougea un doigt et retrouva sa peau. Elle sentait le cuir d’un fauteuil contre l’un de ses genoux, là où ni la jupe ni la chaussette haute ne cachait la peau. Sa joue reposait sur un tissu en drap, un peu rêche mais pas râpeux.
Ses paupières virèrent au rouge et elle se recroquevilla. En cette saison, le soleil ne se couchait pratiquement jamais sur Sion. En haut, c’était le jour, bien loin de la nuit si irréelle d’en bas. Une main rassurante vint se poser dans ses cheveux, elle se tourna et enfoui son visage dans le tissu rêche-mais-pas-râpeux avant de se rendormir.

~*~


On la déposait sur quelque chose de mou, mais Aubry avait encore sommeil et ne fit aucun effort pour ouvrir les yeux. Tel un sac à patate, elle se laissa installer sans bouger, molle comme une poupée de chiffon, inanimée. Toujours cette odeur de fumée qu’elle se traînait mais, par-dessus, des fleurs et de l’orange, le bois ciré… Aubry prit bien garde à ne pas bouger les narines alors qu’elle reniflait avec application dans un vain effort de savoir où elle se trouvait sans avoir à ouvrir les yeux. Une petite partie de sa conscience lui soufflait d’avoir l’air endormie. L’autre partie acquiesçait avec plaisir, arguant que c’était le mieux pour ne pas se faire gronder.

Elle entendait des pas sur le parquet, ceux de deux personnes. Lourds, talons claquants comme ceux des chaussures des militaires, ils étaient tout ce qu’il y avait de masculin, dépourvus de la grâce de ceux des femmes qui, perchées sur des talons plus fins, produisaient un son plus aigu.
La curiosité remplaça la surprise, mais Aubry se contraignit à rester « endormie ». Elle bougea un peu, et son nez toucha quelque chose, dont elle supposa que c’était le dossier d’un canapé, et se détendit un peu en espérant qu’on ne verrait pas visage.

Un soupir, mâle et grave, fut le premier son humain à atteindre ses oreilles. Une voix inconnue, ou non, connue mais dont elle ne pouvait pas se rappeler, plutôt. « Elle est vraiment intenable, » fit la voix. « Jusqu’au bout elle me donnera de belles frayeurs, je crois. »

Raclement de chaises.

« Je suis désolé. Je crois… » Svayl ? « Non, ce n’est pas de ta faute. Tu l’as retrouvée, c’est déjà pas mal. »

Silence.

« C’est bien que tout ça soit bientôt fini. Tu pourras prendre des vacances, te reposer avant ton opération… »

Nouveau silence.

« Je préfère ne pas en parler. »

Nouveaux bruits de pas, des verres qui tintent. « Whisky ? » « Non merci, je conduis. » Les pas, encore, et une chaise. « Comment est-ce qu’Idna prend tout ça ? »

« Mal. »

« Oh ? »

« Elle me reproche d’avoir des vues sur Flee. »

« Sottises, allons. Tu es quelqu’un de beaucoup trop professionnel pour ça. Limite coincé, aurait dit Aubrenne, d’ailleurs. »

« Gentil pour moi. Mais ce n’est pas ce que pense Idna. »

Silence. Aubry, frustrée que la conversation s’arrête ainsi sans préavis et sans combler sa curiosité, étouffa la pointe de culpabilité qu’elle avait à espionner ainsi.

« Peut être que tu devrais la demander en mariage, » dit l’inconnu lentement, comme s’il en doutait un peu. « Vous êtes fiancés depuis plus de deux ans, maintenant. Ce serait bien… » « Non, » coupa Svayl, avec une certaine détresse. « Non, je ne peux pas. Pas maintenant, pas avant l’opération. Je ne veux pas lui imposer un mari mutilé... » « Tu y vas fort. C’est n’est pas comme s’il te manquait une jambe. » « Je suis aveugle ! »
Silence. Aubry se mordit la lèvre. Pourquoi fallait-il qu’elle soit émue par le désespoir qu’elle sentait dans ses paroles ? pourquoi fallait-il qu’elle ai été heureuse quand il avait admis ne pas vouloir épouser Idna ?

« D’un œil, Svayl, d’un œil. Et ça aussi, on le soignera. On a put reconstruire ton visage, te faire marcher de nouveau, reste cette claudication qu’on va arranger d’ici à quelques semaines. Nous ne sommes plus pendant l’ère sombre, bon sang, reprends toi ! »

Pas de réponse.

« Prends des vacances. Si je découvre que tu n’as pas fait comme je te l’ai dis, je te foutrais moi-même en arrêt, compris ? »

Pas de réponse. Juste un soupir.

« Pour ta question d’hier, au fait. C’est oui. Maintenant récupère ta candidate et par pitié, fais lui prendre une douche ! »
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MessageSujet: Re: Fighting Goddess   Fighting Goddess EmptyVen 15 Juin - 10:01

~*~


Aubry avait dû s’endormir, car son premier souvenir fut une giclée d’eau glacée. La trombe s’écrasa sur son crâne, impitoyable, s’insinuant dans les cheveux, derrière les oreilles et dans son cou. Encore toute amollie, elle ne parvint à opposer aucune résistance à celui ou à celle qui lui imposait un tel traitement.

Les paupières closes, elle se laissait shampouiner par des mains fermes et pas très gentilles, mais qui n’essayaient pas de faire mal. Une nouvelle douche froide lui rinça la tête et on lui jeta une serviette éponge. Le temps qu’Aubry la fasse descendre sur ses épaules, des pas furieux s’étaient éloignés de la baignoire, et la rouquine fixa, très stupidement il faut bien le dire, la porte ouverte de sa salle de bain. De l’ouverture lui parvenaient divers éclats pas vraiment compréhensibles, jusqu’à ce qu’une voix (mâle et plutôt enfantine) ne rétorque avec une panique presque totale : « Mais qu’est-ce que je fais si je la vois toute nue ? »
Mais quelle éloquence, Léta, vraiment… y avait-il un autre garçon dans toute la Fédération qui puisse avoir l’air si terrorisé rien qu’à l’idée de voir une fille enroulée dans une serviette ?

« Bougre d’abruti ! » répondit Charity, « Je te demandais de m’apporter la robe, pas d’aller te rincer l’œil ! Mais puisque c’est ça, donne, je vais me débrouiller… » et les pas furieux revinrent, accompagnés d’une jeune fille en pantalon d’uniforme, très semblable à celui de Svayl : les bottes noires et cirées, le tissu bleu roi du vêtement… et chemise blanche aux manches retroussées, la veste étant sans doute resté dans la chambre. Sur le bras droit de Charity reposait un tissu rouge, et Aubry préférait ne pas savoir ce que c’était.

« Bon, réveillée à ce que je vois, » fit Charity avec une certaine appréciation en claquant la porte avec son pied. « C’est bien, j’aurai pas à te donner des claques. Allez, hop hop hop, debout, tu es en retard ! »

En retard pour quoi ? ce fut le regard que lui lança Aubry : la plus totale incompréhension. Charity la fixa un moment, puis, avec indulgence : « C’est la morphine du dentiste que te fais cet effet. » « Quel dentiste ? » « Celui que tu es allée voir en urgence pour ta rage de dents. »
Ah. Une rage de dents.
« Oui, ce matin, un élève de première année –un certain Sabrovsky, il a dit que tu avais une rage de dents et que le Colonel Irklem t’avais emmené en urgence chez le dentiste. Une absente validée par l’armée n’est pas éliminatoire et le Colonel peut être considérer comme une source fiable. »
Ah bon. Encore mieux.
« Mais il y avait beaucoup d’attente et le dentiste n’a pas pu te prendre sans rendez vous, et ensuite il y avait des bouchons, donc tu n’as pas pu participer aux cours de la journée. Mais maintenant que tu es là, il faut que tu te dépêches si tu ne veux pas arriver en retard pour le bal, d’autant que ton cavalier en serait très vexé. »

Charity n’en était même pas à la moitié de sa tirade qu’Aubry avait déjà la bouche ouverte comme un poisson rouge hors de l’eau. Alors là… chapeau à ce Sabrovsky et à Irklem, vraiment ! Inventer une telle histoire pour camoufler sa disparition !
S’aurait été utile si elle avait eu quelqu’un pour l’accompagner. Dommage pour eux. Aubry, elle, elle allait se coucher et puis c’est tout.

Charity n’était pas de cet avis. Voyant qu’elle ne bougeait pas, elle la choppa sous les aisselles et la sorti de force de sa douche puis, avec moult soupirs, entreprit de la frotter énergiquement avec la serviette, jusqu’à ce qu’Aubry parvienne à la convaincre qu’elle pouvait y arriver toute seule.

Il fallut ensuite enfiler la robe, sans l’abîmer si possible, mais Aubry aurait été bien en peine de le faire : jamais elle n’avait porté quelque chose d’aussi luxueux ! Charity lui expliqua que la Fédération donnait une bourse aux Candidates aux moyens limités pour l’occasion, mais que certains personnes avaient rajoutés des sous pour que la robe soit plus jolie. En rougissant, Charity ajouta que Léta avait vidé sa tirelire et dépensé tout son argent de poche pour lui acheter les chaussures, ce qui fit pouffer Aubry.

Charity mettait tant de cœur à l’habiller qu’Aubry préféra ne pas lui dire qu’il n’y aurait de toute façon pas de bal. C’était même à se demander pourquoi Svayl avait fait l’effort d’aller la retrouver. Qui s’en soucierait, de toute façon ? Mais elle remerciait Léta de n’avoir pas choisit des talons trop hauts, même si le rouge n’était pas tout à fait le même que celui de la robe.

Charity lui avait expliqué que le Bal était une étape importante de la sélection pour tous les Classe A. Les Candidates étaient sensée montrer leur prestance, leur intelligence, et plus elles s’affichaient avec un cavalier gradé, plus elles apparaissaient comme dignes de la haute société. D’après Charity, les Classe A étaient toujours entre les mains de pilotes déjà officiers au moment de leur candidature ou de fils et de filles de la haute société. Il y avait eu des exceptions, bien entendu : des élèves brillants ou même des troisièmes ou quatrièmes Candidates que, sur le coup, le Dieu avait préférées aux premiers. Mais d’après Charity, l’égocentrisme de la haute société voulait que les riches de Sion se sentent très vexés par ce genre de choix, et que finalement ils se lassent de médire et oublient.

« Le plus important, c’est de plaire aux hauts responsables de la Section Deus. Les généraux, en particulier, et les Elus qui seront là. Le Commandant Ruelem, sûrement, même s’il traite tous les nouveaux élus comme des débutants, et peut être le Général Shenyang avec Tianlong. Ce serait vraiment bien si elle t’appréciait, parce que c’est une grande héroïne et que tu pourrais peut être servir sous ses ordres. » Charity continua pendant un moment à citer divers Colonels, Capitaines et autres Elus assez connus de l’armée, mais Aubry ne connaissait même pas la plupart des dieux qui leur étaient associés. Finalement, Charity lui expliqua qu’il fallait surtout qu’elle fasse bonne impression au Général Cloyd, qui dirigeait la section Deus. « Si tu lui plais, » avait-elle dit, « alors tu seras sûre d’avoir Horus. »
Aubry ne savait pas encore si elle n’aurait pas préféré qu’il la déteste…

~*~


Dix-huit heures tapantes dans le hall. Les sept Candidates restantes (une dernière, la Dixième, avant été élimine le matin même), alignées en tenu de soirée, recevaient les dernières recommandations du Capitaine Valmont qui, pour l’occasion, avait revêtu une robe de brocard brun et or, les couleurs d’Horus. « Tenez vous bien, » leur dit-elle d’une voix grave, « votre conduite de ce soir vous assurera soit un grand avenir à Sion, soit la dégénérescence dans les bas quartiers. Soyez dignes, élégantes, gracieuses et intelligentes, mesdemoiselles. »

Bas quartiers ? pff. Pour Aubry, New Town était un lieu beaucoup plus fantastique que Sion elle-même. Il y avait, dans cette banlieue souterraine, une sorte de romantisme qui manquait à la ville huppée du dessus.

Toute cette histoire avait l’air d’être une belle mascarade. Idna était très belle, en robe blanche à perles, la chevelure artistiquement roulée. Elle était, comme à son habitude, maquillée avec le meilleur goût et semblait particulièrement à l’aise sur ses escarpins. Ses mains, gantées de soie blanche, reposait avec un calme olympien, et son visage était souriant et serein. Erika, à son côté, portait une robe d’un violet intense, beaucoup plus courte que celle, très classe, de la Seconde Candidate. Bien qu’Aubry sache qu’elle n’était guère plus âgée qu’elle, Erika portait déjà le fuseau à merveille, et son décolleté faisait crever d’envie la rouquine.
Les autres affichaient des tenues tout aussi luxueuses. Au velours d’Erika se substituaient satin, soie, perles et même collier de diamant pour la douzième, qui était la nièce d’un grand Secrétaire d’Etat. Seule Mika, en robe verte assez sobre, et Aubry elle-même, ne pouvaient se vanter de porter du sur mesure.

Karen leur expliqua ensuite qu’il était « traditionnel » que les Candidates les moins bien classées prennent place en premières dans les limousines avec leur cavaliers, et que les premières arrivaient en dernier à l’opéra où auraient lieu les festivités. Ensuite, c’était le contraire : les mieux classées entraient en premier dans la salle de Bal et la Première Candidate ouvrait les danses.
Aubry dégluti.
Idna souriait toujours et lui lança un regard en coin, qui suffit à Aubry : Idna savait qu’elle n’avait aucun cavalier. Elle était fichue.

Karen appela d’abord celui qui accompagnerait Mika. C’était un troisième année assez beau, l’air à la fois sûr de lui et intelligent, qui la salua avec beaucoup de respect, bien qu’elle ne soit que la dernière. Elle accepta le bras qu’il lui présentait et quitta le hall sans un regard pour les autres filles. Les seizième et septième candidates partirent également au bras d’un élève, et mais Aubry trouvait qu’aucun n’était mieux que le cavalier de Mika.
La douzième partait avec un Capitaine qui était, dit-on, en poste d’administration sur Sion. C’était un mariage arrangé, prévu pour l’été, et ils se montrèrent courtois mais froids l’un envers l’autre. Erika sembla particulièrement fière lorsqu’un jeune colonel pimpant qui la dévorait des yeux vint la récupérer. De presque vingt ans son aîné à en juger par son visage, Aubry lui trouva l’air bête et des yeux de poisson, ce qui n’empêcha pas la brunette de l’exhiber à son bras comme un diamant.

Restaient les premières et secondes Candidates. Idna lui jeta un coup d’œil furtif qu’Aubry ne manqua pas, pas plus que le petit sourire qui l’accompagna à l’entrée de Svayl, qui avait l’air aussi réjoui qu’un glaçon sur la banquise. Très raide, il prit un soin démesuré à ne pas regarder Aubry, et son empressement à saluer Idna était quelque peu suspect. La blonde sembla le remarquer mais ne fit pas de commentaires ; au lieu de cela, elle se raidit aussi, darda un regard vénéneux sur Aubry avant de quitter la salle.
Irklem ne l’avait même pas effleurée d’un coup d’œil.

Il ne restait plus qu’elle. Maintenant, elle n’avait plus qu’à avouer à Karen que personne ne l’accompagnerait et qu’Idna serait celle qui ouvrait le Bal. Oh, comme elle aurait dû se défier des règles et demander à cet espèce d’asocial qui mangeait avec elle le matin ! Elle aurait eu l’air bête, mais au moins elle n’aurait pas été éliminée.
Karen regarda sa montre.
Aubry prit une grande inspiration et rassembla son courage pour lui dire la vérité.

« Excusez mon retard, » fit une voix qu’elle avait déjà entendu, « un soucis de dernière minute. »

Aubry se rendit compte qu’elle avait oublié de relâcher sa respiration.

« Ce cher Colonel Irklem est vraiment un vile menteur ; il m’avait assuré que vous étiez jolie, mais c’est bien dessous de la réalité. Vous êtes magnifique, très chère. »

Le Général Preston Cloyd lui présenta son bras, qu’elle accepta avec maladresse.
Elle allait au Bal.
Elle allait au Bal avec un Général.
Elle allait au Bal avec le Général qui commandait la Section Deus et que Horus appréciait.
Et ce Général la trouvait magnifique.
Et Svayl avait dis qu’elle était jolie.

La vie était belle.
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MessageSujet: Re: Fighting Goddess   Fighting Goddess EmptyDim 15 Juil - 16:28

Chapitre 8 :
Entrée en scène


Tout était magnifiquement aveuglant. Le cuir luxueux de la limousine, les vitres teintées, les lampadaires clignotants sur la grande rue… les astres synthétiques, au sommet des bulles, avaient laissé place aux étoiles, et l’avenue principale de la capitale s’ornait à présent de ses propres atours : vitrines de luxe aux robes de satin et de soie rouge, bancs en fer forgé logiquement surmontés de couples en vison et costumes sur mesure… Sion reprenait son visage de conte de fée, avec les lampions colorés et les princesses à tous les coins de rue.

Aubry dévorait des yeux toutes ces merveilles amoncelées, cette perfection… c’était vraiment idiot, pourquoi Idna, Erika et les autres voulaient-elles s’enterrer dans un cockpit pourri alors qu’elles avaient toute cette magnificence autour d’elles ? Surtout Idna, quand on avait en plus un beau fiancé bien fichu et avec des fesses sans doute plus divines que celles d’Horus, de l’argent à ne plus pouvoir le compter, non mais franchement…
Et puis de toute façon, Aubry allait gagner, et Idna resterait dans ses robes de soirées à faire des poutoux à Svayl, et quand elle, elle serait de permission, il irait tromper Idna avec elle et nah, ce serait bien fait !

« Regardez, regardez ! » fit Aubry en montrant une enseigne or et rouge, « vous avez vu ! Vilton Paris ! On en avait un à Seattle, mais tout petit et sans le doré, et une de nos profs avait eu un bracelet V.P pour son mariage, son mari avait vendu sa voiture pour l’acheter ! »
A son rire candide répondit celui, amusé, du Général ; mais Aubry ne vit pas son sourire attendri.

« Et là ! Encore un, encore un ! Est-ce que les gens de Sion ont tellement d’argent qu’ils peuvent faire marcher toutes ces boutiques ? » demanda la rouquine en se détachant de la vitre teintée, le regard pétillant. « Pas tous, » répondit Preston Cloyd en souriant. « Mais Sion est une très grande ville, bien plus étendue que Seattle, alors même si seule une minorité peut acheter régulièrement dans ces boutiques… et bien, disons que c’est déjà une grosse minorité. »

« Ah, » répondit Aubry après avoir cligné des yeux, pas très sûre d’avoir compris. « Et vous croyez que je pourrai m’acheter des bracelets V. P quand je serai avec Horus ? »
Ce fut au tour du Général d’avoir l’air surpris. « Mais pour quoi faire ? »

~*~


Le Colonel Vayne Tariam n’avait jamais été quelqu’un d’ambitieux. Pas plus qu’il n’avait été chanceux. Il était assez laid, surtout pour un Sion, mais se savait assez intelligent, et doué pour ce qu’il aimait faire : des photos.
Vayne prenait du grade en faisant des photos. Oh, ce n’était pas le genre de carrière qui vous faisait Général, et de toute manière, il se fichait du rang. Non, ce qu’il aimait plus que tout, il l’avait sur un mur entier de son appartement : ses meilleurs clichés de tous les couples divins qu’il avait immortalisés.

Erika était différente.

Jeune mais sensuelle, la Troisième Candidate avait un profil magnifique. Vayne était aussitôt tombé sous le charme et avait renoncé à son rôle de photographe pour le Bal. Idna était belle, oui, mais Erika…

Elle l’ignorait royalement. Gracieusement assise, jambes croisées, elle fixait son reflet dans un miroir de poche. Ses cheveux d’un noir d’encre, coupés au carré, dégageaient sa nuque –une nuque magnifique. Lèvres pulpeuses, nez parfaitement proportionné…
Idna était belle, mais Erika était une bombe. Quel gâchis si elle remportait Horus, vraiment !

Elle plongeait ses longs doigts dans un élégant sac à main, en sortit un rouge à lèvre scintillant. Une photo à prendre, décida Vayne lorsque la pâte s’écrasa sur la bouche.
Erika se figea, ses pupilles, perçantes, se logèrent au coin de son œil. Bruns, les yeux… peut être que des lentilles vertes… « Quoi ? » fit-elle sèchement.

« Rien, » répondait Vayne avec un petit sourire.

~*~


Idna était glaciale… et glacée.

Son regard restait aussi vide que sa robe. Sans couleur, sans motifs, et le blanc même du tissu était vide, triste et désespérant.
Idna avait toujours voulut se marier en blanc.

Elle avait tout prévu. Grâce à quelques magouilles avec Mika et aux fonds qu’elle avait généreusement donné à Sabrovsky, Idna s’était assurée qu’Aubry serait éliminée au dernier moment ; tout avait été parfait, si bien minuté, et puis voilà que cet abruti c’était retourné contre elle.
Aubry était pauvre, moche et bête. Sabrovsky n’avait aucune raison de la préférer ! Croyait-il que la reconnaissance d’Aubry avait plus de valeur que son argent ? Qu’en temps qu’Elue d’Horus, elle pourrait le rembourser ? Quel crétin… tant pis pour lui. De toute façon le chèque qu’elle lui avait donné était sans provisions, et Idna n’avait pas encore perdu. Sa meilleure arme était encore en lisse, et elle éclaircirait plus tard le rôle de Preston Cloyd dans l’affaire…

Svayl était raide et froid, comme figé.

Idna lui trouvait l’air aussi pâle et rigide qu’une statue de marbre. Il avait des cernes disgracieuses, nul sourire n’effaçait le pli soucieux de sa bouche. Aigri, triste, elle ne lui trouvait plus le charme du cadet plein d’entrain qui arrivait en retard au restaurant, ayant fait un détour de dernière minute pour acheter des fleurs ; il y avait longtemps qu’il n’avait pas posé d’échelle contre sa fenêtre pour échapper aux chaperonnes de l’Académie. Quand il l’embrassait, c’était juste du bout des lèvres, comme craintif de ruiner son maquillage. Comme elle regrettait le temps où il pouvait lui dévorer la bouche ou le cou, sans se soucier des marques qu’il pouvait y laisser !
Quel beau couple, si parfait, si beaux, si bien assortis… lui, glacé, qui ne la touchait plus. Elle, froide, qui ne savait comment le réchauffer.

~*~


Aubry ouvrit de grands yeux étonnés, et le Général Cloyd sentit son cœur fondre devant une telle candeur. Elle n’était pas vraiment belle, cette gamine aux cheveux ébouriffés, mais son sourire la rendait vraiment craquante… ou cette manière de dire « ah ? », qui sonnait tellement comme ceux d’Aubrenne.
D’accord, Aubrenne disait « Ah ? » tout le temps –quand il lui disait non, quand quelqu’un se moquait d’elle et qu’elle lui renvoyait si poliment la balle… mais jamais, jamais il n’aurait pensé retrouver ce même « ah » chez Aubry, avec le même accent si particulier, sans que sa voix ressemble le moins du monde à celle de sa défunte femme.
Se pouvait-il qu’Aubry se souvienne encore de ce temps, malgré sa jeunesse ?

Inutile de rêver, pensa Preston en secouant la tête. Et puis, il y avait d’autres problèmes pour le moment, comme répondre aux questions d’une Aubry de plus de cinquante centimètres, surtout si lesdites questions étaient passablement bêtes. Ensuite, il devrait sans doute justifier sa présence aux côtés de la Première Candidate, qui ne manquerait pas de faire scandale, réfuter toutes les accusations de favoritisme, empêcher miss Rekvem de massacrer ce pauvre Svayl, et ne pas renverser son champagne sur son uniforme.
A chaque bal, à chaque soirée, invariablement, il réussissait à se tâcher.

« Comment ça, pour quoi faire ? Mais pour mettre au poignet, évidemment ! C’est fait pour ça un bracelet ! »

… désespérante. Mignone mais désespérante. Horus allait adorer…

Preston ouvrit la bouche pour lui expliquer que théoriquement, elle était sensée massacrer des Atlantes à la chaîne, et non se trémousser en robe de soie (ce qui, en toute franchise, était plutôt du domaine d’Idna et des autres roucouleuses…), mais la limousine s’arrêta et le Général se contenta de soupirer. « On doit y aller. N’oublie pas de sourire. »
Aubry acquiesça courageusement tout en déglutissant, et la portière s’ouvrit du côté de Preston.

On avait déroulé le tapis rouge, mais il avait l’habitude. Il arrivait toujours avant les Candidates, étant sensé diriger ces interminables et ennuyeuses cérémonies… pas cette fois, pourtant. Autant en finir vite, se dit Preston en posant un pied ferme sur l’épais tissu. Des flash, des flash et encore des flash… les photos allaient sûrement être nulles, tordues ou fadasses, mais on y pouvait rien si Tariam avait décidé d’aller jouer les jolis cœurs.
Flash flash flash. Ils pourraient au moins attendre qu’Aubry soit sortie, juste histoire d’économiser leur pellicule.

Preston lui tendit la main en se retenant de lever les yeux au ciel. Il détestait les bals. Depuis la mort d’Aubrenne, ces festivités n’étaient qu’une succession de corvées, au point que le Général était reconnaissant envers les Elus qui daignaient rester en vie plus de cinq ans…

~*~


Erika sentit Vayne se crisper sous ses doigts. Seize couples se tenaient dans le Petit Hall l’Opéra pour les clichés d’usage qui précédaient l’entrée dans le Grand Hall.
Cette tension chez le photographe n’était pas imprévisible : déjà, lorsqu’ils étaient entrés, sa mâchoire s’était serrée rien qu’à la vue du blondinet poupin, luisant de sueur, qui s’efforçait de prendre des images correctes de l’évènement. A présent qu’Erika et Vayne se tenaient sur le côté, avec une vue parfaite sur les techniques du garçon, le résultat ne pouvait qu’être pire.

Le futur Couple Glamour 219, tout en blanc scintillant et uniforme, tâchait de se conformer aux directives fumeuses du jeune lieutenant-dont-elle-avait-oublié-le-nom (et franchement, quelle importance ?), mais il fallait bien avouer que ni Irklem ni Rekvem n’étaient bien accordés : alors qu’Idna y mettait du sien avec un agacement et une lassitude manifeste, son cavalier s’entêtait à regarder ailleurs, à garder un rictus déplaisant aux lèvres ou à lever les yeux au ciel dès que la jeune blonde cessait d’enfoncer ses doigts gantés dans son avant bras.
Qu’ils étaient mignons…

« Ils pourraient faire un effort, tout de même. Je comprends qu’il ne soit pas très branché soirées mondaines, mais le Second Couple devrait faire preuve d’un peu plus de conviction, » siffla un Vayne très agacé, « ça se verra sur les photos ! » et Erika de soupirer… c’était bien là la seule conversation du Colonel. Clichés, pellicules et zooms, il n’avait parlé que de ça les rares fois où il avait ouvert la bouche... Erika savait par sa mère que les hommes qu’on attirait avec son décolleté, il ne fallait jamais trop leur en demander, aussi ne fit-elle aucun commentaire désobligeant . Sa compagnie n’était guère passionnante, et elle était sûre que sa seule réaction sur l’absence d’Aubry aurait trait aux clichés imprenables en son absence.
Si soupirer n’avait pas été jugé déplacé dans cette situation, Erika n’aurait pas gardé le silence.

Elle jeta un regard agacé à son poignet gauche, avant de se rappeler qu’elle ne portait pas de montre. Il lui fallut quelques secondes pour décrypter les aiguilles de la grande horloge, tant celle-ci était ornementée, et n’avait pas fini de lire l’heure lorsque le Lieutenant relâcha enfin le Second Couple. Bon. Plus que cinq petites minutes et le plus intéressant pourrait enfin commencer…

… et de nouveau le grincement de la lourde porte secondaire du petit Hall.

~*~


Furieuse, Idna enfonça une fois de plus ses doigts gantés dans la veste de Svayl. Une légère crispation de la mâchoire de celui-ci l’informa qu’elle avait réussit à lui faire mal, mais cela n’apporta aucune satisfaction à la jeune femme.
Aubry se tenait devant elle.

Erika était statufiée, et ses yeux avaient tout du poignard. A bien y regarder, aucune Candidate ne semblait heureuse de ce retournement de situation.
Idna resserra sa prise sur le bras de Svayl. La petite peste osait lui sourire, la fixer avec cet air hautain de victorieux… Comment osait-elle ? Ce regard seul, qui n’était adressé qu’à elle, était une insulte.

Le Lieutenant leva son appareil, et Aubry se fendit d’un grand sourire en se rapprochant de son cavalier, qui passa un bras autours de ses épaules en un geste paternel.
Un Général. Et pas n’importe lequel.
Aubry l’avait vaincue.


La cérémonie se déroula sans accro. Les couples furent mis en ligne, on vérifia une dernière fois l’identité des demoiselles. Idna ne s’y intéressait plus vraiment : son esprit cherchait le traitre, et tout indiquait Sabrovsky, mais ce petit pou n’aurait certainement pas pu arranger un rendez vous entre Preston Cloyd et cette crétine moche et rousse ! Alors qui ?
La réponse apparut comme par magie, sous les applaudissements, alors que les sept candidates avançaient sur le tapis rouge : Svayl. Svayl, qu’elle savait proche du Général, Svayl qui allait tous les jours à l’Académie, Svayl qui lui avait déjà préféré Aubry de toute façon.

Il fut douloureux de sourire. Douloureux de rester droite, sereine et belle, la Sion parfaite, représentante de la haute société, alors que ses prunelles vertes ne pouvaient s’empêcher de revenir sur le dos de la petite peste.

Des photos, des photos et encore des photos. Que des horreurs ; Idna aurait voulut que personne ne se souvienne de ce Bal raté. Elle était sûre qu’Aubry devait sourire à tout va, alors qu’elle n’avait même pas des dents aussi bien alignées que les siennes…
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MessageSujet: Re: Fighting Goddess   Fighting Goddess EmptyDim 7 Oct - 9:33




Chapitre 9 :

Tombent les masques


Aubry n’aurait sut dire, exactement, si elle était vraiment heureuse, ou si c’était un sentiment de triomphe qui la faisait sourire. Elle voyait les autres couples évoluer autours d’elle, grands généraux sévères bardés de médailles, dames aux brushings effroyablement impeccables…
C’était effrayant. Et enivrant.

Le Général Cloyd était naturellement très recherché. Quelques officiers guindés étaient venus le trouver dès la fin de la première danse, l’interrogeant sur la Candidate qu’il accompagnait, les raisons de ce choix sans précédent. Plus que gênée, Aubry comprit qu’il était inhabituel que le dirigeant de la section Deus prête son bras à une Clef potentielle… et que ce n’était pas vu d’un bon œil par tout le monde : magouilles ? favoritisme ? Enfin, Preston avisa une femme en uniforme, grande et au visage fermé, en pleine discussion avec un homme qu’Aubry reconnut comme étant l’Amiral Odessa, en charge des troupes Eurasiennes terrestres. Il se fraya aussitôt un chemin vers elle, emmenant Aubry à sa suite, avec aisance qui trahissait une longue pratique.

« Antje ? » fit-il en matière de salut, et la femme se tourna vers lui. « Je vois que vous et Tianlong avez pu vous libérer. Je croyais que vous étiez stationnés à la base de Beijing. »

Elle était grande, plus grande que Charity et Idna. Peut être un mètre quatre vingt, d’après Aubry, mais elle se rendit alors compte qu’Antje portait un uniforme masculin, dont les bottes noires, seul détail original, étaient légèrement rehaussées de talons. Sa poitrine était frappée du signe de la section Deus et elle portait des étoiles de Général. Un lourd pistolet pendait cependant à sa ceinture, alors que l’Amiral Odessa et les officiers alentours n’étaient pas armés. « Nous avons emprunté l’ICGV de la semaine dernière. Le QG en a profité pour faire quelques upgrades sur le Dragon. Quelques tests à faire, » répondit vaguement Antje, fixant un regard brun presque noir sur Aubry.

Elle était belle, décida soudainement la rouquine. Mi caucasienne, mi asiatique, elle avait les yeux bridés, les cheveux noirs et courts. Grande, forte, elle avait peu de poitrine, mais elle avait une posture volontaire, le dos droit et il se dégageait d’elle un charisme perceptible, brute, une aura d’autorité telle que n’importe quel soldat l’aurait suivit. Elle devait avoir une trentaine d’années –peut être quarante, mais pas plus. Oui, elle était une vraie soldate, et l’uniforme des hommes lui allait à merveille.

Aubry remarqua alors l’homme qui lui donnait le bras. Antje ne s’y appuyait guère, ne faisant qu’y laisser une main lâche. Il était légèrement plus petit qu’elle, les traits fins mais indubitablement chinois. Il avait lui aussi des cheveux de geai, ses yeux étaient d’encre, mais sa peau presque trop pâle, non teintée du jaune asiatique, pourtant visible sur Antje.
Il ne portait pas de grade, et une unique fleure de lys, blanche, miroitait sur le bleu sombre de son uniforme.

Tianlong ne parlait pas ; comme son Elue, il fixait Aubry avec attention. Mais alors qu’Antje se détourna rapidement pour reprendre sa discussion avec Odessa, rejoints par Cloyd, à propos d’une certaine Classe Zeta dont Aubry n’avait jamais entendu parler, Tianlong resta ainsi, son regard sombre la perçant de part en part jusqu’à ce que, gênée, Aubry s’en détourne…

« Vous venez d’Amérique, c’est bien cela ? » lui demanda finalement Antje, quelques très longues minutes plus tard. Aubry se rendit compte qu’elle avait un accent est-eurasien et acquiesça silencieusement. « L’une de mes nouvelles recrues, le nouvellement promu Lieutenant Milory, est aussi originaire de ce coin là. De l’Est, je crois. »

Charity ? Charity allait servir sous les ordres de cette femme ?

« Vous êtes le Général Shenyang ? » demanda stupidement Aubry, se rappelant des paroles de Charity : une grande héroïne de la Fédération…
Tianlong cligna des yeux, et sa tête s’inclina gracieusement vers sa compagne. Antje avait juste levé un sourcil, avant de répondre un « bien entendu » légèrement hautain. Aubry sentit ses joues chauffer, et elle laissa échapper un « oui, je viens de Seattle… » timide.

Preston la sauva en lui proposant une dance et, alors qu’elle s’éloignait, elle entendit s’élever le timbre si clair, si suave d’un jeune homme qui ne pouvait être que Tianlong…

Ce premier échec fit descendre Aubry de son petit nuage. Elle savait qu’elle avait dû faire une très mauvaise impression à ces officiers, que ce soit à Shenyang ou aux plus âgés, et Odessa n’était pas des moindres. Preston ne semblait pas inquiet et ne fit aucun commentaires, murmurant dans sa barbes quelque chose à propos du front eurasien, et le mot « Zeta » lui échappa avant qu’il ne s’intéresse complètement à la valse qu’ils étaient sensés danser.

Ils enchaînèrent deux autres danses, puis Preston leur trouva deux flûtes de champagne et s’échappa prestement vers un balcon : un journaliste célèbre venait vers eux au travers de la foule, et les perdit tout aussi vite. « Allons prendre l’air, voulez-vous ? » murmura Preston à l’oreille d’Aubry. Mais il n’attendit pas sa réponse, et la question n’en demandait pas. Elle le suivit sans mot dire jusqu’à un balcon, sur lequel deux couples riaient, le visage rosit de plaisir.
Un regard et ils décidèrent qu’ils voulaient retourner danser.

« Maintenant que nous sommes seuls et que tu as compris que ce n’était pas un jeu, est-ce que tu as des questions ? »

Aubry bégaya quelque chose de si inintelligible qu'arbitrairement, Cloyd sembla décider que la réponse était « non ».

« Bien, alors commençons. Que les choses soient claires, c'est moi qui décide de qui gagnera cette espèce de simulacre de pseudo culte superstitieux. Pour des raisons top secrètes et qui ne te concernent de toute façon pas, tu as déjà été choisie pour devenir la Clef d'Horus. Des questions ? Non ? Parfait. Continuons.»
En fait, elle en avait, des interrogations, mais Cloyd ne lui laissait pas le temps ne demander.

« Je n'aurai sans doute pas d'autres occasions de te prévenir. Horus n'est pas un chaton, loin de là. Son caractère est exécrable, ses résultats plus qu'irréguliers ces dernières années. Il attire la convoitise et ne fera rien pour vous faciliter la tâche. Cela fait un siècle qu'il n'est plus descendu sur un front et ses Elues sont rarement honorées de nos jours. Si tu veux te retirer c'est maintenant.»

Pendant un moment, Aubry crut à une bonne blague. Elle éclata même d'un rire bref et presque moqueur, avant que l'air on ne peut plus sérieux du Général l'assure qu'il ne plaisantait pas. Le visage de la rouquine se décomposa, puis elle haussa un sourcil ironique. « Oui, je vois, » déclara-t-elle doucement, le ton mordant. « J'ai été enlevée en pleine nuit, ai dû supporter les talents de votre espèce de Colonel gominé en matière de conduite, puis de pilotage. Sans parler des Atlantes qui sont venu nous passer le bonjour. Ensuite, des petites connasses pétées de tune ont essayées de m'assassiner, vous avez envoyé vos chiens chiens me courir après jusque dans la banlieue la plus mal famée de Sion, et tout ça pour me dire maintenant que j'ai le droit de rentrer chez moi où, je vous le rappelle, je pourrai au mieux conduire un tank, au pire balayer les couloirs d'une quelconque caserne de province ? »

« En gros, c'est ça, » répondit Preston sans le moindre remord et sans que l'idée le dérange plus que ça. La facilité avec laquelle il acceptait la diatribe presque grossière d'Aubry la perturba plus que le sens même de sa réplique. « Et vous osez encore me poser la question ? »

Il pencha la tête sur le côté, l'expression vide d'émotions. « C'est ta vie, » déclara-t-il platement. « Pour ce que ça vous dérangeait. Irklem aurait put poser la question avant de m'embarquer dans tout ça. »
Preston admit cela sans difficultés. Agacée, Aubry croisa les bras sur sa robe rouge et se fit un devoir de regarder ailleurs. « Si je disais non, vous accepteriez mon choix ? » demanda subitement l'américaine en trouvant très suspect que l'armée se doit donnée tant de mal pour la laisser partir au dernier moment. « J'en doute, » répondit le Général. « Vous vous êtes engagée pour dix ans de toute façon. J'ai juste besoin de savoir, en temps que Chef de la Section Deus, si vous serez une Elue coopérative ou pas. »

Furieuse et sans chercher à le cacher, Aubry leva la main pour le gifler, mais ce fut finalement son index qui atterrit droit sur la poitrine de l'homme. On ne frappait pas un haut officier.
Surtout si ledit officier pouvait vous pourrir la vie pendant dix longues années. « Je vous assure, Monsieur, qu'en matière de mauvais caractère, Horus n'est rien par rapport à moi. Et si j'accepte, c'est uniquement pour vous le prouver ! »

Preston éclata de rire, plus amusé qu'agacé. « J'espère bien que se seront des années intéressantes, Clef d'Horus. »
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MessageSujet: Re: Fighting Goddess   Fighting Goddess EmptySam 8 Déc - 13:55

« J'ai à te parler, » murmura-t-il à son oreille, au milieu de la troisième danse -une valse ennuyeuse. Idna hocha la tête, sèchement.

« Moi aussi, » s'entendit-elle répondre, sans douceur. Lequel des deux avait le plus trahit l'autre ? Que restait-il de leur couple ? Tout lui échappait, elle se sentait perdre alors que tous ses mouvements avaient été parfaits.
Et Idna ne se voyait pas échouer, juste à cause d'une niaise rousse et d'un minable ambitieux russe.

Elle sentait Svayl se crisper légèrement, mais il resta silencieux et continua à enchaîner pas après pas, superficiellement. Il avait été bon danseur, mais aujourd'hui, Idna ne lui trouvait plus aucun charme en la matière. Elle sentait presque son genou gémir sous son poids. Elle imaginait la douleur irradiant jusque dans la cuisse et le mollet, la raideur qu'auraient tous ses muscles le lendemain.
La musique prit fin et elle l'entraîna vers une sortie secondaire, près du buffet où Mika, l'air sombre, se goinfrait en fixant le couple Cloyd/Aubry, pourtant bien loin, le regard meurtrier. Elle ne prêtait aucune attention à son cavalier.

Bah, Idna avait plus important pour le moment : sauver les meubles, esquiver trois journalistes qui voulaient savoir si le Grand Héro du Front Sud piloterait de nouveau un jour (la réponse était "mais bande de crétins, vous ne saviez pas qu'il n'avait que ça à faire, il y a trois jours ? Vous avez manqué quelque chose !"), et foutre le camp.
C'était, après tout, toute l'utilité des toilettes dans les opéra.

Le gros défaut de ce genre de lieux était, toutefois, l'absence totale de romantisme. Cela passait encore pour s'envoyer en l'air au milieu d'une soirée (déjà testé avec Svayl et quelques autres), mais pas vraiment pour les grandes conversations existentielles sur votre avenir matrimonial.

Les deux jeunes gens restèrent quelques instants silencieux, au milieu des lavabos de marbre et des lambris dorés.
Idna rompit le silence la première.

« Alors ? Je croyais que tu voulais me parler. »

Svayl sembla trouver le bout de ses chaussures très intéressant.

« Est-ce que tu veux vraiment devenir la Clef d'Horus ? » demanda-t-il finalement. Surprise surprise. Idna s'était attendu à des reproches sur tout et n'importe quoi, et même à un humiliant Je Te Quitte Pour Aubry ! Le sujet avait presque besoin de réflexion.

« Pourquoi cette question ? » demanda Idna pour gagner un peu de temps. Ce qu'elle en savait ! Elle ne se posait jamais ce genre de questions ! Et Svayl restait obstinément silencieux, ses yeux bleus fixés sur ses pieds.

« Parce que ce serait Horus ou moi, » répondit-il doucement. « Tu sais bien comme c'est. Les Elus ne se marient pas, et n'ont de relations privées qu'avec d'autres Elus, pour produire des enfants compatibles avec leur compagnon. »

Idna entrouvrit les lèvres, comme pour répondre, mais rien n'en sortit. Elle avait l'impression qu'une chape de glace était tombée dans son estomac. Bien sûr qu'elle le savait ! Mais c'était... différent. Quand on vous le disait en face.
Quand votre fiancé vous le disait en face.

Qu'avait-elle reproché à Aubry, à la fin ? De vouloir lui voler Horus ? Ou Svayl ? Idna était-elle forcée de céder l'un des deux ?

« Je suis désolé, » murmura Svayl. Désolé de quoi ? De lui rappeler qu'elle avait un cerveau et qu'elle ne l'avait pas utilisé pendant des mois, ou tout du moins pas sur les vraies questions ? Il lui laissait le choix.

Et quel choix ! La gloire, la victoire, ou lui, si frêle sous une apparence de dureté et de froideur, si fragile... elle le sentait prêt à s'écrouler à tout moment. Svayl, où serait-il sans son regard vert posé sur lui ? Je vis pour ta voix, lui avait-il dit un jour. Ta voix et ton amour, ton regard, ta peau... et depuis... il y avait eu ces plaies, ces peines. Depuis ce jour, plus jamais il n'avait quêté son affection. Mais avait-elle tendu la main vers lui, ou avait-elle oublié quelque chose en chemin ?

« Non, » répondit Idna doucement. Elle leva les deux mains et les posa doucement sur ses joues, attirant son visage vers le sien. « Non, c'est moi qui... »

Que choisir ? La route facile, celle de la victoire ? Laisser son dernier pion intervenir, éliminer définitivement Aubry, et remporter Horus ? Ou rester pour Svayl, et affronter ce qu'elle avait laissé derrière elle depuis des mois : leur couple, leurs problèmes, et l'avenir qu'ils avaient ensembles ?
Rester... et sauver Aubry de son ultime coup ?

~*~


« Dites, puisque maintenant je suis la Clef d'Horus, est-ce que je peux vous poser une question ? »

... n'était-ce pas déjà ce qu'elle faisait ? Mais Preston acquiesça avec lassitude.

« Pourquoi est-ce que Svayl a un oeil qui change de couleur ? » demanda Aubry avec une innocence gênée, un peu comme si elle s'était sentie coupable de s'en être aperçue, ou de s'en être souvenu. Ou de mettre le sujet sur le tapis.
Mais si ce n'était que ça, Preston pouvait respirer. Ce n'était presque pas idiot à demander, après tout.

« Le Colonel Irklem était pilote. Une véritable starlette de l'armée, bien mignon, comme ils aiment en mettre sur les affiches. Mais Svayl était vraiment un bon pilote, un véritable géni des airs. Cela, au moins, ils ne l'ont pas inventé. »

Preston soupira. Il y a quelques mois, un journaliste avait dévoilé l'inexistence d'un héro d'état qui, en fait, n'était qu'un simple soldat photogénique. Le scandale avait été retentissant, mais d'après l'intérêt qu'Aubry devait porter à la presse, elle n'en avait sans doute rien su, à moins d'avoir eu un poster dudit faux héro au dessus de son lit.

« L'un de l'essai d'un prototype, une expérience a mal tourné. On ne sait pas s'il s'agissait d'un sabotage, d'une erreur de sa part ou d'un problème mécanique, mais l'essai a tourné à la catastrophe. Officiellement, Svayl a été abattu sur le Front Sud par un mecha ennemi. Officieusement, un appareil mal fichu s'est écrasé. Dans les deux cas, le pilote a été... amoché. »

Bel euphémisme... Horus aussi avait été "amoché". Sauf que lui, on avait même pas essayé de le réparer.

« Svayl a subit plusieurs opérations depuis. Pour son genou gauche, à moitié pulvérisé par un éclat de blindage. Pour son visage -il avait été partiellement brûlé par une gerbe d'étincelles. D'ici à quelques semaines, il devrait de nouveau être opéré, pour son oeil droit.»

Oh, fit Aubry, silencieusement. Ses lèvres bougèrent, mais aucun son n'en échappa. Elle semblait pensive. Peut être qu'elle réfléchissait de temps en temps, finalement.

« Si l'oeil de Svayl change de couleur, c'est parce qu'il est aveugle. Gris et aveugle. Le bleu est celui d'une lentille artificielle. »

Preston guetta une réaction chez l'adolescente, mais elle resta étrangement stoïque. Son regard se perdait dans la verdure, au delà du balcon. En cilla une fois, avant de tourner lentement la tête vers lui.

« Alors c'est ça, être un héro de la Fédération ? Être beau et continuer à sourire et à se battre... même quand tout le monde se fiche de votre souffrance ? »

Il ne répondit pas. Pour une fois, il n'y avait tout simplement rien à dire.

~*~


« Ton genou te fait mal. »

Ce n'était pas une question. Ce n'était jamais des questions quand ça l'aurait arrangé, de toute manière. Mais ces temps ci, il fallait admettre qu'il n'y avait pas grand chose pour arranger Svayl. Les catastrophes succédaient aux catastrophes ; les jours passaient et le Colonel espérait que cette avalanche s'achèverait bientôt.
Il était, de toute manière, totalement impossible de tomber plus bas.

Mais la voix était douce, concernée. Quelles qu'aient pu être les erreurs de Svayl, ou celles d'Idna, il leur semblait à présent qu'ils s'étaient assez blessés mutuellement pour ne plus y accorder d'importance : As-tu essayé de m'assassiner ? M'as tu trahie pour Aubry ? Vas-tu m'abandonner pour la gloire ? Et toi, que suis-je pour toi à côté de ton travail ? Le couple se laissait aller dans un silence qui effaçait les accusations. Ils avaient chacun leurs tords, et ne restait qu'une réflexion sur leur avenir commun.

« Non, » mentit Svayl, comme à chaque fois qu'on lui demandait s'il avait mal, si ses blessures le lançaient de nouveau, ou si son oeil droit lui manquait. Le regard d'Idna brûla de colère contenue et sa main partie, frappa à plat la joue pâle de son fiancé. Puis, la jeune femme le saisit au col, fulminante.

« Pourquoi ? Pourquoi faut-il toujours que les hommes soient lâchent au point de nier tout ce qui peut les toucher ? Pourquoi faut-il que nous, les femmes, soyons toujours les seules à avoir le courage de pleurer devant vous ? »

Elle s'emportait, ses mains élégantes agrippées à son uniforme de cérémonie, froissant l'étoffe bleue. Leur nez se touchaient presque, leur souffle se croisait sur leurs lèvres et, au travers de la toile de son vêtement, Svayl pouvait sentir les seins de la blonde contre sa poitrine, son ventre contre le sien. Il devinait les cuisses tendues et les mollets tendus par l'effort qu'elle faisait pour tenir sur la pointe des pieds, à son niveau, tellement furieuse et tellement plus forte que lui.

« Parce que je suis faible, » répondit Svayl en hoquetant, tout contre la bouche d'Idna. Parce que je suis trop faible pour me montrer tel que je suis aujourd'hui, diminué, scarifié, inutile... mais il sentit, avant même qu'elle ne bougea, la main d'Idna quittant son col, agrippant les cheveux -il se pencha alors qu'elle l'attirait vers lui, dévora sa bouche alors que, de sous ses paupières fermées, les larmes inondaient ses joues. Laid ! Inutile ! Boiteux !

Mais aimé, se rappela-t-il alors, et il écrasait les lèvres si douces et si parfaites contre les siennes, le corps souple et svelte contre lui. Aimé !

« M'aimes -tu encore ? » demanda-t-il dans un souffle, alors qu'il se détachait un instant d'elle, qu'il sentait ses doigts défaire sa ceinture et- par tous les dieux, quand avait-il ouvert sa veste ?

« Encore, toujours, ici et maintenant, si tu m'aimes encore je t'aimerais aussi ! » répondit Idna en agrippant de nouveau ses cheveux. Ravi, sourd et aveugle à tout ce qui pourrait se passer autours de lui, Svayl lui prouva tout le désir et l'amour qu'il avait pour elle.
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MessageSujet: Re: Fighting Goddess   Fighting Goddess EmptyJeu 27 Déc - 15:26

Elle revient, murmura Tianlong dans un souffle télépathique. Le Général Shenyang acquiesça de la même manière et remercia son compagnon, sans interrompre une seule fois le récit qu'elle faisait de la re-prise de la base de Kusanagi. Les journalistes buvaient ses paroles et ne remarquèrent rien, mais après vingt-trois ans de service, Antje avait appris à mettre à profit la présence du Dieu dont elle était la Gardienne.

Tianlong suivit du regard le couple que formait la Première Candidate et Cloyd. Voilà vingt trois ans qu'il avait quitté sa dernière Stase ; un des Dieux les plus âgés, un des plus expérimentés. Il savait -et, par extension, sa Gardienne savait aussi. Sonder toutes ces candidates l'amusait ; sauf Aubry.

Celle-ci, Antje sentait que Tianlong ne la... sentait pas. Ou pas normalement. Il avait déjà étiqueté toutes les autres : Idna avait un bon potentiel, Erika ferait une bonne Elue mais Tianlong la jugeait mal synchronisée avec Horus, et il en allait ainsi pour toutes les autres. Mais le Général Shenyang s'inquiétait de l'avoir vu frémir, puis fixer la Première Candidate tant qu'elle était restée à portée de son regard.

Voilà qui troublait la femme plus que les questions des moineaux qui lui tournaient autours. Ce rapport, elle l'avait déjà fait pour l'Etat Major ; cette bataille, elle l'avait dirigée. Mais que Tianlong ne trouve pas ses mots sur une personne sondée...

C'est étrange ; je suis sûr et certain d'avoir déjà sentit cette Aura. Mais je ne me souviens plus sur qui, et deux humains n'ont jamais la même Aura.

Antje fronça subrepticement les sourcils, s'excusa puis se dirigea vers Cloyd et Leska. Elle louvoya un instant entre les couples et les coupes de champagne, puis une tâche blanche et un semblant d'agitation attira son attention à l'une des entrées de la pièce. Curieuse, elle changea de direction, dispersa la foule avec autorité et haussa un sourcil. Devant elle se tenait la Seconde Candidate, Idna Rekvem, échevelée, les gants froissés, son maquillage était ruiné et elle avait oublié ses talons quelque part. Mais, plus alarmant, Idna tenait à la main un lourd pistolet de cérémonie qui devait être celui de son fiancé. Deux gardes lui barraient l'entrée.

« Que ce passe-t-il, jeune fille ? » demanda Antje avec assez d'autorité pour que la blonde cesse de se débattre.

« Il se passe, » rétorqua Idna en se dégageant, « que la Première Candidate va mourir si vous ne me laissez pas entrer ! »

Michaella Milton, intervint soudain Tianlong ; sans doute avait-il sentit la présence de la dernière candidate, de plus en plus proche de la première.

« Allez-y si vous ne me croyez pas ! Milton va tenter d'assassiner... »

Mais Shenyang n'était déjà plus là et la voix d'Idna se perdit dans la foule. La grande brune se taillait un chemin à grands coups d'épaules, jusqu'à la piste de danse. Le temps qu'elle y parvienne en ignorant toutes les plaintes qu'elle soulevait, sa main avait tiré son pistolet de sa gaine. Là, sur la piste, la dernière candidate, Michaella Milton, que son cavalier surnommait Mika, avançait en souriant vers Aubry, les mains étrangement croisées sur son ventre. Antje aperçut un éclat métallique, leva les deux mains et tira aussi vite que lui permettait sa longue expérience de soldat.

Un coup de feu et la tête de la dernière candidate explosa. Le couteau qu'elle venait de tirer tinta sur le aquarellage, puis le corps s'affaissa vers l'avant. Cloyd avait déjà tiré Aubry en arrière. La jeune fille, révulsée, horrifiée, porta les deux mains à sa bouche, resta interdite, puis se tourna, prit appuie contre une colonne de marbre et vomit.

Antje sentit un corps heurter le sien, légèrement, et son regard chercha par delà son épaule. Appuyée contre elle, Idna fixait le cadavre, haletante et bientôt rejointe par son cavalier, encore essoufflé d'avoir tenté de la suivre dans les couloirs de l'opéra. Antje rengaina et repoussa doucement la blonde vers Irklem. Comment la Seconde Candidate avait-elle sut ? Cela paraissait on ne peut plus douteux et Shenyang fronça les sourcils.

Zut. Sans preuves, on ne pouvait rien faire, et Idna pouvait toujours faire que Michaella lui avait parlé auparavant. Et si preuves il y avait, le père de la demoiselle pouvait tout faire disparaître.
Et Shenyang détestait quand justice n'était pas faite.

Elle n'y pouvait rien pour le moment et rejoignit Cloyd. L'Amiral Odessa arriva en même temps qu'elle mais Preston déclara qu'à présent, le Cadet Leska était du ressort de la Section Deus, qui se chargerait de la raccompagner. La jeune fille frissonnait et, prise de pitié, Antje débouta sa veste de cérémonie, alourdie par les épaulettes et les décorations, et la passa sur les épaules d'Aubry.

Preston d'un côté, Antje de l'autre, la nouvelle Clef fut raccompagnée jusqu'aux voitures. Cloyd devait encore rester : avec tous les médias sur place, il était impossible d'échapper à la déclaration publique.

« Tu voudrais bien l'emmener chez toi pour la nuit ? Je ne pense pas qu'elle veuille retourner à l'Académie, et si cela ne dérange pas tes filles.. »

Antje acquiesça silencieusement et demanda à Tianlong de s'installer avec elle à l'arrière, de l'autre côté de l'adolescente. Le voyage fut silencieux, sauf pour les sanglots qu'Aubry ne put retenir après le départ. Elle ne parla pas ce soir là, ni le suivant, lorsqu'elle fut escorté à l'hôpital où Horus attendait.
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MessageSujet: Re: Fighting Goddess   Fighting Goddess EmptySam 19 Jan - 12:52

Epilogue


Aubry se tenait assise dans la lumière crue et nue du High State Hospital, les mains posées sur le drap bleu de son uniforme. Son regard restait fixe et voyait sans regarder une affiche jaune, à laquelle elle avait porté si peu d'attention qu'elle ne savait même pas de quoi elle devisait.

Dans un coin de son champ de vision, le Général Shenyang restait debout, droite et digne, chacune de ses filles à ses côtés et Tianlong à peine plus loin. Aubry avait, en un temps records, développé des sentiments tout à fait contradictoires à propos de cette famille : la mère, une héroïne forte, sévère et renommée, semblait passer beaucoup de temps sur le front eurasien, si bien que ses filles, deux jumelles du nom de Lien et Mulan, passaient la majeure partie de l'année dans une école militaire. Et Aubry avait décidé qu'elle ne pouvait saquer ni la cadette, ni son aînée.

Les voilà donc, tous les cinq, dans un hôpital froid et aussi peu chaleureux qu'un foyer de la Fédération. Antje ne se souciait pas ouvertement de la nouvelle Clef et racontait quelques anecdotes de la vie sur le front. Lien écoutait avec intérêt ; Mulan restait silencieuse. Tianlong fixait Aubry.

Le temps passa, des minutes seulement ou une heure, avant qu'une porte, si à droite d'Aubry qu'elle ne pouvait la voir sans tourner la tête, ne s'ouvre pour laisser passer Preston Cloyd.

« Horus est réveillé, » furent les seules paroles qu'il prononça. Sa bouche resta un instant ouverte, mais il sembla changer d'avis et se contenta de s'écarter pour laisser passer Aubry.

Elle se leva sans rien dire ; ne salua pas le Général, ne lui sourit pas. Il ne commenta pas la petite fleure de lys qui, depuis la veille, marquait son épaule pour indiquer son nouveau rang : du rang de vulgaire soldate de base, elle passait à celui de cadette de la section Deus. La tragédie survenue quatre jours plus tôt pesait toujours lourdement sur l'adolescente ; elle n'en avait parlé à personne, pas même au Général Shenyang qui l'avait pourtant hébergée.

La chambre dans laquelle la mena Preston était petite mais propre. La fenêtre était entrouverte et une brise légère, issue du grand ventilateur de Sion dont on entendait, en tendant l'oreille, le léger et presque inaudible"flap flap", soulevait des rideaux vaporeux. Une infirmière changeait la perfusion du patient, alors qu'un médecin tâtait son cou.

Aubry détesta aussitôt ce public indésirable. Elle n'avait pas imaginé sa rencontre avec Horus comme particulièrement romantique, mais il y avait des limites à tout, et un peu d'intimité n'aurait-elle pas été préférable ? La rouquine se sentait soudain très nerveuse, et honteuse de la pointe d'excitation qu'elle ressentit en apercevant, entre les blouses blanches, le bras du dieu revenu à la vie.
Elle s'appuya contre un mur et attendit qu'ils finissent leurs soins, silencieuse, timide et renfermée.

Enfin ils partirent ; l'infirmière d'abord, puis le médecin. Aubry ne bougea que lorsque Preston la tira doucement vers le lit, avant de partir à son tour.

Horus était étendu sur le lit, à la fois semblable et différent de celui qu'il avait été la première fois ; Aubry le trouva plus jeune. Ses joues étaient plus lisses, les pommettes moins marquées et le menton légèrement plus doux ; son teint était pâle, ses mains plus fines.
Mais ses yeux étaient les mêmes. L'iris était d'un couleur introuvable chez les humains : miel et or, elle fonçait vers l'extérieur à la manière d'une prunelle tout à fait courante, devenant un acajou presque fauve. Ces yeux restaient fixes, perdus vers le plafond, leur lumière étrange parce qu'elle ne l'était pas.

Horus avait des yeux d'or, mais Horus avait un regard d'homme.

Sous le pyjama des malades, le puissant dieu était étrangement banal. Le tissu blanc-bleuté baillait un peu aux épaules, et ses cheveux bruns, teintés de reflets caramel, faisaient une auréole somme toute normale autours de son visage fin et juvénile.

Puis Horus sembla venir à la vie, ou tout du moins, ce fut comme si sa conscience s'éveillait, car sa poitrine avait déjà été agitée d'un souffle de dormeur. Il cligna des yeux, plusieurs fois, comme pour régler sa vision, inspira profondément. Alors qu'il aspirait l'oxygène de la petite chambre, Aubry se sentit comme aspiré avec le gaz ; elle s'approcha un peu.

Horus ferma les yeux et Aubry sentit qu'il cherchait, sentiment étrange, comme si elle sentait Horus ; d'abord comme on sent un rayon de soleil sur la peau en ayant les yeux fermés. Il tâtonnait, comme maladroit dans sa résurrection, ou peut être effrayé que la présence à ses côtés ne soit pas celle de sa Clef.
Elle s'approcha pour lui faciliter la tâche, s'assit sur le bord de son lit et posa sa petite main d'adolescente sur la sienne. Le rayon de soleil revint, plus fort, et Horus et Aubry le suivirent, inspirèrent la chaleur légère et agréable et prirent alors conscience que le soleil battait, au rythme du coeur de l'autre.

Horus sourit et Aubry sourit aussi. Elle s'était attendu à pire. C'était étrange, à vrai dire, et un peu terrifiant, mais pas si déplaisant. Elle eu le sentiment qu'Horus était étrangement enfantin, sa présence à la fois immature, fragile et pourtant possessive, exigeante, passionnée aussi.

Horus expira ; cet instant qui avait semblé des heures n'avait duré que le temps d'une respiration. Alors il parla et la magie sembla se briser, dans une seule petite question, murmurée d'une voix maladroite, comme si Horus faisait ses premiers pas en la matière :

« Freedom ? Freedom Kanaba ? »
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