Prométhée
Paupières closes, endormi,
Tu profites de ce répit
Perdu dans ton songe utopique
Où Pandore, éblouie, se pique
De la perfection de ce lieu
Sur lequel elle pose les yeux.
Aucun monde ne fut jamais
Plus beau que cet âge rêvé,
Que celui où la femme naît
Dans un élan de volupté.
Mais lorsque tes sens en émoi
Emplissent tout ton cœur de joie,
Soudainement tu te réveilles
Car la douleur pourtant si vieille,
Portée par l’aigle millénaire
Et provenant des neufs enfers,
Désormais a repris ses droits
Lorsqu’elle a dévoré ton foie.
La sibylle et le guerrier
Dans mes bras ma promise, embrasse ton époux,
Relève la tête, ne baisse plus les yeux,
De ton regard de cendre, affronte enfin les cieux
Et admire l’empire étendu devant nous.
La ville est à nos pieds, tu n’as qu’à écouter.
Entend enfin ces cris, ce qu’ils veulent nous dire,
En un ultime appel leurs voix sont assemblées :
« Notre monde est en ruines. Tout est à reconstruire. »
Moi je serai le feu, brillant et flamboyant :
Attisant les passions,
Enflammant le courage,
Dévastant l’ennemi,
Je tourbillonnerai, réchaufferai les cœurs.
Tu incarneras l’eau, sereine, évidemment,
Apaisant la nation,
Nettoyant les outrages,
Abreuvant les esprits,
Tu seras mon pendant, glacera les ardeurs.
La faute est aux anciens et à leur décadence.
Nous serons bâtisseurs de la cité nouvelle,
Nous gagnerons un jour le pouvoir éternel,
Tous deux, main dans la main, à force de patience.
L’union fructifiera, tu porteras l’enfant
De mes entrailles issu. Le descendant choisi
A son tour régnera sur tout le continent
Et parachèvera l’œuvre de notre vie.