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 Envie d'écrire

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AuteurMessage
canard en plastique
Premiers mots
canard en plastique


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Localisation : Dans la baignoire entre le nombril et le gros orteil
Date d'inscription : 29/05/2008

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MessageSujet: Envie d'écrire   Envie d'écrire EmptyMar 24 Juin - 8:58

Envie d’écrire.
Non.
Besoin d’écrire.
D’écrire tout ce que je peux avoir en moi. D’écrire jusqu’à ce que mes doigts ne soient que de tumescentes boules gorgées de sang et de douleur.
Jusqu’à ce que je ne sois qu’une brique de jus d’orange vidée, écrasée par un pied indélicat.
C’est l’abeille qui me l’a dit.
Pas celle qui bourdonne inutilement aux oreilles de la flore champêtre.
Celle de la boîte de céréale, avec son sourire niais et ses grands yeux ridicules.

Je fixais cette icône des temps modernes lorsqu’elle a jugé bon de s’animer pour sortir de sa prison alimentaire cartonnée. J’avoue que ça ne m’a pas étonné plus que ça. J’étais sorti jusqu’à tard ce matin pour fêter comme il se devait ma chance d’être vivant (c’est ma raison du vendredi soir). L’alcool parcourait encore allègrement l’ensemble de mon système sanguin et dans un tel état voire s’animer un personnage de boîte de céréale c’est plutôt anodin.
Puis elle s’est adressée à moi.
Sa voix était profonde et puissante, elle semblait venir des entrailles même de notre terre.
Ce fut comme si Dieu lui même s’adressait à moi :
« Salut mon gars, je me permets de te déranger, j’ai quelque chose d’important à t’annoncer…
Arrête de manger ! C’est quand même pas tous les jours qu’une abeille imaginaire t’annonce ta destinée bordel ! »
Drôlement convaincante la petite :
« Romain, dès aujourd’hui tu vas écrire, écrire comme jamais tu ne l’a fait auparavant. Tes pensées, tes anecdotes, tes blagues presque drôles…Tu vas écrire chaque jour que Dieu fait. »
Ouf ce n’était pas Dieu…J’aurais été déçu.
« Tu vas écrire et personne ne te lira. Tu vivras dans l’indifférence la plus totale de tes contemporains. Tu évolueras dans un monde de frustrations, dans le besoin perpétuel de faire lire ce que tu coucheras sur le papier. Tu convoiteras les œuvres de tes semblables et subiras la cruauté de ton propre jugement. Le sentiment de médiocrité et la solitude seront tes seuls alliés. Pourtant tu seras invincible. Plus aucun mal ne pourra s’installer en toi sans que tu ne puisses le sortir d’un coup de crayon. »
C’était quoi ce destin pourri ? Et puis qu’est ce que c’était que ces conneries ? Je détestais écrire, déjà au Lycée la simple vue du mot « dissertation » me faisait frémir. Et puis c’était quoi ces histoires de solitude ? J‘étais un être nocturne, un toxicomane de la sociabilité. Je ne pouvais survivre sans ma dose quotidienne de contact humain.
Je n’avais jamais entendu de propos aussi sordides.
Puis l’abeille a retrouvé son monde en deux dimensions dans un sifflement semblable à celui d’un ballon de baudruche que l’on dégonfle en pinçant l’embout entre ses doigts.
Il m’arrive encore de penser que j’aurais mieux fait de rester coucher…Ou alors que j’aurais mieux fait de ne pas me coucher…question de point de vue.

Le fait est que je suis là. Avachis sur mon ordinateur. Trois ans après cette étrange rencontre.
La fatigue ne cesse d’alourdir mes paupières imbibées de larmes sans que je puisse pour autant détourner les yeux de la page qui se remplit.
Je ne sais pas quelle heure il est. Je ne suis même pas sûr de comprendre ce que j’écris.
Une histoire à dormir debout. Un récit à la première personne, un jeune homme qui s’engueule avec son cœur qu’il a “foutu à la porte” quelques années plus tôt.
Mais mes doigts savent quoi faire. Ils parcourent le clavier avec une dextérité que je ne leurs soupçonnais même pas. Au fur et à mesure que le texte s’étoffe à grands coups de correcteur d’orthographe, la pression qui étreignait ma cage thoracique relâche peu à peu son emprise.
Les croyances populaires défendent qu’un homme averti en vaut deux. J’aimerais démentir ce proverbe. Mais bon, un paquet de gens sont sûrement morts pour cette phrase alors que puis je y faire ? Et puis c’est bien ce que je valais…Un double con, rien de plus, rien de moins. Qui peut donc se vanter d’avoir eu vent d’une catastrophe avant qu’elle ne se produise, sans même tenter de l’éviter ? Combien de passagers d’avions, de trains ou de voitures auraient aimé entendre ce fameux :
« Heu….Arem. Si t’attendais le prochain ça serait bien parce que dans celui-là, y a pas mal de chances pour que t’y reste. »
J’avais vu le panneau, j’avais pris le temps de lire ses inscriptions « Attention, vie de merde dans 200 m. » et je n’ai rien trouvé de mieux à faire que d’appuyer sur l’embrayage, de passer la 5ème et de foncer droit vers…enfin vers maintenant quoi.

La descente aux enfers a été calme, douce, presque agréable. Ca a commencé par la petite manie que j’avais de me parler tout seul. Autrefois, lorsque je déambulais chez moi sans trop savoir quoi faire, à l’abri des regards, il n’était pas rare que je me surprenne à me parler à moi-même. Pas grand-chose. Quelques mots tout au plus :
« Bon qu’est ce que je fais ? »
Et puis un jour, Paf ! Ca devient :
« Bon qu’est ce que je fais ? On pourrait se faire un cinoch ? Oh non pas le ciné on y est déjà allé hier ! Tu veux pas bouger un peu, profiter du soleil et de l’air frais ? Ouais enfin t’es gentil, l’air frais du moment il est justement nettement trop frais pour moi !... »
J’ai d’abord pensé que j’étais schizophrène. Mais il n’en était rien et croyez moi, c’était vraiment regrettable. Parler tout seul était moins le symptôme d’une folie naissante que le réflexe de survie d’un cerveau qui ne pouvait plus penser à voix basse faute de place. Je me suis mis à multiplier mes pensées. Très rapidement ma boîte crânienne s’est remplie d’informations, utiles ou inutiles, de visages, d’histoires, de chansons et autres délires oniriques. Tout allait beaucoup trop vite pour moi qui avais cette fâcheuse habitude de prendre le temps de prendre son temps.
Pour un peu qu’il me plaise, un film sur grand écran se transformait bien vite en épopée imaginaire. 24 h de délirium intense, un spectacle son et lumière à faire pâlir d’envie le Futuroscope. Trop d’images, trop de mots...
La réaction d’un gars normal serait de parler, assumer ses différentes visions fantasmagoriques et autres réflexions et de les partager avec ses amis ou du moins des gens susceptibles de vous écouter. C’est ce que j’ai fait...
Disons que ça n’a pas été une franche réussite. Trop d’images, trop de mots...

Mes amis m’ont rendu un à un leur démission. Une cascade de “Heu...ce soir c’est pas possible mais le mois prochain ça serait avec plaisir !”, de “Alalala tu tombes mal j’avais déja prévu un truc avec mes cousins...” ou encore d’élégants “Oh tu sais en ce moment je suis débordé par le boulot.”.
Les plus honnêtes m’avouèrent que j’avais changé. Qu’ils n’arrivaient plus à suivre mes “trips”. Certain me demandèrent même, avec compassion, si je n’étais pas tombé dans la drogue. Il me fallait absolument un moyen de virer ces parasites squatters d'encéphale qui grignotaient dangereusement ma santé et ma raison. Mais merde ! Je n’allais quand même pas donner raison à une abeille cartoonisée passionnée de maïs soufflé au miel !

Puis un matin, je n’ai bousculé personne en me retournant dans le lit. Plus de chemisiers aux décolletés appétissants dans la penderie. Plus de tiroirs pleins à craquer de bouteilles de shampooing dans la salle de bain. Plus de yaourts au soja immangeables dans le frigo. Il n’y avait même plus de bougies parfumées délicatement posées sur leurs assiettes respectives.
Elle était partie. Sans un mot. Dans la nuit. Tel un voleur qui viole allègrement votre intimité et s’enfuit par la fenêtre, emportant sous le bras tous vos plus beaux souvenirs. Je ne suis pas assuré contre les vols.
A croire que trois ans de vie commune presque heureuse dispensait cette chère demoiselle de me fournir une explication. Et moi qui croyait que c’était l’inverse...
Juste cette note manuscrite griffonnée à la va-vite :

“Tu n’es plus celui que j’ai aimé.
N’essaye pas de me retrouver, tu n’aimerais pas l’homme que j’ai rencontré (Il adore le tuning).

Remets toi vite, tu es si beau quand tu souris

Angélique

ps : Je te laisse la garde du ficus”


La première réflexion qui vint effleurer mon esprit fut de me dire amusé :
“Rah saleté, elle sait bien que je déteste arroser cette saloperie de ficus...”
Puis un peu moins amusé :
“Mon dieu...Elle m’a quitté.”
Et enfin carrément déprimé :
“Qui c’est ce connard ? Fan de tuning ? Non...Impossible”
Elle savait pertinemment que ce mot ferait l’effet d’une bombe atomique dans mon coeur. Je ne supporte pas le tuning. Pour tout dire, je hais de toute mon âme cette activité pour décérébrés analphabètes qui consiste à palier une évidente impuissance sexuelle en imposant au monde la vue de sa voiture qu’elle est belle et grosse et qu’elle joue fort de la musique et qu’elle a de jolis néons à juke-box dessous n’elle et qu’en plus elle ne fait fort le vroum-vroum... J’étais prêt à égorger vivant le premier amateur d’ailerons aérodynamiques qui viendrait palabrer sous ma fenêtre.
Puis les heures passent et on réalise bien vite que l’adorateur de tuning, on en a pas grand chose à carrer. Il y a même fort à parier qu’elle avait ajouté ce détail pour me faire enrager. Elle était partie, j’étais seul...
L’ombre s’étendait sur moi comme une épidémie de grippe dans une classe de primaire en plein mois de février. La culpabilité de celui qui n’a pas su apporter à son âme soeur l’attention qu’elle demandait. La solitude de l’homme du monde abandonné par ceux qu’il défendait. Le froid glacial d’une chambre à coucher jusqu’ici mitoyenne, devenu mur de lamentation pour adulescent effondré. Les journées passaient sans que je ne puisse détacher mes doigts de mon téléphone portable. Priant le dieu Bouygues télécom de recevoir un texto. J’aurais vendu mon rein sans hésitation pour un :

“Ecoute il faut qu’on parle rejoint moi place Bellecour”

Mais rien. Fermer les yeux devenait une torture. Chaque battement de paupière, chaque demi seconde d’obscurité était propice à l’imaginer dans les bras d’un autre. Elle était là, dans un lit qui n’était plus le mien, susurrant à son oreille les mots qui m’étaient autrefois destinés. Et puis comment était il ? Qu’avait elle donc trouvé chez lui qu’il n’y avait pas chez moi ? Etais-ce l’esprit ? L’humour ? Ou peut être le corps ? Mon corps était il donc devenu si horrible pour qu’elle se décide à planter ses canines dans ma gorge ? Les questions, toujours les mêmes, jamais de réponses. Se faire abandonner de l’être aimé n’est pas si grave, seul le doute peut tuer.

Alors je l’ai fait. J’ai pris le stylo à bille dans le tiroir de ma cuisine. Sorti la feuille blanche du bac de mon imprimante. Fait glissé la pointe feutrée sur le papier de mauvaise qualité. Un “T”, puis un “o” suivi du “r” quelque instant plus tard émergeait un titre. La suite ? La suite fut brutale et sèche comme un coup de fouet. Les phrases frappaient la feuille, implacables. Les ratures labouraient le papier comme autant de coupures sales et suintantes. Un flot syntaxique ininterrompu venait se heurter contre les bordures de ma page. C’était fantastique, jubilatoire, j’extirpais de mon cortex tout ce que ma bouche ne pouvait assumer. Des larmes, des rires, des cris, des larmes, beaucoup de larmes, tellement de larmes qu’il me sembla manipuler une feuille gorgée d’eau salée.
Lorsque je repris conscience, le ciel prenait déjà cette teinte rosâtre annonçant l’arrivée imminente du soleil. Une nuit. Je venais de passer une nuit entière à inonder 15 pages de jérémiades puériles et de figures de styles inadaptées. J’étais lessivé, j’avais faim et une furieuse envie d’aller aux toilettes mais j’étais bien. Rectification. Je ne m’étais jamais sentis aussi bien. C’est comme si j’ouvrais les yeux pour la première fois.
C’était donc ça le ciel !
Et le soleil quelle énergie !
Hummm ce café à un goût fantastique...
Je contemplais avec dégoût l’impressionnante pile de feuilles qui me faisait face. Dedans c’était moi, mon ancien moi. J’étais le phoenix renaissant de ses cendres, Gandalf se débarrassant de son ignoble guenille pour revêtir son étincelante robe blanche. J’étais le nouveau né que la soif de curiosité rendais invincible. je n’avais rien vu jusque là et la vie s’ouvrait enfin à moi.

C’était décidé, j’allais devenir écrivain...
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