Les Sept Louveteaux et le Bouc
(ou "Comment renverser le célèbre conte : Les Sept Chevreaux et le Loup"... )
Il était une fois sept louveteaux et leurs parents qui vivaient dans une belle maison en paille… Non, non ! Cela ne va pas… Une allumette et tout brûle ! On reprend.
Il était une fois sept louveteaux et leurs parents qui vivaient dans une belle maison en bois… Non, non… Coupez ! Cela ne tient pas debout ! Ce n’est pas assez moderne… On recommence.
Il était une fois sept louveteaux et leurs parents qui vivaient dans une belle maison en brique avec de beaux fauteuils, la télévision, l’eau courante et tout le confort moderne… Voilà ! C’est déjà mieux. Les sept louveteaux étaient des petits monstres (comme tous les enfants). L’aînée s’appelait Chaperon Rouge et la plus jeune Gretel, en passant par Anne, Marguerite, Hansel, Pierre et Petit Poucet. Les louveteaux avaient déjà fait toutes les bêtises imaginables et étaient parfois seuls à la maison, sans leurs parents. Père Loup s’absentait du lundi au vendredi. En début de semaine, il mettait une cravate, prenait une valise, embrassait ses enfants, offrait une rose à sa bien-aimée et partait en courant. Mère Loup quittait le logis un jour de la semaine pour remplir le frigidaire : le mardi. Elle attrapait son cabas et son sac à main, posait un châle sur ses épaules et disait à ses petits :
- Faites bien attention.
- Oui, oui ! clamèrent-ils en choeur.
- N’ouvrez à personne.
- Non, non !
- Vous avez la clé ?
- Oui, oui !
- Et n’oubliez pas de demander Patte Noire.
- Non, non !
-
(attendrie) Vous serez sages ?
- Oui, oui !
- Je ne serais pas longue.
- Salut, M’man !
Mère Loup partait rassurée. Car, si elle avait peur, c’était à cause de… Barbiche Blanche ! C’était un bouc terrible, immense ! Même les carnivores en avaient peur ! Barbiche Blanche détestait les loups. L'un d'eux avait en effet emporté sa femme, la chèvre de M. Seguin ; ce jour-là, Barbiche Blanche avait décidé de chasser tous les loups qu’il trouverait sur son passage. Deux mois plus tard, ils avaient tous quitté la région. Tous ? Non. Pas les sept louveteaux et leurs parents.
Depuis ce temps, Barbiche Blanche avait essayé tous les mardis, sans succès, d’entrer dans la maison pour terroriser les louveteaux. Barbiche Blanche les menaçait, tentait de défoncer la porte, leur lançait des jurons, mais rien à faire, les sept louveteaux n’ouvraient pas. Non, non et non !
Barbiche Blanche avait juré qu’il se vengerait. Mais l’astuce qui le gênait, c’était la Patte Noire. Car ses pattes étaient… blanches ! Blanches comme la neige ! Mais ce mardi-là, il avait trouvé une solution et imaginait sa vengeance.
A la maison, les louveteaux s’ennuyaient. Ils avaient renoncé à faire des bêtises et fabriquaient des avions en papiers. Mais le moment qu’ils attendaient avec impatience, c’était l’arrivée de Barbiche Blanche. Car, en vérité, ils n’avaient pas peur du grand bouc. Ils adoraient narguer Barbiche Blanche, le ridiculiser, le mettre en colère… bref, ils adoraient le rendre chèvre. Ils écoutaient tous le silence quand soudain…
Barbiche Blanche toqua à la porte et déguisa sa voix :
- Mes petits ! C’est Maman, ouvrez !
- Montre d’abord ta patte noire !
Le bouc glissa sa patte dans le trou percé pour cette fonction. Elle était…
Noire ! Mais Hansel était méfiant. Il souffla sur la patte et vit de la poussière voler. Quel menteur, ce Barbiche Blanche ! Un peu de charbon et le tour était joué. Alors comme ça, il a voulu rouler les louveteaux dans la farine… enfin, plutôt dans le charbon… C’en est de trop ! La guerre est déclarée !
Hansel essaya de retenir sa fausse mère pendant que ses frères et sœurs s’activaient dans son dos. En une minute, ils étaient tous prêts. Hansel ouvrit le verrou et courut vers ses complices. Barbiche Blanche bondit dans la pièce et ricana : « Ah ! Ah ! Je vous tiens ! » Soudain son rire disparut et il resta immobile. Il s’attendait à tout sauf à ça ! Il pensait qu’il allait voir sept louveteaux apeurés, des proies faciles ! Mais, ce qu’il avait devant lui, c’était… sept louveteaux pas affolés du tout et armés jusqu’aux dents ! Lance-pierres, frondes, balais, fourchettes… toutes les armes étaient permises.
Ce mardi-là, il y eut une bagarre mémorable, entendue par tous les animaux des environs. Cris semblables à ceux de Tarzan, bruits de verre cassé, hurlements en tout genre… Quelle bataille ! Le lendemain, une pie prétendit avoir vu Barbiche Blanche sortir affolé d’une maison en brique, poursuivis par sept louveteaux qui poussaient des cris d’Indiens…
Après avoir réparé les dégâts et rangé leurs armes, nos sept guerriers commentèrent leur victoire autour d’une tasse de chocolat chaud. Quelques minutes plus tard, Mère Loup arriva. Elle déposa les provisions et demanda :
- Salut, les p’tits loups ! Vous avez été sages ?
- Oui, oui !
- Vous n’avez ouvert à personne ?
- Non, non !
- Vous n’avez pas eu d’ennuis avec Barbiche Blanche, aujourd’hui ?
Les louveteaux hésitèrent... Puis, ils se lancèrent des regards entendus. Des ennuis, eux ? Oh non ! C'était ce pauvre Barbiche Blanche qui en avait eus !
- Non, non, Maman !