Wal-Babe

WAL-BABE

- Je ne le fais pas de gaieté de coeur, crois-moi !
- Mais tu sais bien que nous n'avons pas le choix.
- Je sais. Finissons-en.
Ils débarquent de leur voiture et se dirigent vers les portes coulissantes du commerce. L'homme, toujours renfrogné, continue à discuter avec son épouse.
- On va encore se faire arnaquer.
- Mais non ! Tu sais bien que les lois commerciales internationales, sont très strictes en cette matière.
- N'empêche, on devrait quand même avoir le choix !
- Tu sais bien que c'est impossible. Toutes les études faites en ce sens le démontrent. C'est la meilleure solution.
- Et tu crois tout ce que disent les soi-disant experts ? Tu sais bien qu'ils disent ce que les multinationales, comme cette compagnie, leur disent de dire. Sinon, comment feraient-ils pour vendre leur produit ?
- Dieu que tu es cynique. Tu vois le mal partout. C'est ici que Jeannine est venue et elle a été très satisfaite. Surtout du service après-vente. Détends-toi, s'il te plaît.
- D'accord !
Dès leur entrée, un associé de la vente se dirige vers eux. Leur première impression en est une surprise. Le magasin est silencieux. Enfin, étant donné le produit, il y aurait dut y avoir plus de bruit que cela. Mais, en regardant les allées du magasin, ils s'aperçoivent que toute la marchandise est derrière des vitrines fermées et insonorisées.
- Bonjour, leur dit l'associé, bienvenue chez Wal-Babe. Est-ce que je peux vous aider ?
- Oui, nous sommes ici parce que cela fait trois ans que nous sommes mariés, répondit l'homme.
- Je vois, et c'est votre premier achat ?
- Oui.
- Bien ! si vous voulez me suivre.
Il les emmène jusqu'à son bureau ou il leur offrit un siège.
- Voilà ! je vais essayer de vous faciliter la tâche en vous expliquant la politique de notre commerce en cette matière. Premièrement, tous nos produits ont une garantie complète de 15 ans. Étant donné que c'est votre premier achat, tout le matériel nécessaire d'entretien et de croissance est comprise dans le prix de vente.
- Oui ! mais de combien est ce prix de vente ?
- Monsieur, me permettez-vous de vous poser une question ?
- Oui, allez-y.
- Vous ne semblez pas heureux d'être ici ?
- Vous avez raison. Cette loi est idiote et le choix devrait être laissé aux citoyens, non pas imposée !
- Je vous comprends, Monsieur, mais croyez-moi, il n'y avait pas d'autres solutions. Vous savez, j'ai vécu cette période qui a amené cette loi. Il y a trente ans de cela, en 2002 pour être exact, le problème de dénatalité dans les pays industrialisés devenait très inquiétant. Comme vous le savez certainement, la situation économique faisait que les deux personnes qui formaient un couple, se devait de travailler pour survivre. Ajouter à cela les revendications de la Femme, qui elle aussi voulait faire carrière et être traitée en égalité avec l'homme, les gouvernements n'avaient pas le choix. Lorsque vous regardez la façon dont cette période s'est passée, vous ne pouvez pas ne pas croire au destin. Car, en même temps que ces phénomènes se déroulaient, Raël prouva au monde entier que le clonage humain était possible. À partir de cette expérience, ce n'était qu'une question de temps avant que l'on puisse éliminer les mères porteuses et tous les autres inconvénients de l'accouchement. Imaginez l'économie d'argent qu'ils ont fait uniquement dans les soins de santé.
C'est ainsi que les Femmes purent obtenir gain de cause et devenir les égales des hommes. En effet, en éliminant les congés de maternité, la femme se révélait aussi productive (en temps) que l'homme.
- Et il ne fallut pas longtemps aux multinationales pour s'emparer de cette découverte et la commercialiser.
- Mais monsieur, c'était la meilleure solution. Et je vais vous en donner la preuve en vous expliquant ce que l'achat d'un enfant, chez nous, vous rapportera dans votre vie future. Premièrement, tous les gênes nuisibles ont été éliminés. Son système immunitaire a été renforcé. Par exemple, son ADN a été modifié pour qu'il puisse supporter plus aisément nos hivers québécois. Déjà là, vous ferez une économie substantielle sur les vêtements. Toutes les maladies de l'enfance sont éliminées, en conséquence, les vaccins et les visites médicales aussi. Une autre économie. Attendez ... je sais ce qui vous tracasse : le temps, n'est-ce pas ?
- Il est vrai que nous sommes inquiets à ce sujet, répondit la femme. Nous travaillons beaucoup et je crains, qu'avec un enfant, le peu de loisir que nous avons ne disparaisse.
- N'ayez aucune crainte à ce sujet. De toute façon, avec nos garderies à 10 $, le temps que vous alliez travailler, l'enfant le passera avec une éducatrice spécialisée.
- Mais comment saura-t-il alors que NOUS sommes ses parents ?
- Lorsque vous aurez fait votre choix, et je tiens à vous dire, en passant, que nous avons d'excellent rabais sur nos enfants asiatiques cette semaine, avant de vous le livrer, votre « photo » accompagnée des mots « Maman et Papa » seront imprégnés dans la mémoire de cet enfant. Tant que cette image ne sera pas changée, vous serez pour lui, ses seuls père et mère.
- Je vois.
- Je voulais aussi vous rassurer en vous disant que tous nos enfants sont âgés de trois ans, donc, ils savent marcher, sont propres et ils dorment toutes leurs nuits.
- Et pour l'éducation ?
- Comme vous le savez, toutes les écoles primaires et secondaires ont été éliminées. Maintenant, on imprègne les connaissances directement dans le cerveau. Beaucoup plus efficace et beaucoup moins coûteux pour les contribuables. Une fois par année, vous venez voir nos spécialistes qui, en l'espace de deux heures, lui imprègnent les connaissances normales pour un enfant de son âge. Encore une fois, vous économisez temps et argent(croyez-le ou non, il existe encore des parents qui envoient leur enfant dans des écoles privées). En plus, un extra que vous n'aurez chez aucun de nos concurrents, tous nos enfants ont en eux, le désir de développer leurs talents naturels. Un désir qui a été implanté dès leur naissance. De cette façon, vous partez avec la certitude que votre enfant sera productif pour vous et pour la société.
- Vous commencez à me tenter ... Et pour les sports ?
- Pour une légère somme supplémentaire, nous pouvons lui inculquer déjà les bases des sports que vous préférez, de cette façon, il pourra vous accompagner et vous servir de partenaire dans tous vos sports.
- Mais ... S'il a un accident et qu'il en meurt ?
- S'il est encore sous notre garantie, nous vous le remplaçons sans aucun frais.
- Remplacer ?
- Exact ... Chaque fois que vous nous amenez votre enfant, nous gardons une copie de ce qu'il a en mémoire. De cette façon, avec ces connaissances et son ADN, nous pouvons le cloner à l'âge voulu et l'imprégner de toutes ses connaissances. Croyez-moi, vous ne verrez aucune différence. Ce sera comme s'il était parti coucher chez un ami et qu'il revenait chez vous.
Lorsque la garantie se termine, chaque enfant, devenu adulte, peut renouveler sa propre garantie pour une autre période de 15 ans.Il y a aussi un autre avantage à
cette façon de faire. Supposons que vous vous séparez. Plus de chicanes pour savoir qui va garder l'enfant. Nous en ferons un autre exactement pareil au premier et le problème sera réglé.
- Et si nous prenons un garçon, mais qu'après un essai, nous
préférons avoir une fille ?
- Notre politique a été faite en fonction de la satisfaction de nos clients. C'est pourquoi vous avez droit à une période d'essai de 90 jours. Si vous n'êtes pas satisfait ou que vous préférez l'autre sexe, vous pouvez l'échanger sans frais.
- Tu as d'autres questions, Yves ?
- Une seule ...Combien ... Et quelles sont les modes de paiements ?
- Les prix varient entre 100 et 200 milles dollars. C'est-à-dire, une mensualité moyenne d'environ 119.95 $ sur 15 ans.
Le couple se regarde. Ils savent qu'ils ne trouveront pas de meilleur prix ailleurs. Ils ont déjà vérifié. Ils se sourient et se prennent la main. L'associé savait qu'il venait de signer un nouveau contrat. Il sourit à son tour.
- Êtes-vous prêt à faire votre choix ?
- Oui ... nous sommes prêts.
Alors qu'ils déambulaient dans une allée, regardant les enfants suisses d'un côté et les enfants africains de l'autre, elle remarqua que son mari avait toujours son sourire.
- À quoi penses-tu Yves ?
- Je n'arrive pas encore à me faire à l'idée : Je vais être papa !

FIN !