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 RaQM

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Fëa
Premier roman
Fëa


Nombre de messages : 97
Date d'inscription : 29/03/2007

RaQM Empty
MessageSujet: RaQM   RaQM EmptyLun 18 Aoû - 13:02

RaQM

Entrée en scène ; tout commence, comme chaque matin, par quatre bips stridents. Trois rapides, un lent ; l'ensemble coule dans des aigus désagréables mais jugés optimaux pour un réveil rapide, énergique et efficace.

Le corps harmonieux de M. est alors soulevé par le système automatique du matelas. Celui-ci se brise à hauteur des hanches de ce sain monsieur de six cent livres. Le pan supérieur s'incline jusqu'à le mettre en position assise. Trois bras mécaniques jaillissent du plafond et leurs mains couvertes de caoutchouc garanti anti dérapant agrippent la masse, la soulève et la dépose dans un fauteuil motorisé d'intérieur. Les doigts de M, sortes de saucisses gonflées, boudinées aux articulations et luisantes d'un léger film de transpiration graisseuse, effleurent avec légèreté le panel directionnel du fauteuil.
Direction : salle de bain. La machine s'enclenche silencieusement. Elle est parfaitement huilée ; il faut dire que M. a acheté un robot d'entretien spécialement pour cela. Il aime quand tout glisse bien, des systèmes internes de sa cuisine autonome aux rouages plus simples du masque de toilette électrique. M. est maniaque et le sait, mais il avait dû supporter le crissement du vieux fauteuil à mains (à mains ! Voilà qui s'approche du scandale) du voisin d'au dessus pendant toute son enfance. Cela l'avait proprement traumatisé.

La porte de la salle d'eau coulisse dans un silence feutré. Le fauteuil s'y engage en douceur. M. est de nouveau soulevé par les bras de fer (l'ingénieux système passe par des conduits encastrés dans le plafond), puis déposé dans une haute bassine prolongée par des parois de plastique transparent. Aussitôt des serpents d'acier et de tuyau se déversent de quatre ouvertures rondes, se dressent et aspergent les deux rangs de bourrelets du ventre, la molle substance des cuisses, les profondeurs vallonnées que surplombent les trois mentons. Les reptiles mécaniques moussent, frottent, décapent chaque parcelle du paysage beige cochon sans un sursaut d'admiration devant cet amas de graisse magnifique. Enfin, ils achèvent la toilette en étendant une lotion "effet huileux" sur l'étendue épidermique.

M. est porté de nouveau jusque dans son fauteuil. De nouveaux appareils lustrent le crâne nu et luisant, maquillent l'ample poitrine de quelques motifs à la mode et l'aspergent enfin de particules parfumées.
Direction : cuisine.

C'est une petite pièce. Une seule table, mais joliment faite, avec un beau revêtement en peau de chihuahua bleu. Le module culinaire sert ce matin un bol de soupe lard-patate-miel-crème, que M. engloutit à l'aide d'une paille dernière générations (Pas de bruit, pas de grumeaux, rien à mâcher !). Une seconde paille pour le jus d'orange, une troisième pour le lait ; l'une et l'autre sont conçues pour filtrer tous les petits éléments indigestes qui pourraient donner un travail quelconque à l'estomac.

La collation est achevée en à peine quatre minutes, dix sept secondes. Le fauteuil prend la direction de l'entrée. Les bras mécaniques transvasent M. dans son véhicule d'extérieur, un modèle rutilant équipé du must : locomotions de type "araignée" assurée par huit membres d'acier anti oxydant, bouclier magnétique anti pluie-et-projectiles, chauffage intégré, le trio gps-lecteur hollogramique-cellulaire. M. caresse la machinerie avec amour, ses grosses mains flattent la carrosserie comme il le ferait d'un chat robotique.

Clic, clac, le véhicule s'engage dans le couloir, pénètre dans l'ascenseur, s'immobilise le temps d'une rapide descente et, enfin, mène M. hors de l'immeuble. Le trajet pré enregistré se déroule sous les huit pattes rutilantes : une rue à gauche, une à droite, tout droit sur cent mètres, puis l'ascenseur lent qui mène au TRURS métropolitain. Gigantesque tapis roulant souterrain et ultra rapide, le TRURS avait remplacé l'antique métro lorsqu'il s'était avéré que les fauteuils peinaient à s'y installer en grand nombre.
Dix minutes sur la ligne C, puis changement de voie station Denfert-Rochereau en direction de la ligne F2. Le fauteuil araignée s'engage automatiquement sur la voie habituelle, esquive avec brio la multitude ronronnante des autres appareils de déplacements assistés et, finalement encastre une de ses pattes chromées dans un nid de poule impromptu, sur le bord du tapis roulant. Cela n'était certainement pas prévu : pour le système gps, tout est droit, parfaitement en état. Aucun dégât n'était annoncé sur le réseau parisien unifié ! Comment une telle erreur était-elle possible ?

Le fauteuil panique. Ses circuits saturés par la surprise, non, la stupeur ! sont parcourus de multiples soubresauts numériques alors que, inlassablement et à une vitesse impitoyable, le TRURS emporte les sept pattes encore sauves loin de la huitième. Avec un craquement sinistre, le tapis arrache le membre comme l'on l'aurait fait de celui d'un crabe retourné. M., surpris par le bruit, le choc et le déséquilibre soudain, soulève dans un réflexe ancestral ses énormes bras. Le poids est de trop pour ses muscles atrophiés comme pour l'assise défaillante du fauteuil.

Dans un grand tintement de fer saupoudré d'un bruitage rappelant sans peine un tube de dentifrice sur lequel on aurait marché, le tout s'écroule, s'étale sur le tapis de nylon mêlé de caoutchouc, se répand en bourrelets et cuisses gargantuesques.

Un tel risque naturel était insensé, impensable, inespéré ! Voilà que d'un seul coup s'emportent tous les fauteuils engagés sur le TRURS. Ils détectent l'obstacle mais le réseau ne leur fournit aucune information. Que faire ? Certains louvoient et se crashent contre leurs innocents voisins motorisés. D'autres, moins réactifs, heurtent la montagne vivante. Six cent livres de gélatine humaine, molle, sans prises ! Le premier alpiniste émérite est un modèle tout terrain équipé de chenilles. Ses crampons s'enfoncent avec courage dans la peau distendue, la percent, éprouve sa volonté mécanique sur le tas.

Le message nerveux atteint le cerveau de M.. Il comprend l'ampleur de la catastrophe mais ne peut bouger. Ses chevilles sont comme du plomb pour des mollets gros comme des cuisses de chèvre, dont les muscles sont du même volume que ceux d'un poulet. Ses mains au bout de ses poignets s'agitent. Il crierait si le poids de son triple menton, pourtant à la pointe de la mode ! Ne lui écrasait pas le visage au sol.

Ainsi expire M, individus classique du nouveau monde mécaniquement assisté. Ainsi se forme derrière son honorable cadavre le pire bouchon qu'ai jamais connu le TRURS. Les véhicules se carambolent, s'empilent, chutent et se brisent sur fond de cris hystériques. Des femmes aux mamelles bonnet H déchirent leurs cordes vocales dans des aigus de réveil mal réglé ; des hommes à la bedaine si volumineuse qu'ils n'ont plus besoin de sous vêtements pour cacher leur sexe gémissent, se contorsionnent dans leurs fauteuils devenus inutiles.

Panique dans le TRURS ! Assise sur un panneau de signalisation pendu au plafond, Joreke lève vers les cieux bétonnés une brosse à dent usée. Elle est fière de son œuvre, cette résistante d'à peine soixante kilos, chevelue et courageuse qui, toute la nuit, a dû courir à contresens sur le tapis pour frapper à la pioche le trottoir de carrelage. Elle est si petite, si frêle… et pourtant, son attentat a réussit !

Joreke noue sa brosse à dent au panneau à l'aide d'une simple ficelle, comme seuls les résistants au quotidien mécanisé en possèdent encore. Puis, elle s'accroupit et, après quelques contorsions, se retrouve tête en bas, suspendue par le creux des genoux à un câble du réseau parisien unifié. Avec application elle écrit alors les initiales de son groupe, un luisant "RaQM" au feutre rose fluo.

Son méfait signé, la mince résistante disparaît dans un conduit d'aération, un sourire sur le visage et le cœur remplit de la satisfaction.
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